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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Mères et fils

Tendresse et fermeté, telle devrait être la devise de tous les éducateurs, des mères en particulier. On s'imagine parfois que la tendresse est le monopole des mères et qu'il appartient aux pères de représenter seuls la fermeté. C'est là une grave erreur. Elle risque d'avoir des conséquences tragiques. Qui n'a connu de ces mères trop tendres, ne pouvant supporter de voir leur enfant puni, se laissant aller à cacher au père les fautes de leur fils pour éviter à celui-ci un juste chatiment… D'abord il s'agit de bagatelles, on se persuade que cela n'a pas d'importance… Plus tard, ce seront des fautes graves. La mère se fait le complice de son fils; en réalité, c'est elle la principale coupable.

L'union parfaite des deux parents est le fondement même de l'éducation. Comme le dit Charles Wagner : « Quand les parents apparaissent à leurs enfants comme deux personnes opposées de vues, de volonté, de goût, de conception de l'existence, ils sont perdus et les enfants aussi. Il n'y a pas plus d'éducation possible… Quelles que soient vos différences d'opinions, de désirs, l'essentiel est de vous présenter devant vos enfants comme un seul homme. Autrement, par la brèche de votre union mal jointe la désobéissance, la rébellion feront irruption comme un torrent. Vous serez submergés ».

Il est naturel que, dans les premières années, la mère ait une place à part dans l'affection des petits. Cela me paraît une juste compensation aux souffrances qu'elle est seule à endurer pour les mettre au monde, aux fatigues et aux peines qu'elle s'impose pour les soigner, les nourrir, les habiller. Plus tard, l'équilibre se rétablira. N'essayons jamais de monopoliser la tendresse de nos garçons. Ne leur représentons pas leur père comme celui qui est chargé seulement d'exécuter les sanctions. Tâchons qu'il ait sa large part des joies que nous donnent nos petits.

Combien les premières années de notre premier né passent vite! D'autres enfants viendront, souhaitons-le. Il est très heureux que notre garçon ne soit plus seul à accaparer notre attention. Nous aurions bien de la peine à éviter qu'il ne se croie le centre du monde… Mais rappelons-nous que l'arrivée de l'autre, frère ou soeur, est pour lui une épreuve à laquelle il importe de le préparer. Parlons-lui à l'avance du « petit frère » ou de la « petite sÅ“ur », de façon à lui faire considérer leur venue comme un événement très joyeux, et afin qu'il ne se sente pas dépossédé par l'apparition de celui qu'il pourrait si bien considérer comme un intrus, ayons soin de lui témoigner une tendresse accrue. Demandons-lui de nous rendre de menus services quand nous soignons le tout petit, confions-lui quelques responsabilités, et bien vite, le cap redoutable sera franchi et sa tendresse pour le petit frère se fera protectrice, pure de toute jalousie.

Quand viendra le moment de l'entrée à l'école, le maître ou la maîtresse prendra au moins provisoirement une grande place dans la vie de l'enfant. Il s'agit que ces deux influences de la famille et de l'école s'harmonisent au lieu de se combattre, d'entrer le plus possible en contact avec celui ou celle à qui nous confions notre enfant. Evitons soigneusement de les critiquer devant celui-ci. Intéressons-nous au travail de notre fils sans attacher une importance excessive à ses succès scolaires.

Le chérubin d'antan est devenu un garçon bruyant qui met parfois à une rude épreuve la patience de sa maman. Mais qu'on ne s'y trompe pas : ce gamin batailleur qui prend plaisir à taquiner ses cadets a toujours un coeur avide de tendresse. Celui-ci se révèle par éclairs ; il faut saisir les occasions. Ce sera peut-être le soir, au moment où la mère va l'embrasser dans son lit. Il est bon de se réserver le plus souvent possible un moment tranquille où l'on passe en revue les menus incidents de la journée, où surgiront peut-être les confidences. Sept ans, c'est l'âge philosophique où se posent les grandes questions relatives à l'origine du monde. Prenons le temps de répondre de notre mieux aux pourquoi de notre enfant. Quand notre savoir est en défaut, sachons le reconnaître humblement. Ne craignons pas de donner à nos petits le sens du mystère qui nous enveloppe de toutes parts ; prions avec eux, si nous le pouvons; enseignons-leur à aimer Celui que Jésus nous a appris à nommer : « Notre Père qui es aux cieux » et qui nous a aimés le premier; à aimer en lui les hommes, nos frères, surtout les humbles, les petits, les souffrants.

Si nous avons su créer entre nos enfants et nous une atmosphère de confiance, c'est à nous qu'ils s'adresseront pour être renseignés sur le problème de l'origine de la vie. « D'où viennent les petits enfants? » cette question surgit parfois très tôt, par exemple à l'occasion de la naissance d'un petit frère. Je crois qu'il ne faut pas hésiter à répondre très franchement, sans fausse honte ni réticence à ces interrogations naïves. Nos enfants nous en sauront gré. Nous leur éviterons ainsi de redoutables crises et leur confiance en nous en sera accrue. Mon expérience m'a montré que les enfants acceptent simplement ce que nous leur disons simplement. C'est notre gêne, notre fausse pudeur qui compliquent les choses, qui créent un sentiment de malaise.

Il est bon que les mères aient quelques notions sur ce qui caractérise la période de la puberté pour ne pas trop s'alarmer des changements qui se produisent alors chez leur fils : brusques sautes d'humeur, besoin de s'affirmer, esprit de contradiction, outrance de langage ou accès de mutisme, laisser-aller dans la tenue ou au contraire vélléités d'élégance, bras et jambes qui s'allongent démesurément, voix qui mue, doigts tâchés d'encre, tout cela constitue un ensemble peu hamonieux qui met parfois à l'épreuve la patience de l'entourage. Mais, si nous sommes averties, nous saurons nous montrer compréhensives, supporter patiemment ces désagréments en nous disant qu'il s'agit d'une phase… Notre attitude à ce moment critique contribuera dans une grande mesure à ce que ce cap soit franchi heureusement.

Tant qu'il était petit, notre fils dépendait de nous, c'est à nous qu'il venait compter ses chagrins, ses joies, confesser ses peccadilles ; lorsqu'il grandit d'autres influences entrent en jeu, des amitiés se forment. Nous avons le droit et le devoir d'exercer un contrôle discret sur ces relations, de chercher à écarter les indésirables, mais une fois rassurées sur ce point, ouvrons largement notre foyer aux amis de notre garçon, réjouissons-nous si tel ami plus âgé, tel chef Eclaireur exerce sur lui une influence prépondérante. Ne cherchons pas à nous imposer. C'est dans la mesure où nous aurons su nous effacer que notre fils nous reviendra plus tard comme à l'asile sûr pour se mettre « à la chotte », comme le dit la jolie chanson de Jacques-Dalcroze.

On ne le dira jamais assez : l'essence de l'amour maternel est l'abnégation. L'égoïsme, voilà l'ennemi contre lequel il faut sans cesse nous mettre en garde. Et n'oublions pas qu'il peut revêtir les formes les plus subtiles, pourchassons-le dans ses derniers repaires. Une mère peut se consacrer corps et âme à son fils, travailler pour lui jusqu'à l'épuisement de ses forces, s'imposer les plus dures privations et pourtant l'aimer d'une façonj égoïste et tyrannique, se chercher elle-même, vouloir occuper la première place dans ses affections. Son amour est alors une passion qui brûle, non une douce flamme qui éclaire réchauffe. Que Dieu nous préserve qu'Il préserve nos fils d'un amour de cette nature. Aimer ses enfants pour soi, c'est une des plus grandes faute que puissent commettre des parents. Et ce n'est pas seulelent un tort grave, c'est encore le plus déplorable des calculs.

Le vrai moyen de gagner et de conserver l'affection de ses enfants, c'est de donner son amour généreusement, sans calcul, sans rien exiger en retour (ce qui ne veut pas dire qu'une mère doit se faire la servante de son fils, cultiver sa paresse et son égoïsme).

Voilà notre grand fils en âge de fonder un foyer à son tour. Nous le souhaitons, bien sûr, mais nous tremblons en pensant à tout ce qu'implique cette grave décision dont dépend tout l'avenir de notre enfant. J'ai trouvé en Bretagne une assiette qui portait cette inscription : « Celui qui trouve une bonne bru gagne une fille, celui qui en trouve une mauvaise perd un fils. » Il y a là une grande vérité, car c'est la femme qui fait le foyer.

Si nos rapports avec notre fils sont ce qu'ils doivent être, si une véritable confiance règne entre nous, nous pouvons espérer qu'à ce moment décisif, il tiendra à s'inspirer de nos conseils et qu'il n'engagera pas sa vie sans nous consulter. Quelle doit être alors notre attitude ? D'abord nous méfier de notre pauvre cÅ“ur faible et passionné, nous mettre en garde contre la jalousie, cette tentation qui guette toutes les mères, surtout les plus aimantes. Heureuses sont elles, à cette heure critique, si elles peuvent s'appuyer sur le compagnon de leur vie – moins sujet d'ordinaire aux excès de l'imagination et de la sensibilité, plus porté à juger avec calme et objectivité. Plaçons-nous uniquement au point de vue de notre fils, envisageons avant tout, non les intérêts matériels de celui-ci, mais son bonheur au sens le plus profond, le plus élevé de ce mot… Si l'union projetée semble présenter des garanties de ce bonheur-là, faisons bon marché de tout le reste, ouvrons tout grand notre coeur à celle que notre fils a choisie, même si elle n'est pas celle que nous aurions choisie pour lui. Si au contraire, un examen sérieux et sans passion de la situation nous convainc que ce mariage est une erreur, nous avons le droit d'user de notre influence pour l'empêcher… mais, si tous nos efforts sont vains, souvenons-nous que le temps de l'autorité est passé, inclinons-nous devant l'inéluctable, faisons notre possible pour que ce dissentiment ne provoque pas une rupture. Qui sait si la générosité, l'esprit de douceur dont nous ferons preuve et le temps qui passe n'amèneront pas un changement favorable. L'amour fait des miracles. Aimons.

Même si le mariage nous paraît tout à fait heureux, bannissons la susceptibilité, ne prenons pas trop à coeur les manques d'égards dont nous croyons être victimes. Montrons-nous prêtes à rendre service, à donner un conseil si on nous le demande, mais sans jamais nous imposer. Efforçons-nous loyalement et avec bonne humeur devant celle qui a, désormais, les premiers droits sur notre fils. Faisons tout ce que nous pouvons pour gagner son affection ; si nous n'y réussissons pas, persévérons dans l'amour, je sais bien que c'est difficile, qu'il y faut une grâce surnaturelle, mais elle n'est pas refusée à ceux qui l'implorent humblement. Ne portons pas, même par devers nous, des jugements sévères sur la femme de notre fils. Ne voyons jamais en elle une rivale. Cherchons à ce que le sentiment qui nous est commun à elle et à nous soit entre nous un lien et non une cause de discorde. Notre fils nous en aura une reconnaissance profonde, même s'il ne l'exprime pas. Ne cherchons pas à provoquer les confidences de celui-ci au cas ou quelque conflit conjugal éclaterait ; au contraire, s'il avait quelque velléité de nous en faire, cherchons à nous y soustraire. Par notre bienveillance, notre discrétion et notre esprit de charité, nous pourrons contribuer dans une grande mesure au bonheur de son foyer. Combien de ménages ont été détruits par l'affection jalouse d'une mère, semant la bisbille entre les époux, pour conserver la première place dans le cÅ“ur de son fils ou de sa fille ! C'est une caricature de l'amour maternel.

L'arrivée des petits-enfants, événement joyeux, surtout quand ils naissent dans un foyer paisible et harmonieux; mais aussi occasion de veiller sur soi-même pour éviter de redoutables écueils. Nouvelle école d'abnégation, de renoncement à soi-même.
Certes, nous aimerons nos petits-enfants ; peut-être même en jouirons-nous plus complètement que de nos propres enfants parce que notre responsabilité est moins engagée.

Il faut user de sagesse et de délicatesse, ne pas compliquer la tâche des parents, en gâtant nos petits-enfants, ne pas intervenir dans leur éducation en donnant des conseils à tort et à travers; laisser les jeunes parents faire leurs expériences sans vouloir substituer les nôtres. Admettre aussi à tout prix qu'il y a d'autres façons d'agir que la nôtre, que des progrès ont pu être accomplis, surtout dans le domaine de l'hygiène et de l'alimentation… Quand on a un tempérament actif, un caractère dévoué et un instinct pédagogique développé, il est très difficile de ne pas vouloir faire le bonheur des autres malgré eux. Rappelons-nous combien, quand nous étions, jeunes mariées, nous tenions à notre indépendance, comme nous aurions trouvé mauvais qu'on se mêlât de l'éducation de nos enfants.

Se donner, se dépenser toujours, tel est le rôle difficile et enviable de la mère, c'est ce qui fait sa joie… Mais le moment vient où cette joie lui est ôtée, où les mains qui ont tant travaillé doivent demeurer inactives, où la vue affaiblie ne permet plus qu'elle se livre aux travaux de couture et de raccommodage, où les aiguilles laissent glisser les mailles du tricot, où celle sur qui reposait toute la maisonnée se voit condamnée à l'oisiveté et a le sentiment douloureux d'être inutile… Dure épreuve ! Combien il était plus facile de peiner du matin au soir, d'écourter ses nuits, de n'accorder à ses membres las qu'un minimum de repos… Maintenant les rôles sont renversés ; c'est au tour du fils de protéger sa mère, de lui rendre de menus services, de soutenir de son bras robuste les pas chancelants. Et la mère se sent payée de ses veilles et de ses fatigues quand elle voit le mâle visage se pencher sur elle avec tendresse. Si sa faiblesse et ses infirmités ne lui permettent plus de se rendre utile effectivement, une ressource lui reste : prier, être celle qui « procure la paix», celle qui comprend et qui sympathise.

En terminant, envisageons encore les aspects tragiques de la maternité, évoquons le long cortège des mères douloureuses : celles que la misère condamne à s'épuiser en efforts héroïques pour nourrir et habiller leurs enfants, celles à qui la mort enlève leur enfant. Il y a les accidents qui mutilent les jeunes corps. Il y a les enfants qui viennent au monde frappés d'une tare. Il y a les échecs qui, s'ils se répètent, risquent de briser les jeunes courages. Il y a la guerre, l'horrible guerre.

Et que dire des mères qui ne peuvent plus parler de leur fils sans que le rouge leur monte au front ? Est-il pire souffrance que celle-là ? Et si à cette amertume sans nom s'ajoute le remords d'avoir contribué par leur tendresse aveugle et leur coupable faiblesse à provoquer la chute de l'être qu'elles chérissent plus que leur propre vie, alors en vérité elles touchent le fond de l'abîme de la souffrance. N'y a-t-il pas en présence de pareilles douleurs, d'autre solution que le désespoir? Oui, le cÅ“ur d'une mère ne cesse jamais d'espérer parce qu'il ne cesse jamais d'aimer. Si, à ces deux vertus s'ajoute la troisième : la foi, la mère dispose d'une arme invincible, la prière. Il ne faut jamais désespérer d'un homme quand il a des parents qui prient pour lui.









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