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Maison locative (1)

- Ah! si nous avions un jardin, soupirent papa et maman, quelle simplification, quelle sécurité; être chez soi sans promiscuité dangereuse, éviter les contagions, les mauvais exemples…
Hé oui ! mais par la force des circonstances une bonne partie de l'humanité doit vivre dans les villes, habiter de hauts immeubles bruyants et populeux. Au lieu d'en « prendre son parti », ne pourrait-on « tirer parti » de cette situation? La maison locative où nous logeons a déjà donné pas mal de leçons à mes petits et… à leurs parents; je vais vous en conter une ou deux.

Les locataires du rez-de-chaussée jouissent d'un jardinet-terrasse où s'ébattent leurs trois petites filles; que de fois, du balcon du premier étage, Michel a fait monter et descendre au bout d'une ficelle des objets hétéroclites, jeu charmant mais dont se lassent à la longue les partenaires tentées par des occupations plus passionnantes : jardinage, arrosage, courses dans la pelouse, parties de cache-cache derrière les bosquets. Alors, abandonné, plaintif, Michel s'écrie :

- Elles ont de la chance, les petites filles, elles ont un jardin !
- C'est vrai, chéri, mais toi tu as un balcon. Marcelle, dans la loge de concierge, n'a ni jardin, ni balcon.
- Au moins sa maman lui permet de jouer dans la rue!

Et j'ai pensé : Première leçon de la vie fiston; conditions différentes, inégalité du sort même pour les tout-petits. Mais vois-tu, il est possible pour chacun de tirer une joie de l'étage où il est logé, il suffit de la chercher. Ne laisse pas l'envie germer dans ton cÅ“ur tout neuf et si les uns ont moins reçu que les autres, apprends qu'il est doux de partager largement bonheurs et privilèges. Quand Germaine et ses sÅ“urs t'invitent à les rejoindre dans leur paradis d'herbe et de fleurs, quel n'est pas ton enthousiasme; quand Marcelle monte se balancer sur ton escarpolette d'appartement, comme ses yeux s'illuminent!…

Leçon d'indulgence aussi :

- Encore ces garçons Durand qui dévalent en souliers cloutés les cinq étages de l'immeuble, quel tapage c'est insupportable !

- Vraiment Marie-Rose va nous faire prendre en horreur la musique en général et Beethoven en particulier depuis le temps que, de l'autre côté du mur, elle ânonne, écorche et ressasse le même adagietto.

- Charles et Victor sont bien mal élevés, ils m'ont lancé la porte de l'ascenseur au nez ce matin, alors que, surchargée, je rentrais du marché !

Pareilles exclamations nous échappent parfois mais notre marmaille à nous n'éprouve-t-elle jamais les nerfs des co-locataires ? Lorsque notre Marinette de dix j'ours, rentrée de la Maternité, a, les premières nuits, hurlé de tous ses poumons de nouveau-né et que, par principe (et avec d'excellents résultats), nous l'avons laissée crier sans intervenir, les voisins ont eu à subir avec nous cette épreuve passagère ; quand Michel a inventé certain jour de pluie de sauter d'une commode sur le plancher avec une légèreté de jeune éléphant, les gens d'en dessous durent sursauter de belle manière et, s'il lance méthodiquement ses ballons par la fenêtre au risque de blesser l'une des trois blondines, leur maman serait en droit de se fâcher.

Etre parents et loger sous le même toit, qu'elle belle école d'indulgence et de compréhension réciproque!

Plaisante leçon d'humilité parfois : Le papa de Michel, médecin, est appelé de nuit dans la maison pour soigner un enfant fiévreux; grimpant l'escalier en hâte, il croise un voisin célibataire, yeux gros de sommeil, robe de chambre hâtivement boutonnée.

- Hé, Docteur, où allez-vous ainsi à trois heures du matin?
- C'est plutôt à vous que je pose la question, Monsieur Martin.
- Je dois sortir mon chien.
- Moi, je monte chez le petit Max.
- Quel fichu métier !

Ainsi le toutou méritait qu'on se lève volontiers pour lui avant l'aube, mais le même effort pour le bien d'un enfant était qualifié de si preste manière… Infortunés parents ! quelle perspective ouverte sur l'âme du vieux garçon et sur son estime à l'égard de vos plus chers trésors.

Leçon de solidarité enfin, de pitié aimante, premiers apprentissages d'une vie où l'enfant devenu homme se devra d'être chevaleresque et d'ouvrir son cÅ“ur aux misères humaines.

Michel va souvent jouer dans une propriété qui lui est amicalement ouverte. Aujourd'hui, il y entraîne une compagne : «Viens avec moi, tu verras comme on s'amuse bien».

Un quart d'heure plus tard, main dans la main les deux enfants rentrent, tête basse et l'air déçu.

- Que s'est-il passé mon chéri ?
- Voilà. On n'a pas voulu laisser entrer Marcelle parce qu'on ne la connaissait pas, alors je suis revenu avec elle, je ne veux pas qu'elle reste seule.

Bravo, petit gars, ton cÅ“ur t'a bien conduit. Entre le beau jardin aimé et la petite fille, qui aurait dû rester à la grille, tu n'as pas hésité. J'en suis secrètement heureuse.

Une autre fois. Contre la rampe de l'escalier, Lucette, une autre petite du sixième étage, la figure contre son bras replié, sanglotte et frissonne.

- Tu as du chagrin fillette?
- Maman pleure, elle a reçu une giffle de papa; j'ai peur, je ne sais plus où aller.

Pauvre oisillon dans le nid duquel on se bat! Lucette est venue chez nous apaiser sa détresse. Mais le soir quand je me penche sur la couchette de Michel, l'enfant protégé par un foyer uni, il murmure à mon oreille, dans un généreux élan de son cÅ“ur candide, pour effacer ce mal dont il a eu la soudaine révélation :

- Si la maman de Lucette pleurait, c'est pas parce qu'elle a reçu un coup, c'est parce qu'elle avait mal à la tête !

Oserai-je encore appeler de mes vÅ“ux la maison bien à l'écart, cernée d'arbres protecteurs, puisque, sous le toit banal d'une bâtisse anonyme et sans beauté mais riche de tant d'existences humaines, j'apprends avec mes petits à épeler les leçons de la vie?



(1) Extrait du livre qui vient de paraître « Maman, tu m'aimes ? », par Hélène-J. Kocher. Editions Labor, Genève. 3 fr.









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