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Posséder
Le tout petit manifeste, déjà, le besoin de possession. Ce n'est pas facile, sans le brusquer, de reprendre l'objet qu'il tient passionnément dans les mains, le bout du drap qu'il suce pour s'endormir.
Avant même de savoir parler il fait comprendre par ses gestes et par ses cris que ces choses sont à lui et qu'il veut les garder.
- Après avoir accaparé pour lui seul la tendresse de père et mère, le jour arrive où l'enfant doit partager ce trésor avec la petite soeur, nouvelle venue, qu'il considère d'abord comme une intruse. Ne lui ravit-elle pas un peu de ce qui n'appartenait qu'à lui ?
L'enfant grandit, devient loquace, mais il n'est guère mieux disposé à faire part de ses biens, à prêter ses jeux. Le pronom possessif prend beaucoup de place « C'est mon ours à moi »
« C'est ma balle « Moi, pas prêter »
Il en va de même des fleurs qu'il cueille, des marrons qu'il ramasse à la promenade. Jusqu'à ce que, tout à coup, un amour plus grand que l'amour de ses possessions n'envahisse son cÅ“ur, et ne lui fasse jeter ses trésors sur les genoux de sa mère : Maman regarde, c'est pour toi.
Posséder! N'est-ce pas l'ambition de bien des grands ? Pour eux aussi, seul un amour qui les dépasse peut les affranchir de ce joug et leur montrer la valeur du dépouillement.
Tel fut le cas de la « soeur Morel » de Port Royal dont Ste-Beuve nous raconte l'histoire en une page charmante :
« Un jour, la mère Angélique proposa de tout mettre en commun. Ce qui fut accepté sur l'heure et exécuté avec assez d'élan. Chaque religieuse apporta ce qu'elle possédait, hardes et cassettes. On cite l'exemple touchant d'une religieuse sourde et muette depuis des années, laquelle, ayant compris au mouvement des autres sÅ“urs ce qu'on voulait faire, se hâta de les imiter, et, quoique plus soigneuse qu'aucune jusqu'alors, courut en hâte chercher son paquet pour le jeter en commun
On cite encore une autre vieille religieuse, la sÅ“ur Morel, la plus ancienne de la maison et qui avait une grande répugnance à mettre sa petite part en commun. Elle s'y résigna pourtant, hors sur un point auquel elle tenait trop : elle rendit tout, excepté un petit jardin qui lui était particulier, et qui faisait, dit-on, son idole : c'était l'idole favorite. Nous avons tous un petit jardin, et l'on y tient souvent plus qu'au grand.
Dame Morel entrait dans de grandes colères, si quelque religieuse ou quelque bon Père capucin lui parlait avec affliction de cette réserve illégitime. Enfin, un jour, sans qu'on lui en eut parlé, et par un pur miracle intérieur, elle se rendit; elle envoya, dans une lettre, la clef du jardin, comme d'une dernière citadelle ; en effet c'était la clef de son cÅ“ur.(1) »
(1) Lire sur ce même sujet : Vinet, «les Idoles favorites , dans le volume «Discours sur quelques sujets religieux. »
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