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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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RETOURQuestions d'argent Gagner de l'argent est une expérience que les enfants ne peuvent pas avoir, mais le gain n'est que la moitié de la responsabilité financière. Savoir dépenser est une science tout aussi importante et c'est de bonne heure qu'il faut leur apprendre comment on dépense intelligemment son argent. Il y a dans beaucoup de pays des écoles qui préparent des vendeurs et qui leur enseignent à vendre aux clients non seulement ce que ceux-ci désirent et ce dont ils ont véritablement besoin, mais aussi ce dont ils n'ont ni envie ni besoin et ce qui, dans bien des cas, dépasse leurs moyens. Il semble extraordinaire qu'on ne trouve ni cours, ni manuel pour apprendre l'art d'être acheteur, puisque la plupart des femmes doivent posséder cet art, qu'elles y soient disposées ou non. Tout le monde reconnaît l'énergie, l'intelligence, la pénétration d'esprit qu'on dépense pour savoir vendre et personne ne parle des qualités qu'il faut avoir pour bien acheter et surtout pour ne pas acheter ce dont on n'a pas besoin. Cependant une grande partie du bonheur de la famille dépend de sa résistance aux achats et celles qui n'acquièrent jamais cette résistance vont sûrement au naufrage. Ajoutez à la grande armée des vendeurs résolus, expérimentés et bien entraînés, la tentation des grands magasins où l'on met tout en oeuvre pour amener les passants à acheter, ajoutez-y la facilité des achats à crédit et le dégoût de l'idée d'économiser et vous comprendrez que tout l'esprit de notre époque est contre nous et notre effort de résistance. Nos garçons et nos filles s'approchent rapidement d'un âge où leur bonheur dépendra de leur façon d'acheter et il est essentiel de leur faire faire des expériences et de leur donner les conseils capables de les guider à travers le dédale d'une société dont le souci principal semble être de produire des articles sans cesse multipliés et de les imposer à un public hypnotisé par tout objet fabriqué. Peut-être l'enfant pourrait-il assister dès son jeune âge à la discussion sur le budget familial et même y faire entendre sa petite voix; il comprendrait, grâce à cela, la loi qui gouverne la plupart des vies c'est-à-dire qu'il faut choisir, qu'on ne peut pas tout avoir et que choisir une chose veut dire le plus souvent se passer d'une autre. Si au cours de ces discussions l'enfant voit ses parents accepter gaiement, courageusement et comme une chose toute naturelle, la nécessité de choisir, son caractère mûrira. Il perdra cette habitude enfantine de pleurer pour avoir la lune et il saura, avant de demander quoi que ce soit, si c'est un désir raisonnable. L'habitude de demander n'importe quoi, dans l'espoir que, cette fois-ci, le détenteur des cordons de la bourse se laissera aller à les délier sera probablement perdue. De même il serait bon d'emmener les enfants de temps à autre dans les magasins, de façon à leur apprendre à acheter avec intelligence et préalablement de les faire assister aux préparatifs de la mère qui a des achats à faire : énumérer les différents articles à acheter, choisir entre les plus nécessaires et ceux dont on peut se passer; enfin se faire une idée aussi nette que possible des sommes à dépenser. Ils devraient avoir vu si souvent des listes d'achats bien préparées que cela leur serait aussi familier que la table de multiplication. Puis viendrait l'expérience salutaire de ne pas augmenter sa liste en présence des innombrables tentations que tout acheteur rencontre sur son chemin. En suivant leur liste, comme on suit une carte en comprenant qu'un franc c'est vingt sous et pas davantage, la mère et l'enfant peuvent naviguer sans danger, même dans les régions dangereuses d'un grand magasin. La valeur pratique de cette expérience est grande. Lorsque l'enfant a vu plusieurs fois sa mère faire preuve de bon sens et de philosophie, il reste dans son esprit une impression qu'il n'oublie plus. Les rideaux qu'on voulait acheter sont trop chers. Eh bien! voyons-en de moins coûteux. Peut-être pourrait-on trouver la couleur désirée dans une étoffe moins chère? Celle-ci se lavera-t-elle bien et sera-t-elle solide? Peut-être après tout que de petits rideaux blancs tout simples, feraient aussi bien; et cela laisserait des économies pour le fonds de vacances. Ou bien la beauté de la teinte et du tissu vaut-elle un sacrifice? Ces discussions ne prétendent pas à une éducation morale, mais elles montrent à l'enfant une façon gaie et simple de régler les questions de dépenses. A mesure que l'enfant grandit dans cette atmosphère de dépenses sagement proportionnées, on peut lui remettre un peu d'argent personnel; c'est un moyen excellent et sûr de lui donner le sens de la responsabilité. Le plus souvent l'irresponsabilité financière ne vient pas tant d'une complète malhonnêteté que d'une idée vague et imprécise du pouvoir d'achat de l'argent. Ce n'est pas seulement en regardant les autres agir et dépenser, même le plus sagement du monde, que les jeunes gens apprendront la meilleure façon d'établir un budget, il faut qu'ils fassent eux-mêmes leurs propres expériences, après avoir toutefois appris de leurs parents à prévoir l'avenir et à tenir des comptes. Le système de somme fixe qu'on leur donne chaque semaine ou chaque mois a un autre avantage, c'est qu'on ne peut l'appliquer avec succès sans en discuter longuement les principes abstraits; et toutes les occasions de discuter ensemble des intérêts communs sont des occasions de créer une intimité plus grande entre parents et enfants. Il est bon, d'ailleurs, de faire précéder cette organisation d'une période pendant laquelle l'enfant ne décide pas lui-même des dépenses à faire, mais est obligé de tenir les comptes de tout ce qu'on dépense pour lui. C'est sur ces données qu'on se basera ensuite pour déterminer la somme à lui donner. Cette comptabilité préliminaire est par elle-même une excellente expérience pour l'enfant, car elle lui révèle, le plus souvent à sa grande surprise, la complexité de ses besoins. Confier aux enfants des sommes régulières, c'est les amener peu à peu à la responsabilité de leurs propres actions et de leur propre vie, et, comme telle, la question mérite qu'on y réfléchisse sérieusement. |
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