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La collaboration conjugale dans l'éducation des enfants
En un temps où les conflits conjugaux sont trop souvent à l'ordre du jour, il n'est peut-être pas inutile que les parents prennent conscience des dangers que courent leurs enfants si l'accord ne règne pas entre eux et s'ils n'ont pas l'habitude de la collaboration.
On croit trop souvent que la tâche éducative incombe à la mère seule, le père étant chargé surtout de gagner le pain de la famille en se dévouant coeur et âme à sa vie professionnelle.
Le rôle ingrat, mais facile en somme, qui lui est alors dévolu, est celui de prendre une grosse voix dans les cas graves, et peut-être même de distribuer quelques vigoureuses claques qui ramèneront à la raison les récalcitrants ! Qu'il faut donc peu d'esprit d'initiative pour cette besogne de gendarme et qu'elle est peu intéressante à accomplir! Le père ne peut-il vraiment pas prendre une place plus large et plus féconde dans la famille ?
Si jusqu'au siècle passé, le principal devoir de la femme fut le plus souvent le ménage et les enfants, à l'époque actuelle, elle est appelée à maintes autres tâches professionnelles ou sociales; ne serait-il pas normal que le père prenne également sa part de la tâche éducatrice, y apportant ses qualités propres, complément de celles de sa compagne? Nous savons toutes que la logique masculine tempère heureusement ce que l'esprit féminin a parfois de trop fantaisiste ou de trop capricieux, qu'elle maintient heureusement dans de saines limites notre imagination parfois aventureuse. D'autre part, une certaine inflexibilité, voire une certaine dureté masculines ont grand besoin du contrepoids qu'apportent la souplesse et la sensibilité féminines.
Chez la femme, l'instinct maternel s'éveille si tôt, que les fillettes le sentent déjà vibrer en elles ; il n'en est pas de même chez l'homme. C'est, chez lui, moins un instinct qu'un sentiment acquis tardivement à la naissance du premier bébé, sinon plus tard. Certaines jeunes mères, fières et heureuses d'avoir un bébé, risquent de le garder jalousement pour elles seules, et cela leur est d'autant plus facile que le nouveau-né dépend d'elles avant tout. Ne devraient-elles pas pourtant intéresser leur mari à la petite merveille qui a fait son entrée dans le monde, en la lui confiant chaque fois que c'est possible ? Les jeunes pères apprennent très vite à emmaillotter leurs poupons, et eux aussi sont heureux de leur donner leur biberon ou de les promener. Des liens solides se nouent ainsi dès le début, grâce auxquels le petit enfant se sentira dépendant aussi de son père.
Le bébé grandit, son intelligence s'ouvre à un monde incompréhensible, et les pourquoi de pleuvoir. On ne peut répondre à tous évidemment, mais cependant, dans l'avalanche de questions qui tombent sur les pauvres parents fatigués, il y en a beaucoup qui méritent une réponse intelligente que le père est à même de donner. Ad. Ferrière dit ceci : « Il y a un moyen de tirer partie de cette curiosité insatiable. Renversez les rôles; questionnez à votre tour votre petit questionneur: « Pourquoi ceci est-il ainsi? quelle différence y a-t-il entre ceci et cela? » Il en sera ravi et vous l'amènerez ainsi à réfléchir, à comparer, à déduire. Vous serez surpris parfois des réponses qu'il vous fera, réponses frappées au coin du bon sens, pleines de logique et de simplicité. »
Lorsque tout le monde part sac au dos par les beaux dimanches, la mère est souvent seule à ne pas se reposer et se détendre : levée la première, elle a dû préparer toutes les provisions. A la halte, il faut nourrir la bande affamée. Comme tout change dès que le père prend sa part de la besogne! Le voilà qui distribue le travail à tout son petit monde, les uns vont chercher le bois, les autres l'eau, il allume le grand feu qui fera cuire la soupe, et cette fois, c'est à qui déchargera la mère de son travail, à qui la servira afin que ce jour, pour elle aussi, soit un jour de repos. Le repas fini, une belle partie de ballon vient entretenir la bonne humeur ou bien la construction d'une cabane, la récolte de feuilles ou de fleurs pour une collection ; et le père rentrera certainement chez lui rajeuni et reposé par cette journée en plein air, et combien plus proche de ses enfants.
Dans toutes les manifestations de vie familiale collective, on prend ainsi l'habitude de faire appel à la collaboration paternelle.
La vie toutefois n'est pas faite que de courses dans les bois; il y a pour l'enfant l'école qui tient dans son existence une place capitale. Là encore, son père peut lui être d'un précieux secours, soit en s'intéressant aux maîtres, aux leçons, aux camarades de son fils ou de sa fille, soit en leur aidant à comprendre tel problème ardu ou telle règle de grammaire hérissée de pièges.
Il y a encore un domaine où une action conjuguée des parents est plus que jamais nécessaire, je veux parler du développement de la conscience et de la moralité. Il va sans dire que toute l'éducation tend à cette fin par des voies plus ou moins directes. Mais il y a des moments dans la vie des jeunes où certains problèmes se posent avec plus d'acuité, dans la crise de l'adolescence, par exemple.
Si la mère est mieux placée que son mari pour diriger ses filles et les initier à la vie, n'est-ce pas lui, par contre, qui doit instruire ses fils, bien que ceux-ci s'ouvrent parfois plus facilement à leur mère de leurs difficultés et lui posent plus aisément des questions? Cependant le père a fait dans son adolescence des expériences, a surmonté des tentations que sa femme ignore, ne devrait-il pas bravement en parler à ses fils et ne peut-il pas mieux que quiconque les aider à traverser cette période périlleuse et les armer contre les tentations?
Enfin, il existe un moyen plus indirect de collaboration, c'est l'étude en commun du caractère de chaque enfant. Qu'il est précieux de pouvoir ensemble examiner défauts et qualités, et chercher le moyen de corriger les uns et d'intensifier les autres. Chacun apporte au débat la marque distinctive de son tempérament. L'intuition, apanage surtout féminin, fait deviner et comprendre bien des mystères la logique, la précision de pensée masculine indiquent la ligne de conduite à adopter.
Et puis, n'oublions pas que nos enfants nous regardent vivre, nous jugent avec clairvoyance et pas toujours avec indulgence. Nous n'avons pas trop de nos forces réunies pour nous juger et nous éduquer nous-mêmes.
En se développant, nos enfants prennent conscience du milieu où ils ont été élevés. Ils se rendent compte alors que seules la collaboration et la coopération ont pu arriver à faire de la famille un groupe prospère et heureux.
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