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Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Salvador Ramirez (1)

J'ai de mon enfance des souvenirs lumineux. Si la mère est dans le monde de l'enfant un élément indispensable, je crois que le père lui donne la notion de force et d'appui qui font que le foyer paraît inébranlable à tous ceux qui le composent. Chaque soir, ma mère faisait souper l'aînée, et mon père me faisait boire ma soupe. Le repas fini, il me prenait dans ses bras, j'appuyais ma main sur son épaule droite, et il me déposait doucement dans mon petit lit. Mais chaque soir avait lieu une petite cérémonie. Ma fortune consistait en un sou qui se trouvait dans l'une des poches de mon père et que je touchais avant de me coucher. Je mettais ma main dans sa poche, je me rendais compte qu'il était là, et je m'endormais tranquillement. « Et que veux-tu que nous achetions avec ce sou ? » me disait-il. Et moi de répondre chaque soir: « Une bicyclette ». Un jour, à l'école, nous avions fait du bruit, un camarade et moi. L'instituteur nous fit comparaître dans son bureau et, après avoir grondé mon compagnon, s'adressant à moi : « Et si je le dis à ton père ? » Dans mon emportement, je pris une attitude de bravade et lui répondis : « Mon père, que voulez-vous que ça me fasse? - Eh! bien, reprit-il furieux, tu vas me promettre de dire ce soir à ton père ce que tu viens de me répondre. Demain, je le verrai et lui demanderai si tu lui en as parlé ». Je me rendis compte de mon imprudence, mais c'était trop tard. Le soir, comme d'habitude, mon père commença à me faire souper et ne se rendait pas compte de l'amertume dans laquelle j'étais plongé. Le repas fini, le mot de tous les jours: « Ahora, à la cama» (maintenant au lit). Si je ne lui disais rien, le lendemain l'instituteur le verrait et j'étais perdu. Il valait mieux lui en parler. Tant pis pour le sou, je ne le toucherais plus… « Papa! j'ai dit à l'instituteur : « Mon père, que voulez-vous que ça me fasse ?… C'est lui qui t'a dit de me le dire ? - Oui ». Alors il prit ma main et, l'introduisant dans sa poche : « Regarde, dit-il, combien y en a-t-il? » Je ne sus plus que dire. De un sou, ma fortune s'était élevée à trois. J'en avais un dans une main et deux dans l'autre. C'est ainsi que le père crée chez l'enfant ce sentiment de force et de puissance, en même temps que de bonté, qui fait que pour lui, le meilleur, le plus fort, et le plus juste de tous les hommes ne saurait lui être comparé.

Les premières années à Jaca furent très dures, mais très belles, du moins pour les enfants. Mon père nous rassemblait devant la maison, nous comptait avant de se mettre en marche et nous partions tous ensuite pour la promenade. Nous faisions toujours le même trajet : on prenait la route de France, et arrivés à la « Glorieta », on tournait à gauche pour aboutir à la citadelle. Au bord de la rivière, il nous faisait mettre en rond autour de lui et, après avoir pelé une orange, commençait à la distribuer quartier par quartier. Celui par lequel l'orange finissait avait un prix. Je commençais déjà à éprouver des émotions de toute sorte et la nature exerçait sur nous tous un charme très grand. Soudain, mon père s'arrêtait et regardait les montagnes. C'était le signal du départ : «Où allons-nous maintenant? » Et tous en coeur : « A la maison. - Et pour voir qui? » Et alors c'était des hurlements « Mama! » Nous nous précipitions dans l'escalier et il semblait qu'il y avait des années que nous n'avions vu notre mère, tant notre empressement était grand.

Jamais il ne nous appelait par nos noms et lorsqu'il le faisait il se passait quelque chose d'anormal. Il appelait ma mère la «Mater nostra ». Le mot Mater en latin a une force qu'il a perdue ensuite au cours de son évolution. Ce n'est pas seulement la mère de famille, c'est aussi le principe par excellence de la création et de la fécondité. La « Mater» est le soleil qui illumine le foyer. A ce sujet, je me souviens d'un soir où la meilleure humeur régnait dans les esprits. Mon père, qui mangeait debout, commença un discours par ces mots : « Imaginez, mes enfants, un rapide qui se dirige vers son but à une grande vitesse. Pensez aux différentes voitures qui composent le convoi. Des voyageurs prennent tranquillement leur repas, d'autres regardent le paysage, d'autres encore lisent. Tous savent qu'un déraillement serait terrible, mais cette idée est fort éloignée de leur esprit. Imaginez, maintenant un grand paquebot où les voyageurs mènent presque leur vie habituelle. Il est évident que s'ils ne pensent ni au déraillement ni au naufrage, c'est parce qu'ils ont dans leur esprit une idée, bien plus qu'une idée même, une confiance absolue en les techniciens qui ont la responsabilité de la bonne marche des choses. Et maintenant, mes enfants, pourquoi vivons-nous confiants dans cette maison? Quelle est la figure, l'image qui plane sur tous, qui dirige tout, et qui a toujours quelque chose à nous dire quelles que soient les circonstances ? Quelle est celle que vous aimez le plus ?» Alors nous tous de crier en choeur : «La Mater nostra». Je me souviendrai longtemps du sourire de ma mère ce soir-là…

(1) Pasteur espagnol récemment décédé.









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