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Les jeux de nos enfants

C'est en essayant de saisir ses mains, ses pieds, le rideau de son moïse, la fenêtre trop lointaine ou la lampe inaccessible que le tout petit acquiert le sens de l'espace et de la distance. Il apprend aussi qu'il existe des objets durs, tandis que d'autres sont mous. Les mouvements du bébé, d'abord très gauches, acquièrent de l'adresse; ses exploits deviennent de plus en plus inattendus et le domaine de ses investigations toujours plus vaste. Il a parfois de grosses déceptions : quelle est la maman qui n'a pas vu son tout petit se fâcher quand, après beaucoup d'efforts, il n'a pas réussi à saisir la poussière qui danse dans un rayon de soleil ?

Respectons des enfants l'intelligence qui s'éveille, observons-les, admirons-les de loin et gardons-nous bien de les exciter par des interventions inopportunes ou de les énerver avec des jouets bruyants.

***

Bientôt l'enfant fait de nouveaux progrès. Le jeu d'imitation, qui durera pendant toute son enfance, fait son apparition. Quelle joie quand bébé essaie de répéter un bruit, un geste, plus tard une parole! C'est alors que nous, les grands, devons surveiller nos propres gestes, nos attitudes, notre langage, en face du fidèle petit miroir qui nous reflète. Veillons aussi à la qualité de l'entourage du bébé, au ton des conversations, au cadre dans lequel il vit. Autant que possible, celui-ci doit être simple, mais de bon goût. L'enfant, même petit, a beaucoup de plaisir à voir de jolies gravures et le choix de ces dernières a son importance pour la formation de son sens du beau. Ne disons jamais : « Bah! il est si petit, il ne se rend pas compte que le dessin est mauvais ou la couleur criarde».

***

Très vite, les enfants étendent leur activité aux jeux d'imagination. Et ceux-ci sont légion. La chambre de l'enfant, ou, à défaut, le coin de cuisine ou de chambre commune qui est son royaume, se transforme magiquement et devient tour à tour un train, une montagne, un magasin ou tout autre paradis.

Deux garçons se rappellent avec bonheur la grande chambre presque nue qui était la leur. Leurs yeux brillent au souvenir des labours qu'ils y accomplirent. La charrue était constituée par une table et une chaise renversée; d'un commun accord, l'éléphant et le cheval tiraient avec courage, le fouet claquait et les pommes de terre poussaient à merveille.

Là encore, notre rôle de maman est tout de tact et de douceur. Ne faisons pas brusquement redescendre sur terre un aviateur audacieux, ne rions pas d'une cuisinière sans casserole ou d'un « berger d'hippopotame » et ne nous impatientons pas contre le petit garçon en larmes derrière la porte qu'il ouvre d'ordinaire aisément. - « Pourquoi pleures-tu? Ouvre donc ». - «Je ne peux pas, je suis une chèvre! »

Essayons de nous rendre compte à quel point nos petits sont loin de nous dans ces moments-là et ramenons-les à nous tout doucement. Sinon, nous risquons d'en faire des êtres peu confiants ou même cachottiers. Ne nous mêlons à leurs jeux que sur leur invitation. Jouons alors aussi sérieusement qu'eux. Soyons très confus de nous être mouillé les pieds en oubliant que les dessins du tapis sont des ruisseaux infranchissables hors d'un pont bien défini. Buvons avec délices le thé offert dans une tasse vide et admirons le paysage qui défile devant le train, constitué par quelques chaises.

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Peu à peu, les jeux d'imagination se transforment; ils deviennent positifs et créateurs. L'enfant a besoin d'objets réels, qui lui permettent de fabriquer ce que son imagination lui représente : des outils, des clous, du bois, du carton, des aiguilles, du fil et de l'étoffe, du papier collant, des crayons de couleur. Soyons sans crainte, les enfants sont beaucoup plus adroits que nous ne le croyons. Une surveillance sommaire suffit à éviter les accidents graves, et les petites blessures que l'enfant se fera seront presque toujours bénignes ; l'adresse acquise et la patience déployée les compenseront largement.

A ce moment, les tendances s'accentuent; tel enfant pratique construit: comme par enchantement, les morceaux de bois, les bobines vides deviennent des chariots ou des wagons, les planchettes des avions, les caissettes des chambres de poupées dont le mobilier sera l'objet d'efforts soutenus; tel autre préfère les gravures, dessine, colorie, essaie même d'écrire, en attendant d'apprendre à lire. Celui-ci aime le bruit, il lui faut un tambour; celui-là se passionne pour les jeux de mosaïque ou de construction. Une petite fille voit dans ses poupées des malades à soigner, des bébés à promener, à instruire et peut-être à gronder. Autant d'enfants, autant de réactions différentes.

Observons bien nos enfants; mettons entre leurs mains des jeux très simples, appropriés à leurs désirs et leurs aptitudes; évitons les jouets trop beaux, trop chers, que l'on ose à peine toucher. Gardons-nous encore plus de la « camelote ». Quel chagrin pour l'enfant soigneux d'avoir brisé involontairement un objet aimé; quel encouragement à l'instinct destructeur de certains enfants que de trouver toute naturelle la mise à l'écart, après un ou deux jours d'usage, de jouets abîmés parce que trop légers.

Respectons aussi les vieux jouets. Certains sont sales ou vieillis, d'autres ne sont plus que d'inavouables chiffons ou d'informes morceaux de bois. Nous ignorons quel trésor ces objets représentent dans le souvenir affectif de l'enfant, ou à quel point ces débris ont été le résultat d'efforts créateurs de sa part.


Peu à peu, ces jeux se rapprochent du travail des adultes : c'est l'âge des collections, des lectures instructives, des expériences de physique ou de chimie, des élevages de chenilles, de tétards ou. d'autres animaux, l'âge aussi des travaux féconds de couture, de menuiserie, de petite mécanique ou encore celui du jardinage productif. C'est l'âge enfin auquel l'enfant commence à se rendre compte de la profession qui l'attirera plus tard. C'est dire l'importance de cette époque dans la vie de l'adolescent. Nous devons faire pour en faciliter l'évolution. Cela implique la nécessité pour l'enfant de jouir d'une très grande liberté dans ses essais. Fermons les yeux sur un tablier trop vite sali, sur des copeaux envahissants ou sur une cuisine momentanément encombrée. Soyons indulgents pour du linge maladroitement repassé ou un plat trop cuit. Ne nous effrayons pas des mauvaises odeurs, premier résultat, pour nous, d'une expérience de chimie.
Les insuccès fréquents de nos enfants les incitent à rechercher les conseils d'autrui. Ce sera l'occasion de les mettre en contact avec les corps de métiers et les professions diverses. Leur respect et leur compréhension du travail des adultes en seront considérablement accrus.

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Parallèlement à tous les jeux précédents, l'enfant a encore d'autres moyens de se délasser. Citons tout spécialement les jeux en plein air, qui fatiguent le corps et reposent l'esprit ; le sport pratiqué avec intelligence ; et même les moments d'exubérance bruyante des petits et surtout des grands. Cette turbulence est une soupape de sûreté par laquelle s'échappe le trop-plein d'énergie physique accumulée pendant les heures d'étude ; c'est pourquoi les adultes doivent user de patience et n'en pas trop restreindre les manifestations.

Ces jeux physiques ont encore un grand avantage. Ils sont souvent exécutés en groupe et il est excellent que nos filles et nos garçons aient en commun le plus d'activités possibles, qu'ils sortent ensemble, qu' ils apprennent à se connaître et à s'apprécier. Qu'ils le fassent en toute liberté, hors de la surveillance des adultes ; c'est là une très bonne préparation à la vie sociale et à la vie tout court. Les jeunes gens et les jeunes filles qui ont eu l'habitude de jouer ensemble sont plus simples, plus naturels que ceux gardés à l'écart.

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On se demandera comment donner à nos enfants toutes les possibilités de jeu énumérées ci-dessus ? Les appartements sont exigus, les moyens restreints, il n'y a pas de jardin. Rassurons-nous. L'amour des parents les rend ingénieux, l'adresse et la réflexion suppléent en grande partie à l'argent.

Il est essentiel de donner très tôt à l'enfant un coin bien à lui, dont il sera le maître, qu'il ornera à sa guise et qui ne contiendra rien d'autre que ses trésors personnels. A défaut d'une chambre, il se contentera d'une partie de chambre ou même de la paroi voisine de son lit. Il y disposera d'une armoire, constituée au besoin par une caisse recouverte d'étoffe et fermée d'un rideau.
Avec quelques planches, il est facile de construire une table et des sièges. Plus tard, l'enfant lui-même pourra tenter de se faire une étagère ou un petit meuble où loger des cartons.

A un garçon qui désire un "meccano", on le donnera par pièces détachées. Nombreuses sont les bibliothèques où l'on prête des livres attrayants. Une pharmacie enfantine est réalisable à peu de frais. Un établi, s'il est trop coûteux, peut être remplacé par une planche de bois dur. Y ajouter un petit étau en fera une merveille.
Il faut se méfier des panoplies d'outils médiocres destinées aux enfants. Donnons un vrai marteau, une vraie tenaille, outillage qu'on enrichira par étapes.

On agira de même pour les collectionneurs, les futurs chimistes et physiciens. Les expériences qu'ils feront avec un matériel très simple exigeront d'eux beaucoup de patience, d'ingéniosité ; au total, elles les instruiront plus que celles exécutées sans réfléchir d'après les données de certaines boîtes coûteuses de physique ou de chimie.

Un garçon d'une douzaine d'années ne rêvait que de posséder un tour. Quelle déception! La machine convoitée coûte soixante-dix francs. Il ne se décourage pas et construit un tour avec sa perceuse à main fixée dans son étau et une tringle de rideau convenablement coudée. Une lame de rasoir de sûreté sert de burin. Il fabrique, entre autres, un bouton de tiroir pour sa mère. Après de nombreuses recherches, il achète pour trois francs un vieux tour d'horloger, le fixe sur un vénérable pied de machine à coudre et utilise comme renvoi un ancien moyeu de bicyclette. Tout cela représente des mois de patience et de réflexion, des dessins et des essais nombreux. Que de choses n'a-t-il pas apprises ainsi et quelle joie de fabriquer maintenant quantité de jolis objets !

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Halte-là, dira-t-on, quel désordre ces enfants vont-ils faire, ce sera intenable ! Il est certain que des enfants vifs et entreprenants provoquent, surtout dans de petits logis, de grosses perturbations à un ordre parfois réglé comme du papier de musique.

Sachons donc faire quelques concessions et comprendre que l'ordre enfantin n'est pas nécessairement identique au nôtre. En principe, un enfant ne doit pas aller se coucher, ni partir à la promenade en laissant tous ses jouets étalés sur le sol. Cependant, il a peut-être mis un temps considérable à échafauder une maison. Sachons laisser subsister cet édifice pendant quelques heures on même quelques jours. A ses yeux, ce n'est pas du désordre et quant à nous, nous pouvons bien supporter ce léger désagrément.

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Ne tolérons pas d'un enfant qu'il s'amuse à déballer tous ses jouets pour ensuite ne plus savoir qu'en faire et rester désoeuvré au milieu d'un vrai dédale. Mais comprenons qu'il ne faut pas nécessairement serrer la laiterie avant de s'amuser avec les poupées; dans un instant, ne faudra-t-il pas acheter du lait pour la petite famille ?

Aidons nos enfants à avoir de la suite dans leurs idées et dans leurs jeux. Si cela est nécessaire, il faudra, à certains d'entre eux, enseigner à jouer et c'est là un devoir pour les parents aussi bien que d'apprendre aux petits à manger proprement ou à être polis. Y manquer peut avoir de graves répercussions dans l'avenir, car apprendre à jouer, c'est apprendre à travailler, à être utile, à vivre.









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