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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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RETOUR« Comme un petit enfant…» Essayez de soutenir devant un père ou une mère de famille que les petits enfants sont des modèles de vertu dont nous ferions bien de nous inspirer! Des modèles de vertu ? ces têtes ébouriffées ! ces yeux pétillants de malice! ces jambes égratignées qui ne tiennent pas en place ! Ces petits lutins dont vous ne sauriez faire façon, qui vous glissent entre les doigts, qui paraissent et disparaissent comme par enchantement !… Des modèles de vertu? des exemples de parfaite sagesse? Non! La vie en rebellion contre toute sagesse, la vie antérieure à toute sagesse, les gambades du poulain en liberté, le fouillis des herbes folles et des pousses désordonnées avant que le jardinier y ait mis la main, la vie qui n'est point encore entrée dans le vêtement d'emprunt de la sagesse, vêtement d'emprunt et souvent vraie camisole de force! Avec les petits enfants, en vérité, que nous sommes loin de la sagesse! Et pourtant, Jésus a dit: «Le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. » Qui nous révèlera le sens de cette image ? Car c'est une image, un symbole, une manière de dire ce qui est difficile à dire. Ce que Jésus admire chez l'enfant n'est pas directement observable et susceptible d'être rigoureusement défini. C'est affaire d'intuition plus que de science, un je ne sais quoi que l'on devine, que l'on pressenti que l'on sent, mais qu'on aura toujours toutes les peines du monde à exprimer avec des mots. Ecoutez rire une bande de petits enfants qui jouent dans votre voisinage, écoutez ! Et dites si ces rires ne s'apparentent pas au murmure du ruisseau sous les branches, aux notes rapides que la fauvette lance dans un beau matin de printemps, aux cris des hirondelles qui se poursuivent éperdument au crépuscule ? Il est singulier que les rires des petits enfants soient plus près du chant des oiseaux que du rire des hommes. C'est franc, cristallin, sans arrière-pensée. Rires qui s'égrènent dans les minutes fugitives comme si elles devaient durer toujours. Oh! la merveilleuse aptitude des enfants à vivre le moment présent sans le ternir des regrets de la veille et des soucis du lendemain ! Insouciance, si vous voulez, mais insouciance selon la parole de Jésus: «Je vous dis de ne pas vous inquiéter… » Insouciance qui n'est pas légèreté mais confiance, confiance d'autant plus opérante qu'elle est irraisonnée, instinctive, secrète racine d'une âme qui n'est point encore détachée de Dieu. Car le petit enfant est sérieux profondément. Pour lui dans la vie tout est grand, tout est solennel. Parfois il s'arrête devant l'avenir, comme sur le seuil d'un temple. Et l'enfant apporte ce sérieux, cette bonne foi, cette candeur dans ses réflexions et dans ses propos. Aussi ne comprend-il rien à nos réticences, à nos sous-entendus, à nos réserves prudentes, à toutes les petites comédies que nous nous jouons les uns aux autres. Oui, parmi tant de gens qui jouent un rôle, le petit enfant est parfois le seul qui ne joue pas, qui soit sérieux, qui pense et qui parle droitement. « La vérité sort de la bouche des enfants », et quand elle en sort, elle fait un beau tapage! Quel émoi, quand avec son sérieux terrible, l'enfant a dit juste ce qu'il ne fallait pas dire, ce qu'on avait tacitement convenu de ne pas dire! Et les grandes personnes qui affectent de rire d'un mot d'enfant cachent souvent ainsi le malaise indicible qu'elles éprouvent d'avoir vu surgir, inopinée, leur vieille ennemie, la Vérité. Peut-être cherchons-nous trop loin, et Jésus n'a-t-il eu besoin que de ce seul témoignage: le regard des petits enfants. Regards des veux bleus ou noirs, bruns ou gris, profonds et brillants, graves et rieurs, et d'une telle transparence qu'ils font songer à des morceaux de ciel sertis en des visages charnels. Il y a aussi de beaux regards d'hommes : clairs regards de loyauté et d'intelligence, regards d'acier, de volonté et de domination, regards de bonté ou regards profonds des âmes qui ont souffert ; mais combien de regards éteints, de regards troubles ou durs, de regards dans lesquels passent les lueurs inquiètes des passions avilissantes… Et s'il est vrai que le regard est le reflet de l'âme, n'y a-t-il pas dans le regard du petit enfant l'inexprimable beauté d'une âme neuve, d'une âme qu'il faudrait garder toujours ? Tel le petit enfant, le vrai, celui qui n'a pas encore été gâté et dont il n'importe pas de savoir s'il est sage ou désobéissant, mais seulement s'il vient à nous pour notre émerveillement et notre confusion avec « la grâce unique » de l'enfant. Jésus ne nous aurait point demandé d'être semblables aux petits enfants, ou de le devenir, s'il ne pouvait opposer à l'existence et au péché qui souillent, fanent et vieillissent nos âmes, une puissance capable de leur conserver, et plus souvent, de leur restituer leur fraîcheur native. Entre tous les miracles de la grâce divine, le plus éminent est bien celui qui devant Dieu nous ramène aux attitudes élémentaires, qui définissent à la fois la vie toute neuve de l'enfant et la vie nouvelle du Royaume de Dieu. |
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