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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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Inquiétudes

Une de ces longues nuits de décembre qui commencent le soir à cinq heures et ne finissent guère avant huit heures le matin. L'aube est si lente à venir, une aube grise qui s'avance sans hâte et perce à peine l'obscurité.
Si terne que soit cette aube, elle apaise cependant le malade que le sommeil a fui. Soudain dans cette grisaille, un forme claire apparaît et danse à la fenêtre.

Qu'est-ce ?

Un oiseau dont le petit ventre rouge se reflète dans la vitre. Il vient becqueter les graines jetées au vent par une main amie.
Alors s'engage un dialogue muet entre le malade et le rouge-gorge, qui tous les matins lui apporte un rayon de joie: « Je sautille sur ton balcon pour que tu ne sois plus triste; des graines que ta main a préparées pour moi, je me nourris, - et tu vois que même malade tu peux rendre heureux les oiseaux du ciel - puis je m' envole dans l'air libre et je te dis merci, emportant sur mes ailes tous tes soucis.»
« Sois béni petit messager silencieux qui vient, sans t'en douter, me parler de l'amour de Dieu. »
Amour fidèle qui se révèle à moi dans la solitude et la souffrance, amour inlassable, amour qui chaque matin à l'aube d'une journée souvent difficile me répète par la voix de ses plus petites créatures : Ne vous inquiétez pas.

***

Fin janvier. Loin du bruit des villes, dans un hameau retiré, au-dessus des brouillards, le soleil étincelle dans le ciel d'un bleu ardent. Tout est si calme autour de moi, l'on n'entend même plus sourdre le ruisseau dont le gel a durci la surface et amorti le son.
Malgré le soleil, le froid est vif et pénétrant et la course rapide me donne grande envie de me reposer un moment. Mais où s'arrêter? Pas d'accueillant « tea room », pas d'auberge rustique ouvrant sa porte au voyageur fatigué. Seul « le café de la Côte » est ouvert. C'est peu attirant. Entrerai-je? La fatigue l'emporte et j'entre. Une jeune femme, l'hôtesse, vient à ma rencontre et m'offre une boisson chaude que j'avale dans cette « salle à boire » sentant l'anis et le tabac.

Au règlement de compte, elle engage la conversation :

- Vous venez de Genève?
- Oui.
- Ah! j'ai été une fois à Genève avec mon mari, mais je n'aurais pas aimé y rester, c'est trop bruyant les villes, j'aime mieux mon hameau.
- Vous avez raison, la vie est moins difficile loin des villes.
- Oui, mais malgré cette paix de la montagne, je suis toujours inquiète.
- Avez-vous beaucoup de soucis?
- Moins que d'autres.
- Un bon mari?
Son regard s'éclaire: oh! oui.
- Des enfants ?
- Sept, et tous en bonne santé.
- Alors?
- Je ne sais pourquoi, mais voilà quand j'entends les voisines raconter que leurs maris passent la nuit dehors, je me dis que le mien pourrait une fois faire la même chose, et je tremble.
- Que fait votre mari ?
- Il est chauffeur de camion et quand, le soir, il rentre fatigué à la maison, cela lui fait de la peine de me voir soucieuse.
- Oui, vous le savez, nos maris aiment tant à être accueillis avec le sourire.
- Vous avez raison. Mais voilà, je suis soucieuse. Et je pense déjà, quand mes enfants seront grands, qu'il faudra me séparer d'eux, et cela me fait de la peine.
- Quel âge ont vos enfants?
- L'aînée quatorze, et le cadet deux ans.
- Mais vous avez encore tant de belles années à vivre tous ensemble…
- C'est vrai, je ne suis pas raisonnable, mais c'est plus fort que moi. Puis me regardant : vous êtes protestante ?
- Oui.
- J'aime bien les protestants. Chaque fois que je peux, le dimanche, j'écoute ce qu'ils disent à la radio. C'est beau, ça encourage.
- Puisque vous croyez en Dieu pourquoi ne pas Lui dire votre peur de vivre.
- J'essaie souvent, et puis je me dis que je suis trop mauvaise pour que Dieu s'occupe de moi.
- Mais vous savez bien qu'Il tend Sa main à ceux qui ont besoin de Lui?
- Oh! je sais. Et voyez-vous d'avoir confié à quelqu'un ce qui me tourmente m'a déjà fait du bien. Quand mon coeur se troublera, je penserai à ce que vous m'avez dit.

Nous nous quittons… La jeune femme me suit du regard, et je me retourne pour lui faire de la main un signe d'adieu. Mais sa pensée ne me quitte pas et je redescends dans la plaine apportant à Dieu cette âme inquiète.

Quelques jours plus tard, avant de quitter le pays, je remonte au hameau accueillant. Reçue par mon amie d'un jour, elle me dit avoir eu plus de courage cette dernière semaine et ses yeux s'illuminent quand je lui dis avoir prié pour elle. Mais je sais bien que c'est prier sans se lasser qu'il faudrait, car Dieu seul peut ôter les fardeaux d'inquiétude qui pèsent, trop lourds, sur des épaules fatiguées.

***

Intérieur sympathique, famille unie. Ce n'est pas la richesse, à peine l'aisance, mais le pain quotidien ne manque pas.
Le père, un intellectuel, travaille avec ardeur pour donner aux siens le plus de bien-être possible.
Les deux fils sont pleins de vie et d'entrain. Bien portants, bien doués, rien ne leur manque pour faire leur chemin dans la vie.

Et cependant les parents sont soucieux.

La mère s'inquiète, l'avenir lui paraît sombre, le travail est mal payé, son mari n'est plus jeune, lui sera-t-il conservé jusqu'au moment où Jacques et André pourront se débrouiller seuls ? Elle-même aura-t-elle les forces nécessaires pour achever leur éducation?

Et les plus belles joies, ces joies si pures que seule connaît une famille aimante, sont obscurcies par cette inquiétude qui tenaille le cour des parents.

Et je me demande: Pourquoi toute cette angoisse inutile, ce souci du lendemain qui obscurcit toute joie?

Sévèrement je m'interroge : Et toi, as-tu cette confiance que tu cherches à insufler aux autres? Quand tes forces diminuent, quand tu ne sais plus très bien comment « nouer les deux bouts », quand ta solitude augmente, ne te laisses-tu pas envahir par l'inquiétude? Sais-tu, comme tu le conseilles si bien à d'autres, mettre ta main dans la main du Père, Lui abandonner ta vie et dire avec le psalmiste : « Mes destinées sont dans ta main ?»

Oh! j'ai honte de moi-même, et comme je me sens proche de la jeune femme de la ville et de celle de la montagne.

Une chose m'étonne: N'est-ce pas ceux qui ont le plus de réels sujets d'angoisse, qui vivent aujourd'hui leur vie avec le plus de courage?
Jeunes femmes séparées de leurs maris, mères dont fils et gendres défendent le sol de la patrie, enfants privés du père qui donne sa vie pour la vie des siens, vous allez de l'avant avec une confiance, avec un « cran » qui nous humilie, nous qui n'avons pas à trembler à chaque instant pour la vie de nos bien-aimés.

Dans la tourmente, les soucis inutiles qui rapetissent l'âme disparaissent, et toutes les forces sont tendues vers un seul but: Tenir jusqu'au bout.

Et nous, ne saurons-nous pas avec nos soeurs des pays en guerre, tenir comme elles jusqu'au bout? Tenir. Avec reconnaissance pour tout ce qui nous est encore laissé, avec foi, avec amour.









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