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Lettre à une jeune maman

Ma chère Jacqueline,

Après les jours exquis que j'ai passés dans ta petite famille, tu m'as demandé avec un peu d'angoisse dans la voix : « Toi, qui as l'habitude des tout-petits, dis-moi franchement ce que tu penses des miens».

Tout d'abord ma chère Jacqueline, laisse-moi te féliciter et avec toi toutes les jeunes mères qui, malgré leurs soucis et leurs fatigues, savent garder le sourire. J'ai vécu à tes côtés quinze jours au cours desquels j'ai pu t'observer toi et tes enfants. Aussi je te dis avec sincérité rassure-toi, tu t'y prends très bien.

Je voudrais cependant attirer ton attention sur quelques points :

Michel, ton aîné, est un garçon un peu délicat et nerveux. Nous en avons parlé ensemble et nous avons établi les plans d'un combat long et patient qui devra en fin de compte faire disparaître ou tout au moins atténuer sa nervosité.

As-tu remarqué qu'au début de notre entretien, Michel était dans la pièce ? Je puis t'assurer que tes premières paroles ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd. « Je ne sais que faire de Miche!, il est si nerveux! » Il s'est immobilisé quelques secondes, puis, la conversation ne l'intéressant plus, il est sorti en sifflotant. Sans doute n'est-ce pas la première fois que tu fais allusion à sa nervosité devant lui. Il sait donc qu'il est nerveux. Il ne sait pas ce que cela signifie, mais « il est nerveux ». Il en est même un peu fier. Ne l'ai-je pas entendu dire à sa soeur d'un ton supérieur : « Je suis nerveux, moi! »

Actuellement cela n'a guère d'importance, mais ton petit homme n'aura pas toujours cinq ans, et alors… Inconsciemment il cherchera à tirer parti de sa nervosité pour se rendre intéressant ou pour éviter un travail ennuyeux.

Rappelle-toi le petit Daniel du « Jardin mystérieux » qui imposait ses volontés à son entourage sous le couvert d'une maladie nerveuse. Il ne trouva la santé que lorsque sa cousine Mary, au lieu de le plaindre, le traita dédaigneusement en égoïste et en sans coeur.

J'ai constaté que les accrocs à la vérité de Michel te tracassent. Ne les provoque pas par des questions directes. Ne dis pas : « Qui a pris ce chocolat? » « Est-toi qui a cassé cette tasse? » Car il est très difficile à un petit bonhomme d'être assez courageux pour aller peut-être au devant d'une punition ou d'une gronderie en répondant : « C'est moi! »

Ce serait tellement mieux de lui dire d'un ton naturel et paisible « Tu n'aurais pas dû prendre ce chocolat » ou « N'est-ce pas toi qui a cassé cette tasse? » Ma fille me disait encore l'autre jour « Quand tu m'interrogeais de cette façon, je ne pouvais pas ne pas dire la vérité».

C'est une méthode que j'emploie maintenant aussi bien avec les enfants qu'avec les jeunes filles en service chez moi.

Une chose que j'évite aussi c'est de prononcer le mot de mensonge ou de menteur. Michel n'est pas un enfant faux et menteur; ne lui fais pas croire que tu le tiens pour tel. Parle-lui plutôt de la vérité. Au lieu de dire : « Tu mens », dis lui « Est-ce bien la vérité? Dis moi la vérité! »

Passons maintenant à ton second numéro. Anne a deux ans, n'est-ce pas ? L'autre jour, je prenais le thé chez sa grand'mère tandis qu'elle jouait sur le tapis avec une poupée antédiluvienne qu'elle berçait et fouettait alternativement, avec un véritable amour maternel mêlé de férocité.

La grand'mère l'interpella alors : « Est-tu contente d'être chez grand'maman, ma chérie? »

- «Non », dit-elle d'un air candide en secouant a tête.

La grand'mère eut un petit rire forcé.
« Viens donner un baiser à grand'maman ».
« Non ».
«Veux-tu un gâteau? »
« Oui ».
Et quand elle fut enfin installée sur les genoux de la vieille dame, celle-ci l'entourant de son bras :
« Tu l'aimes bien grand'maman, n'est-ce pas? » «Non», répondit-elle la bouche pleine.


Je sentais la grand'mère froissée par ce manque apparent d'affection; elle ne se rendait sans doute pas compte qu'Annette est trop petite pour comprendre la valeur et la signification des mots. Ne t'en tourmente donc pas. Cela passera si l'entourage de l'enfant n'y attache aucune importance.

Un mot qui m'a aussi frappée chez ta petite, c'est le mot «peur ».
Voit-elle une personne inconnue ou un animal inoffensif, immédiatement elle se cramponne à votre jupe en balbutiant : - « Ai peu… ai peu… » C'est un peu triste de voir une si petite fille dont le vocabulaire fort modeste, possède déjà le mot «peur ». C'est parce qu'elle l'entend souvent prononcer.

Evite donc de l'employer et ne lui dis pas: « Regarde ce gentil chien, il ne faut pas avoir peur, il ne te fera rien. »

Immédiatement la petite est sur ses gardes, craintive. Dis lui plutôt: « Regarde notre gentil chien, il dort, il est fatigué.» Flairant une histoire, elle demandera : pourquoi? Tout en racontant, rapproche-toi du chien, caresse-le, tu verras alors la main d'Annette hésiter, effleurer le poil, tu entendras son rire un peu tremblant et, petit à petit, tu vaincras sa peur.

Me voilà au bout de mon chapelet de petites réflexions. C'est palpitant d'élever des enfants …..

Toute à toi.









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