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Relèvement moral
Extrait du "Petit Dauphinois" du mardi 2 juillet 1940
Français mes frères, nous sommes tous dans la douleur. Cette douleur les chefs du pays nous ont dit qu'elle forgerait l'âme de la France; c'est vrai, à condition qu'elle forge l'âme de chacun de nous. Il faut que chaque Français, que chaque Française, sorte de l'épreuve transformé personnellement, faute de quoi, et ce serait la douleur suprême, l'épreuve serait inutile pour notre bien-aimé pays. On nous dit de tous côtés et avec raison qu'il faut remplacer l'esprit de jouissance par l'esprit de service. Ce que je voudrais vous dire, moi, c'est que ce n'est pas là renoncer au bonheur; ne croyons pas que commencent des heures sombres, sans lumière. Nous pouvons, nous devons demain être heureux; pour cela il faut seulement que nous révisions notre échelle des valeurs.
Depuis des années qu'avez-vous dit - ou pensé -Français mes frères ? et ceux qui sont sincères ne me contrediront pas :
Heureux celui qui a de l'argent.
Heureux celui qui gagne à la loterie nationale.
Heureux celui qui peut se payer une belle maison, une belle auto, de beaux voyages, des jouissances.
Heureux celui qui a une jolie maîtresse et même deux.
Heureux celui qui a une place au soleil.
Heureux celui qui réussit dans ses entreprises plus ou moins propres sans se faire prendre - qu'il s'agisse ici d'un élève ou candidat, qui copie, ou d'un grand homme d'affaires - enfin heureux celui qui à son lit de mort peut dire, transformant le mot célèbre de Maurice de Saxe : la Comédie a été courte mais elle a été bonne.
Eh bien! aujourd'hui, nous serons encore heureux, à condition de pouvoir dire:
Heureux celui qui est en paix avec sa conscience.
Heureux celui qui chaque jour fait, là où il est, tout son devoir.
Heureux celui qui ne demande à la vie que les bonheurs purs et sains de la nature, de la famille, du travail.
Heureux celui qui sait s'attacher à une cause qui le dépasse et vivre pour elle.
Heureux celui qui pense aux autres avant de penser à soi.
Enfin heureux celui qui à son lit de mort peut dire comme notre grand Pasteur : "J'ai fait ce que j'ai pu"; ou mieux encore suivant l'ordre et la promesse du Christ : " J'ai perdu ma vie aux yeux du monde, mais je sais, moi, que je la retrouve maintenant, véritable et épanouie pour l 'Eternité. "
Voilà " les Béatitudes" nouvelles qu'il faut apprendre à nos enfants.
Alors la France sera grande et notre douloureuse épreuve aura un sens.
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