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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Que semons-nous?

Tout homme, toute femme, tout être humain est un semeur. Au point de vue matériel nous savons toutes ce qu'est un semeur. Au point de vue moral, un semeur est celui qui dépose dans un terrain moral des germes moraux capables de porter du fruit.

Le terrain c'est l'humanité, autrement dit les coeurs et les esprits des hommes. Et ce qu'il y a de particulier dans nos semailles c'est qu'elles se font parfois, souvent même, malgré nous.

Tout être humain est un semeur qu'il le veuille ou ne le veuille pas. Les semailles, en effet, ne consistent pas seulement en discours, en écrits, en paroles, mais aussi en actes, en pensées même, en un mot : Vivre c'est semer.

La semence porte du fruit selon son espèce, d'où résulte pour nous la nécessité de savoir aussi exactement que possible ce que nous semons.

Nous disions tout-à-l'heure que le terrain c'est l'humanité. Mais c'est bien vaste l'humanité et quoiqu'elle nous entoure cela nous paraît un peu lointain. Comme nous voulons être avant tout pratiques, représentons-nous en ce moment l'humanité telle qu'elle se montre à nous dans l'enfaut (l'enfant d'aujourd'hui c'est l'homme de demain) et examinons ensemble ce que nous semons en lui.

Et tout d'abord, quand commence à son égard le temps des semailles ? Je serais bien embarrassée de vous le dire; car, sachant ce que nous savons des lois de l'hérédité, nous reconnaissons que l'enfant en venant au monde a déjà en lui bien des germes, les uns bons, les autres mauvais, héritage non seulement de la génération précédente, mais de toutes les autres générations.

Les semailles ont donc commencé bien longtemps avant sa naissance de sorte que, dès le début, nous cultiverons et sèmerons tout à la fois.

Un proverbe dit: Mauvaise herbe croît toujours. Nous serons étonnées et attristées en effet de voir que lorsqu'il s'agit d'une mauvaise graine nous récoltons, hélas! si vite ce que nous avons semé. Et ceci nous donne la réponse à cette question: que devons-nous semer ? Nous devons semer ce que nous voulons récolter et ne rien semer d'autre, à supposer toutefois que nous ayons déjà un noble idéal quant à la nature de la récolte.

L'avenir dépend du présent. Voilà une vérité que nous devrions avoir continuellement devant les yeux Une des plus grandes fautes en éducation consiste à penser:
« Maintenant, tandis que l'enfant est encore si petit, je puis me permettre ceci ou cela à son égard. Plus tard, j'agirai autrement. »


Monsieur Bébé veut qu'on le tienne, qu'on le promène, qu'on l'amuse. Maman obéit. C'est le monde renversé. Seulement maman se dit: Bientôt cela changera et alors c'est lui qui obéira. Croyez-vous ? Avez-vous semé l'esprit de soumission et d'obéissance quand Bébé était encore au berceau ? Si vous ne l'avez pas fait vous avez semé l'esprit contraire: entêtement, autoritarisme, égoïsme. A deux ans vous voulez que cela change, mais vous ne tardez pas à vous apercevoir que cela occasionne bien des scènes pénibles. L'enfant crie, trépigne quand vous le contrariez. «J'attendrai qu'il comprenne mes raisons,» pensez-vous.

Il a six ans, huit ans... il comprend bien des choses. Mais avant de comprendre vos raisons il a compris que c'est lui qui commande et alors... Vous savez aussi bien que moi ce qui arrive.

Le bébé qui pleurait et auquel avec un sourire on tendait les bras en l'appelant: chéri, mignon, trésor. . . est maintenant ce jeune homme arrogant auquel la mère n'ose plus rien refuser.

Qui ne commande pas obéit et qui n'obéit pas commande. Il faut s'en souvenir si l'on ne veut pas récolter dans Ies larmes ce qu'on a trop souvent semé dans un sourire.

Un petit frère a fait son apparition auprès de votre aînée qui n'a pas deux ans. «Regarde le mignon bébé; il est bien gentil ton frère; il est plus sage que toi. Tu vois, il reste bien tranquille!» Sur quoi des caresses sans fin, accompagnées des mots les plus tendres, sont prodiguées au nouveau-né que sa soeur commence à contempler avec un étonnement mélangé déjà d'un sentiment indéfinissable . . . Une semence presque imperceptible de jalousie a été jetée dans ce jeune coeur. Prenez garde ! Encore quelques remarques de ce genre, plus tard l'exhortation sempiternelle: Cède ton jouet à ton frère, tu es l'aînée, supporte ses taquineries il est si petit, etc... et un mur s'est élevé entre le frère et la soeur. On récolte ce qu'on sème; chez la fillette: impatience, amertume, jalousie, haine peut-être; chez le petit garçon: égoïsme, orgueil, despotisme.

Un jour une maman découvre avec stupéfaction que sa fille âgée de six ans a dit un gros mensonge. Elle avait cassé une tasse et a assuré que ce n'était pas elle. La maman sermonne sa fille comme il convient en pareille circonstance et lui inflige une sévère punition. Deux heures plus tard elle entend la fillette dire à la domestique:

- Est-ce que maman ne vous a pas punie hier après que Madame Durand est venue ?

- Moi ? Pourquoi donc ? Quelle bêtise dites-vous là ?

- Mais c'est que vous avez dit aussi un très gros mensonge. Mme Durand a demandé si maman était à la maison et vous avez répondu: «Madame est sortie depuis une demi'heure.»

- Eh bien !

- Ce n'était pas vrai puisque vous aviez parlé avec maman tout de suite avant.

- Bien sûr, mais ce n'était qu'un petit mensonge. Du reste j'obéissais aux ordres de votre maman.

Comment espérer récolter sincérité et vérité dans un coeur où sont semées de telles semences?

Ailleurs c'est une mère qui se plaint que ses enfants, déjà grands, ne lui confient rien. Ils vivent auprès d'elle comme des étrangers. Pas méchants, pas désagréables, mais pour eux le foyer ne paraît plus être qu'une pension, dont leur mère est la bonne ménagère donnant nourriture et vêtement au temps convenable.

Et pourtant c'est ce qu'on appelle une excellente mère. Elle les a toujours aimés, ses enfants, et les aime encore. Elle serait prête, pour eux, à tous les sacrifices. Que s'est-il donc passé? Simplement ceci. Quand ils étaient tout petits et venaient a elle avec leurs récits enfantins, leurs petits (mais très gros) chagrins, leurs grands (quoique très petits) secrets, elle avait toujours quelque chose de plus important à faire qu'à les écouter.

«Laisse-moi, ce n'est rien, ne me dérange pas pour si peu, cela ne vaut pas la peine d'en parler, etc... »

Peu à peu les enfants ont compris qu'il fallait chercher ailleurs des oreilles amies...

Encore là la pauvre mère récolte ce qu'elle a semé.

«N'est-ce pas que notre Jeanne est jolie avec ses boucles bien arrangées et ce beau noeud bleu ?» Cette remarque n'était destinée qu'au papa, mais Jeanne qui a deux ans passés commence à s'apercevoir qu'elle est un objet digne d'admiration. A trois ans on la menace de ne pas lui mettre sa belle ceinture si elle n'est pas sage. Plus tard elle entend parler de la mode comme d'une chose très importante. A l'école «des grandes» nouvelles semences de vanité qui, au lieu de rencontrer le roc des bons principes, trouverait hélas! un terrain favorable à leur développement. Rien n'est trop cher pour Mademoiselle: rubans, peignes, ceintures nouvelles, bottines jaunes, cols dernier chic. Il lui faut tout cela... et plus encore. Pauvre Jeanne! Son coeur est vide, sa bourse aussi. Sa mère au désespoir ne sait plus que faire, car chaque refus d'argent provoque une scène pénible suivie de bouderie, de propos blessants...

«Si je ne cède pas, elle ne voudra plus rester auprès de nous... » Ah! pauvre mère! Vous n'auriez jamais pensé cela quand vous admiriez les boucles de votre bébé.

Dans une autre famille on se plaint que les enfants n'ont aucun respect pour leurs parents. Pourtant ceux-ci ne manquent pas d'une certaine autorité; ils savent être fermes et même justes, ce qui est plus rare.

Qu'y a-t-il donc ? Entrons, écoutons et regardons. La famille se met à table. Le papa s'adressant à sa femme:

- C'est assommant ces repas toujours en retard! Tu sais pourtant bien qu'il me faut être au bureau à 2 h. Pourquoi ne t'arranges-tu pas à ce que tout soit prêt à l'heure ? Si cela continue je ferai mieux d'aller au restaurant.

- A ton aise, mon ami. Tu verras si au restaurant on satisfera comme ici tous tes caprices... Car enfin tu sais, tu as beau dire que tu n'es pas gourmand...
Voyons, les enfants, qu'est-ce que vous faites-là, le nez en l'air à écouter ce qu' on dit? Mangez-donc!

- Je n'aime pas ce ragoût - ni moi non plus - ni moi non plus.

- Qu'est-ce que c'est que ces manières ? gronde le père. Depuis quand est-ce qu'on parle de ce qu'on aime ou n'aime pas ? On mange ce qu'on vous donne, sans rien dire.

- Ça n'empêche pas, pense l'aîné, que papa a bien grondé maman l'autre jour parce qu'on avait eu deux fois de suite de la viande froide. C'est pour ça qu'aujourd'hui elle l'appelle gourmand.

Comment ces parents peuvent-ils espérer récolter le respect, puisqu'ils ne se respectent pas eux-mêmes devant leurs enfants ?

Nous pourrions multiplier les exemples. Ceux-ci suffisent pour nous faire faire un retour sur nous mêmes et pour que nous nous posions à nouveau la question: «Que semons-nous ?»

Nous l'avons vu, la semence a consisté dans l'influence exercée par toute la conduite plus encore que dans les exhortations.

Nous avons essayé de montrer ce que devient la mauvaise graine, celle qui croît toujours le plus vite. Il est généralement plus difficile de reconnaître quand et par qui a été semée la bonne semence qui a produit de bons fruits.

La vertu est humble et les bonnes semailles sont une oeuvre modeste, lente, toute de persévérance, mais sure aussi. Ce que les meilleurs des hommes sont devenus ils ont reconnu presque toujours le devoir à leur mère, ou à défaut d'elle, à une fidèle servante, à un maître dévoué. Ayons donc bon courage. Ne perdons pas les quelques jours qui nous restent en cette année à nous lamenter sur le peu de résultats obtenus au cours des onze derniers mois. Occupons-nous plutôt à préparer pour l'an nouveau de bonnes semailles sachant que la récolte viendra en son temps, si nous ne nous relâchons point. Plaçons bien haut notre idéal, si haut que nous puissions appeler sur lui la bénédiction du Créateur qui a promis de donner de la semence au semeur, et nous dit que ceux qui sèment le bien, mais le sèment peut-être avec larmes, moissonneront un jour avec chants de triomphe.









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