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Les mille et un visages de l'amour-propre
L'amour-propre existe; c'est un fait dont il faut bien tenir compte. Il existe chez tous les enfants, mais il est susceptible de revêtir des formes diverses ou même contradictoires. Tel enfant pleurera s'il n'est pas le premier de sa classe; tel autre s'enorgueillira d'être le dernier, excellent moyen de «sauver la face», tel qui ne réussit pas, prétendra n'avoir pas une minute à lui et user au travail ses jours et ses nuits; tel autre, un bon élève pourtant, se vantera de ne pas travailler. Amour-propre toujours et partout!
A l'école l'amour-propre existe dans les classes comme chez les individus. Chaque classe a sa personnalité, son esprit de corps ou de clan, et chaque classe a son amour-propre.
L'amour-propre a la vie dure. Si nous en croyons St François de Sales, il meurt un quart d'heure après nous. Deux excès sont à éviter: le méconnaître et le piétiner, ou, au contraire, le flatter imprudemment et l'exacerber. N'espérons pas le briser ou l'éliminer, ne l'essayons même pas; ce serait un jeu dangereux, car à travers lui, c'est la personnalité qui s'exprime et elle risquerait d'être meurtrie ou mutilée. Considérons-le plutôt comme une force à capter, à canaliser, à orienter. Mais craignons aussi vivement de dépasser la mesure et d'exaspérer chez l'enfant la vanité scolaire, avide de récompenses et de bonnes notes.
Soyons en garde même contre l'émulation qui peut faire naître de vilains sentiments: désir du succès à tout prix, par tous les moyens, jalousie féroce, ou même haine implacable dans une âme d'enfant contre les rivaux les plus immédiats, traités comme des ennemis dont les mésaventures ou les malheurs vous réjouissent, dont les succès, si mérités soient-ils, vous aigrissent
Pour éviter toutes ces déformations, tous ces excès de l'amour-propre scolaire et de l'émulation qui en est la manifestation «sociale», il peut être avantageux de suggérer à nos élèves un parallèle entre le travail scolaire et le sport.
- Pour le sport aussi, l'amour-propre conduit aux pires abus et pour les mêmes raisons. Faisons régner dans nos classes le véritable esprit sportif.
Une composition est un match. Jouons franc-jeu, ne trichons jamais et serrons la main du vainqueur. C'est le meilleur qui a gagné. Une autre fois nous ferons mieux et nous aurons notre revanche. Mais il ne s'agit pas seulement pour un élève de se classer avant les autres, et les places de composition ne doivent pas devenir l'essentiel. Il y a surtout la comparaison instructive à faire entre les résultats obtenus un bout de l'année à l'autre. Au lieu de songer seulement à vaincre nos camarades, apprenons à nous vaincre nous-mêmes, à nous dépasser, à nous « surpasser ». Quel jeu passionnant à proposer à nos élèves, et combien efficace pour la formation du caractère.
Allons plus loin: le résultat n'est pas tout, qu'il soit mesuré par rapport aux autres ou par rapport à nous-mêmes. Tous, nous ne disposons pas des mêmes ressources, des mêmes talents. Apprenons à nous connaître et à nous juger. Plutôt qu'aux seules notes chiffrées, intéressons-nous aux raisons qui les expliquent, aux fautes qui auraient dû être évitées, aux qualités qui pourraient être développées. Tenons compte surtout de la « bonne volonté» de l'élève et ne lions pas notre satisfaction au seul succès, mais à la joie du devoir accompli: «J'ai fait mon possible et je n'ai pas réussi. Instruit par l'expérience, une autre fois je ferai mieux, mais je n'ai rien à me reprocher aujourd'hui, c'est l'essentiel .»
A cette profondeur, la pédagogie rejoint la morale. Aux élèves moins bien doués, elle fournit un réconfort et un appui contre l'aigreur, le découragement ou même le désespoir. Aux élèves plus capables elle montre quelle distance les sépare encore de l'idéal à atteindre: excellent remède contre la fatuité d'esprit.
Conclusions pratiques
1. Tout d'abord tenir compte du caractère de l'élève. La tactique variera bien entendu, suivant que nous aurons à faire à un apathique ou à un sensitif, à un amour-propre exagéré, ou à une indifférence sereine pour les succès et le travail scolaire.
2. Une fois le terrain reconnu, maîtres et parents auraient une fois de plus avantage à conjuguer leurs efforts.
Malgré tout, le professeur, placé en face des devoirs et des compositions, est porté à juger l'élève sur les résultats positifs de son travail. Or, un élève qui ne réussit pas n'est pas nécessairement un mauvais élève. Mais comment distinguer toujours les raisons profondes d'un échec ou d'une mauvaise note? Selon les circonstances la même faute peut être due, suivant les élèves, et mieux encore pour un même élève, à la fatigue, à l'étourderie, à l'ignorance, à la paresse.
Le professeur risque de se tromper dans son attitude à l'égard de l'enfant, si le père ou la mère ne l'éclaire utilement au moins de temps à autre sur la manière dont l'élève organise chez lui son travail et sur les causes probables de son rendement défectueux.
3. De leur côté aussi, que les parents ne portent pas exclusivement leur attention sur le rang et les notes que leur livrent bulletins et carnets. Surtout qu'on ne propose pas toujours à l'enfant l'exemple de tel ou tel camarade mieux doué ou plus heureux que lui
Le procédé peut même être désastreux s'il s'agit de ses propres frères ou soeurs.
Ces efforts de bonne volonté et de compréhension réciproque seront source de progrès et de bonheur.
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