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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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RETOURLe blé sous la neige Episode authentique - Qu'il fait froid! Et toujours rien à manger ! Ah! si seulement nous avions pu conserver ces cavernes de l'Aiguille où nous avions amassé de si bonnes et si abondantes provisions ! Si nous avions encore ces pains et ces châtaignes, ces fromages et ces sacs de farine! Hélas! l'ennemi a tout pris et tout détruit, et nous avons le ventre creux… - Et l'estomac qui tenaille et crie, pendant que les membres grelottent! Nous sommes logés comme des morts en terre dans des abris creusés sous la montagne et nourris de raves, d'herbages, de fèves et d'eau… - Quand il y en a ! intervint un troisième soldat, dont les joues creuses, les yeux fièvreux indiquaient assez quelle famine il endurait, et tout cela sans sel, sans graisse, sans assaisonnement, mais chut ! voici le major Odin! Nous sommes en janvier 1690. Quatre mois se sont écoulés depuis le jour glorieux où, du haut du Col de Côteplane les Vaudois du Piémont ont contemplé leur patrie retrouvée. Quatre mois de luttes, de souffrances, de privations cruelles. Renonçant à attaquer des armées dix fois plus nombreuses qu'eux, obligés d'abandonner l'Aiguille où ils s'étaient retranchés, ils se sont réfugiés à Balsille : c'est un promontoire escarpé qui s'avance entre deux profonds ravins, quatre dents de rochers, qui se dominent et se protègent les unes les autres. Ils s'y sont fortifies par des parapets et des bastions, ont construit des chemins couverts, des fossés et des casemates. Ils se sont creusé plus de quatre-vingts habitations souterraines. Dix-sept lignes de tranchées, disposées en gradins, protègent le fort supérieur, construit au sommet, à 1500 mètres. Mais ils sont arrivés à la Balsille sans avoir de vivres pour le lendemain. L'ennemi a tout détruit, tout saccagé autour d'eux. La neige est tombée en abondance dès le mois d'octobre et recouvre tout d'un épais manteau. Les hommes ont froid et faim. - Vous murmurez! dit sévèrement Pierre Odin. Voulez-vous aussi déserter comme tant d'autres? Avez-vous la mémoire si courte, ne vous souvenez-vous plus des bienfaits de Dieu ? Les hommes baissaient la tête, confus. Odin s'assit au milieu d'eux dans la paille, au fond de la casemate sombre. - Rappelez-vous Sibaoud. Là-bas, sous les grands châtaigners, après avoir mis en fuite nos ennemis, nous avons solennellement prêté le serment d'honorer Dieu, de rétablir et de maintenir son règne, et nous nous sommes juré mutuellement fidélité. N'est-ce pas pour la cause de Dieu que nous sommes ici? N'est-ce pas lui qui nous a soutenus et nous a donné la force de combattre sans cesse, quoique épuisés, contre deux royaumes unis pour nous écraser? Quand il fallut nous retirer ici à la Balsille, et que, découragés, nous avons passé une partie de la nuit en prière, Il nous guida comme par miracle à travers des précipices affreux. Il a fait tomber en octobre, une neige si épaisse que nos ennemis ont dû se retirer… Croyez-vous que, maintenant, Il va nous abandonner? -Vos paroles nous font du bien, Major Odin, et nous sommes grandement coupables de murmurer. - L'Eternel peut nous envoyer, comme aux enfants d'Israël autrefois, un pain miraculeux… Mais, comme le vent s'est mis à souffler… Ecoutez… Quelle tempête ! Des tourbillons de vent passaient sur les montagnes, hurlant dans les ravins, tordant les grands mélèzes, et tout à coup, les hommes de la casemate sursautèrent : - Venez voir! Du blé! Du blé sous la neige. Ils se précipitèrent au dehors. Là, à leur pied, sur un plateau incliné, au flanc de la Balsille, le vent, arrachant de grandes plaques de neige, avait découvert un champ de blé: ils y coururent; l'épaisse couche ouatée avait protégé le grain contre le gel. En janvier, les Vaudois firent la moisson. - N'est-ce pas ici la preuve, dit le pasteur Arnaud, de la protection de notre Père céleste ? |
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