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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Adolescence

L'adolescence est une transition entre deux âges, un passage, une crise. Mais ce mot ne doit pas être pris dans un sens péjoratif. Crise signifie croissance, et non maladie; tout progrès, individuel ou social, suppose une crise, car on ne passe jamais brusquement et intégralement d'un état à un autre, mais des traits nouveaux apparaissent, alors que des éléments du passé subsistent encore, et ce n'est que peu à peu que s'opère, non pas une simple fusion, mais une vraie synthèse.

Une première règle pour étudier l'adolescence sera de l'aborder avec une grande sympathie, non point comme un âge ingrat, informe, incompréhensible, désespoir des parents et des éducateurs, mais comme un âge privilégié, riche d'éléments positifs et personnels auxquels il ne manque que de s'harmoniser. Vers quatorze ans, l'enfant cesse de faire partie anonyme du groupe et prend conscience de sa vie personnelle et de sa place dans le monde. Il s'affranchit de toutes les contraintes sociales et de la vie presque purement instinctive pour penser par lui-même, aimer et vivre selon son rythme propre…

Tout conspire, malheureusement, pour faire perdre aux êtres leur originalité: en eux la paresse, le respect humain, le goût du moindre risque hors d'eux l'incompréhension et la défiance dont on entoure toute supériorité. Pour un éducateur pénétrant et optimiste, il est émouvant de découvrir dans chaque adolescent cette apparition d'une vie de l'esprit qui a des traits absolument nouveaux, originaux, savoureux, et en même temps il est poignant de savoir qu'elle est guettée et sera bientôt étouffée par le poids écrasant des routines, des préjugés, des passions, de la matière sous toutes ses formes.

Ne nous laissons jamais hypnotiser par les défauts d'une adolescente, ils sont le revers d'une belle médaille ; c'est une richesse surabondante et précoce qui explique cette inadaptation. L'enfant de cet âge est gauche, maladroite à s'exprimer, excessive dans ses réactions. Elle se croit méconnue, et l'est souvent en effet; elle souffre de ne plus sentir cette tendresse dont on l'entourait enfant, et par pudeur ne fait rien pour la reconquérir. Elle accentue volontiers les traits de caractère qui déplaisent aux siens, elle ne se plie pas à leurs goûts et à leurs désirs, l'esprit de contradiction peut aller chez elle jusqu'à la révolte. Elle espère toujours trouver dans des amitiés d'élection la sympathie qu'elle ne croit plus rencontrer dans sa famille. Mais qu'y a t-il d'autre au fond de tout cela qu'une désadaptation qui tient au développement d'une vie personnelle ?…

L'adaptation de l'adulte, pour être réelle, suppose un enracinement dans un milieu choisi, des amitiés d'élection, une profession en rapport avec nos aptitudes, une famille fondée par nous, sur une terre préférée, dans un foyer peu à peu orné selon nos rêves. Rien de cela n'est possible à l'adolescent. Ses goûts, ses préférences s'éveillent dans un milieu qu'il n'a pas choisi… Une jeune fille reste dans sa famille longtemps après qu'elle a senti tressaillir en elle ces instincts profonds qui en feront un jour une femme, une mère, une maîtresse de maison. Elle a une idée de l'amour plus intégrale, plus vraie peut-être, plus pure sûrement, qu'à tout autre âge. Elle brûle du désir de se donner, d'agir ; elle a (ou croit avoir) des vues personnelles sur la tenue d'une maison, l'éducation des enfants. Mais ce qui l'intéresse, ce sont ses idées à elle. S'il lui coûte tant d'obéir, de se subordonner, c'est qu'elle se sent capable de créer. Le sentiment de ses puissances inemployées dont on ne sait encore comment elles se fixeront, dont on n'est pas même assuré qu'elles trouveront leur emploi, fait l'angoisse des années de jeunesse. On ne peut trop magnifier la jeunesse, elle est si belle qu'on passe sa vie à l'attendre et à la regretter… Mais il faudrait lui apprendre la vertu qui lui est le plus difficile: la patience.

L'originalité d'une adolescente n'est pas encore très marquée; ce qui est fort, c'est le désir et le goût de l'originalité. Il s'en suivra des mouvements d'indépendance, voire de révolte ; un apparent esprit de contradiction qui proviendra justement de l'instinct de protéger cette personnalité encore fragile contre une contrainte ou des intrusions même simplement possibles. La jeunesse est sur une défensive continuelle parce qu'elle sent son trésor nouveau menacé par les conseils, les traditions qui pèsent sur elle, les jugements préformés, la volonté des parents et celle des maîtres de l'infléchir dans un certain sens alors qu'elle veut réserver ses choix, se garder disponible… Il faut laisser aux jeunes du temps et du jeu, les voir venir… Quand ils sentent cette confiance, ce respect de leur liberté, leurs défenses tombent, et ils se livrent sans réserves aux influences qui les aideront à être pleinement eux-mêmes.

L'instinct de défendre un moi naissant explique aussi que les adolescents soient souvent fermés, secrets, repliés sur eux-mêmes. Ils craignent à l'excès d'être froissés, incompris, d'où leur silence. Mais en réalité ils ont besoin d'expansion, de sympathie. Entre eux ils se débrident, parlent sans fin, et toujours d'eux-mêmes, s'opposant aux anciens. Est-ce de l'égoïsme? Il est légitime, en ce sens que la principale affaire à cet âge est de se constituer soi-même en une personnalité originale et indépendante, qui ensuite s'insèrera dans un milieu social et apprendra, à se donner. Une vraie générosité est là en puissance. Combien voyons-nous de jeunes filles qu'on trouvait, dans leurs familles, peu complaisantes, occupées d'elles-mêmes et qui se révèlent ensuite d'un dévouement admirable! Elles entretenaient des rêves d'héroïsme alors qu'on les croyait incapables de la plus petite vertu, mais ce n'était pas sur le plan et dans le cadre qui leur étaient imposés. Une certaine pudeur vis-à-vis des frères et soeurs et souvent aussi des parents, gêne en famille l'expression des sentiments les plus profonds et les meilleurs. On sourit, on dit «Commence par ranger ta chambre » ; les défauts de l'enfant masquent les vertus naissantes de la femme. Il faut au contraire qu'on lui fasse un crédit de fond, à cause de ce qu'elle sera, de ce qu'elle est en train de devenir. Il est mieux de ne pas la poursuivre pour des défauts extérieurs (brusquerie, désordre, distraction) qui viennent de ce qu'elle est trop prise par l'intérêt de sa vie intérieure… La contrainte est à cet âge inopérante, et l'ironie cruelle…

L'adolescence ne nous apporte pas la même révélation que l'enfance; elle nous instruit pourtant si nous savons la comprendre… Nous devenons plus humbles et plus souples par la nécessité de la suivre en ses mouvements divers, nous nous exerçons sans cesse au discernement, à la patience et à la justice. Enfin nous avons la joie de voir se dégager peu à peu un nouveau visage de femme avec ses traits harmonieux, ses promesses de bonheur, sa sagesse précoce, son intégrité morale, sa nuance de vie spirituelle, la double grâce de sa jeunesse. Nous savons que les traits de ce visage s'épaissiront, se durciront, que le travail et la souffrance y mettront leur marque, qu'il n'existe dans la vie comme dans l'art qu'un point de perfection; une autre beauté viendra, plus émouvante encore et plus spirituelle, mais heureux sommes-nous, parents et maîtres, d'avoir eu près de nous nos enfants, à cette heure incomparable de l'aube où, debout, dans la lumière du matin qui donne à toutes choses leurs vraies proportions, ils sentaient encore frémir en eux le mouvement de l'être qui s'élance vers son destin.


Nous recommandons vivement ce volume, L'éducation selon l'Esprit récemment paru. Ed. « Présence » Plon, Paris. Il intéressera particulièrement les parents des jeunes filles faisant des études secondaires.









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