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Les jeunes et l'agriculture
La campagne a toujours manqué de bras.
La question de la main d'oeuvre agricole préoccupe depuis longtemps les économistes, les agriculteurs, mais si avant la guerre elle constituait un grave problème pour notre agriculture, aujourd'hui elle revêt un caractère tout à fait alarmant et d'ordre vital pour notre pays.
Comment augmenter la main d'oeuvre agricole ? Pourquoi l'émigration vers la ville est-elle si forte ? Que faire pour le retour à la terre ? Pouvons-nous apporter une petite aide à l'agriculteur?
Ce soir là de redoutables problèmes auxquels les économistes, les politiciens seuls peuvent s'attaquer. Sans vouloir chercher une solution à ces questions, et sans apporter des éléments nouveaux, examinons les différents aspects du problème.
1. Emigration des campagnards vers la ville.
En 1920, 972,000 personnes en Suisse travaillaient dans l'agriculture ; en 1930, 866,000 seulement. Ce recul n'est pas du à la diminution de possibilités d'emploi dans cette branche, mais à son abandon par beaucoup de ses travailleurs, ceux-ci se vouant à une autre carrière leur offrant plus de chance d'avenir.
Depuis 1930 les autorités ont été amenées, par suite de la crise à se préoccuper de ce manque de travailleurs agricoles. C'est ainsi que les chômeurs de l'industrie et de l'artisanat ont été incorporés dans l'agriculture, après avoir suivi des cours de réadaptation ou de réapprentissage.
Quelles sont les causes de cet exode vers la ville? Elles sont multiples. La ville, avec ses distractions, ses lumières nocturnes, a toujours exercé une très grande attraction sur la jeunesse campagnarde. Un labeur moins pénible, des journées de travail plus courtes et bien définies, des congés, des possibilités de vacances ont souvent décidé maints campagnards à quitter leur terre. Un salaire inférieur dans l'agriculture comparativement à celui dans l'industrie et le commerce, la question des logements pour ouvriers agricoles mariés expliquent, comme le prouvent les statistiques, pourquoi ceux-ci désertent la terre surtout entre 25 et 30 ans.
Les salaires à la campagne sont aujourd'hui grandement améliorés, mais si un jeune domestique de campagne débute avec un salaire suffisant, celui-ci se stabilise trop vite et la modicité des gages s'ajoutant aux difficultés de logement rendent difficile la création d'un foyer. Ces questions constituent un des points douloureux de notre vie rurale, mais il est encourageant de constater que de grands efforts sont faits en vue de retenir à la campagne des ouvriers agricoles mariés qui s'attachent à leur terre et deviennent des auxiliaires qualifiés.
2. Retour définitif des jeunes citadins à la terre.
«Peut-on recommander aux jeunes citadins de se vouer de façon définitive à l'agriculture? En d'autres termes, peut-on leur prêcher le retour à la terre?» C'est par cette question que M. A. Borel, sous-directeur de l'Union suisse des paysans commence son très intéressant article consacré au «retour à la terre» (Pro Juventute, V, 1941). Les conseillers de profession assument une grande responsabilité en orientant les jeunes gens dans une voie plutôt que dans une autre. Si le labeur de la terre est pénible, si la durée du travail est plus longue à la campagne qu'en ville, si le salaire de l'ouvrier agricole reste modeste, quelle est la profession qui n'offre ses avantages et ses inconvénients?
Il faut avant tout que le jeune homme qui désire se vouer à l'agriculture possède bien les aptitudes physiques, intellectuelles et psychologiques nécessaires. Il faut s'assurer qu'il ne s'agit pas chez lui d'une fantaisie ou d'un engouement passager, mais bien d'une vocation profonde.
Cependant, que le jeune homme qui se voue aux travaux de la terre ne se fasse pas trop d'illusions. S'il aime son travail intéressant et varié, le cheminement est long dans l'agriculture. En effet, après avoir suivi les cours d'une école d'agriculture, travaillé chez des paysans en qualité de domestique pendant six ou dix ans, alors seulement s'il en a les moyens et ayant acquis les connaissances et l'expérience nécessaires, il pourra songer à s'établir comme fermier ou reprendre une exploitation à son compte. Par contre, l'employé agricole capable est à l'abri du chômage, et l'employé agricole économe a toujours la perspective de pouvoir un jour devenir indépendant.
Pour les jeunes gens particulièrement doués: la division agronomique de l'Ecole polytechnique fédérale à Zurich, après six semestres d'études, leur permettra de se vouer à l'enseignement dans une école d'agriculture ou de trouver un emploi dans une grande organisation agricole.
3. Le stage agricole.
Le stage agricole présente maints avantages. Avant que le jeune citadin ne se voue d'une façon définitive à l’agriculture, le stage agricole peut lui permettre de s'assurer qu'il possède bien toutes les aptitudes exigées par la carrière qu'il choisit. Si tel n'est pas 'e cas, il n'aura nullement perdu son temps. Comme e dit M. A. Borel : « Qu'est-ce en effet qu'une année en regard de l'enrichissement que lui vaudra, à tant d'égards, le stage agricole? Si le jeune garçon a encore quelques hésitations au sujet de la carrière qu'il devrait choisir, ce stage en un lieu et dans une atmosphère différents de ceux dans lesquels il a vécu jusque-là constituera un répit au cours duquel il pourra mûrir tout à loisir sa décision. Il apprendra à vivre dans un milieu et dans des conditions beaucoup plus simples peut-être que ceux qui avaient été son lot jusque-là: excellente école de compréhension. S'adapter à ce genre de vie si différent, se lever tôt le matin, apprendre à exécuter des travaux nouveaux et souvent un peu pénibles sera pour lui une excellente école de discipline et d'énergie. S'agit-il d'un intellectuel (au sens le plus large du terme), ce contact d'un an avec la pratique et la réalité le fortifiera et évitera peut-être cet écueil que constitue bien souvent une instruction trop exclusivement abstraite et théorique. Enfin la possession, même partielle, d'un deuxième métier constitue de nos jours à la fois une source de satisfaction intime et une assurance contre les aléas et les incertitudes de l'existence ».
Il existe en Suisse pour les adolescents libérés de l'école, l'année d'apprentissage agricole pour les jeunes gens et l'enseignement ménager pour les jeunes filles. Ces jeunes gens font un stage dans une exploitation agricole choisie parmi celles qui s'y prêtent le mieux. A la fin de ce stage, ils subissent un examen pratique et théorique et reçoivent un certificat (1).
Le service de travail agricole d'un an, obligatoire déjà dans plusieurs pays, fournit aussi un petit appoint de main d'oeuvre à l'agriculture. Il permet en outre un rapprochement et une plus saine compréhension entre campagnard et citadin.
Depuis la guerre, l'aide volontaire des écoliers à l'agriculture, les services de campagne organisés pour les jeunes filles, l'aide des jeunes filles aux paysannes surchargées ont rendu déjà de grands services. Tout cet apport de bonne volonté, lorsque celle-ci est bien dirigée et utilisée, procure un sensible soulagement aux agriculteurs.
Si la solution du problème fort complexe de la main d'oeuvre agricole et du retour à la terre incombe aux économistes, les éducateurs ont aussi leur tâche à remplir : il faut empêcher l'exode de la jeunesse campagnarde vers la ville, il faut engager les jeunes citadins à se vouer aux travaux de la terre.
C'est sur la mentalité de la jeunesse campagnarde qu'il faut agir pour chercher à réprimer chez elle l'attrait de la ville; les parents, les éducateurs, les oeuvres sociales pour la jeunesse peuvent exercer une grande influence sur elle.
Une éducation de la jeunesse citadine, commençant à la maison, se poursuivant à l'école, doit tendre à développer chez les jeunes l'amour de la nature et de la terre, le respect du paysan et de son dur labeur.
Pour renseignements, s'adresser au secrétariat général de Pro Juventute, Sellergraben I Zurich.
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