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Réflexions sur l'école et la famille
Il ne s'agit ici que de réflexions concernant l'attitude de certains parents : nous n'entendons nullement prétendre que toutes les difficultés proviennent des familles.
Il est des constatations affligeantes dont les éducateurs voient augmenter la fréquence avec anxiété:
Des petits enfants qui viennent à l'école sans avoir déjeuné parce que des mères paresseuses n'ont pas voulu se lever pour leur préparer une boisson chaude.
Des enfants au mécanisme mental déséquilibré parce que les parents ne veulent pas se passer d'écouter leur poste de T.S.F. pendant que les petits étudient leurs leçons ou essaient de dormir.
Des enfants qui hurlent de peur sous leurs draps et qui sont à bout de nerfs parce que papa et maman n'ont pas voulu se priver d'une séance de cinéma et les ont laissés seuls à la maison.
Des enfants qui viennent à l'école harassés de fatigue parce que les parents n'ont pas voulu mesurer à la résistance des bambins la longueur, la durée, les difficultés des randonnées dominicales.
Voilà pour la vie physique, passons maintenant sur le plan moral:
Il est des enfants qui n'étudient pas leurs leçons et ne font pas les devoirs parce qu'ils ont dû aller chez la coiffeuse, chez des amis, au cirque, au cinéma, parce qu'ils préparent une audition, parce qu'ils doivent jouer la comédie, etc.
Il est des parents qui, pour un oui ou un non, font manquer l'école aux enfants, enseignant à ceux-ci, par l'exemple, que le plaisir passe avant le devoir, ce plaisir étant parfois l'assistance à une soirée paroissiale qui s'est terminée tardivement.
Il est des parents qui font les devoirs et les punitions de leurs enfants parce que, déclarent-ils, c'est difficile pour eux ou c'est injuste.
Il est des mères qui falsifient les notes scolaires afin que le père ne punisse pas l'enfant coupable.
Il est des enfants qui, le rouge au front, apportent des excuses mensongères justifiant par un mal imaginé une absence ayant permis d'aller faire du ski.
Il est des parents qui, véritables esclaves, n'hésitent pas à accuser l'instituteur ou l'institutrice de mensonge, la véracité de leurs enfants, malgré toutes les preuves accumulées, ne pouvant être mise en cause
Faut-il continuer?
Et je n'ai parlé que de familles normales, apparemment honnêtes, dans lesquelles on ne conçoit pas ou fort peu que l'attitude que l'on a soit répréhensible.
Il en est d'autres: celles dans lesquelles on ne s'entend pas, celles où le père est parti, où la mère a quitté le foyer
où le vrai père et la vraie mère ont été remplacés ; celles où règnent la misère matérielle et morale.
Dans ces conditions, quels que soient leur zèle et leur esprit de service, que voulez-vous que les éducateurs fassent ? et qui ne voit les limites étroites que les familles elles-mêmes mettent à leur action éducative ? Instituteurs et institutrices sont bien obligés de constater à quel point leurs conditions de travail ont évolué depuis une trentaine d'années comme aussi le changement qui s'est manifesté chez bon nombre de parents à l'égard de l'école.
Avant la guerre de 1914, les familles témoignaient très généralement au corps. enseignant un respect qui était l'un des éléments importants de son prestige. Lorsqu'un élève venait à se plaindre, il était fort rare que les parents acceptassent d'entrer en discussion : le maître avait raison alors qu'aujourd'hui il a trop souvent tort! Cas échéant, parents et maîtres réglaient leurs difficultés à l'insu des écoliers. Et pourtant école et famille s'ignoraient. Il fallait qu'il se fût passé un incident bien grave pour qu'un père ou une mère en vinssent à franchir le portail d'un préau scolaire.
Depuis trente ans, les conceptions pédagogiques ont évolué : partout les autorités scolaires se sont efforcées d'établir des relations suivies avec la famille: pour éduquer un enfant, ne convient-il pas de connaître son milieu familial, ses conditions de vie? N'est-il pas de toute nécessité que parents et maîtres s'entendent pour coordonner leurs efforts, mettre en commun leurs expériences, tirer à la même corde au lieu d'aller à hue et à dia ? Des efforts méritoires et persévérants ont été poursuivis, souvent dans des conditions difficiles, pour que l'influence de la classe s'ajoute à celle du foyer.
Certes, il est dans tous les milieux sociaux des pères et des mères qui ont compris tout ce que leurs enfants peuvent retirer de cette collaboration. Ils prennent les maîtres pour conseillers et souvent pour confidents. Ils sentent l'étendue des responsabilités qui leur incombent et savent leur apporter par leur aide et leur sympathie un peu du réconfort dont ils ont besoin. Mais pourquoi faut-il que tant de parents n'aient pas compris?
Pourquoi devons-nous regretter l'incompréhension de tant de familles à l'égard de cette action positive?
Au lieu de saisir qu'il s'agissait d'une aide et d'un effort communs, beaucoup ont vu dans cette démarche comme un droit qui leur était conféré de arroger en critique de l'école et du maître; qu'il était loisible à chacun de discuter du travail de l'instituteur, voire de juger de sa méthode ou de sa manière d'être! Au surplus, souvent en présence des enfants !
Cette attitude me paraît être une conséquence de ce phénomène grave que les sociologues appellent le relâchement du lien familial ! Partout l'autorité dans la famille s'est amenuisée. En effet, le seul endroit où tous les enfants obéissent encore aujourd'hui, c'est l'école! Celle-ci ne saurait être rendue responsable de la carence des familles, carence contre laquelle, par de multiples moyens, elle lutte désespérément à la façon de ces malheureux riverains qui empilent sacs sur sacs pour consolider une digue prête à se rompre.
Si donc le besoin se fait sentir d'un retour à l'autorité, c'est avant tout sur les parents qu'il faut agir en leur rappelant que leur premier devoir est d'assurer l'éducation des enfants qu'ils ont mis au monde. Ce n'est qu'aux époques de crise qu'il faut être obligé de dire que la présence des enfants dans la famille impose des sacrifices et des renoncements, s'il n'est pas sacrilège d'employer des termes semblables pour caractériser la vocation naturelle du père et de la mère à l'égard de leur progéniture. Nous n'entendons pas ici un retour à l'autorité extérieure, à la contrainte brutale ou à l'obéissance absolue, ni l'asservissement de l'enfant à l'adulte. Nous parlons d'un problème de conscience, d'un problème de responsabilité : l'exercice normal et persévérant de cette lente et difficile action qu'est l'éducation dans la famille, celle qui n'épargne pas peut-être les tourments aux parents mais leur procure les joies les plus pures qui puissent réconforter le cour humain. Il s'agit de provoquer un véritable réveil: pour que l'on reprenne conscience du respect qui est dû à l'enfance, pour que tous les parents, les jeunes surtout, réapprennent le sens de leurs responsabilités et mettent en pratique cette règle d'or de toute éducation : l'exemple.
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