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Une expérience, quelques résultats
On entend souvent déplorer l'état d'esprit de la jeunesse de nos villages. Il est malheureusement certain que cette jeunesse est trop souvent au-dessous de ce qu'on voudrait qu'elle fût. Elle ne sait pas s'enthousiasmer, vibrer à la vue d'une chose belle, elle devient indifférente et son sens moral s'affaiblit. Elle ne semble avoir de la joie qu'à passer ses soirées au café à jouer aux cartes. Ce tableau, pour être sombre, est cependant trop souvent exact. Du reste, il faut le dire bien haut, la faute en est plus aux aînés, aux parents, à l'entourage, qu'à la jeunesse elle-même.
Dans le village où je suis, j'ai essayé de lui venir en aide. Les quelques mots qui suivent racontent une expérience, fixent quelques résultats.
J'ai invité mes anciens élèves, jeunes gens et jeunes filles, à se réunir afin de former une société de jeunesse, que j'ai appelée l'Equipe de la Bonne Volonté. Pourquoi ce nom? Parce qu'une équipe est formée d'amis, d'amis résolus, unis dans un même but, d amis pour qui l'intérêt général passe avant l'intérêt particulier. d'amis qui veulent agir en fonction d'un but: le bien du village. Et c'est l'Equipe de la Bonne Volonté, parce que toute son action est basée sur la bonne volonté de ses membres. Un « pacte » indique les buts de la société : développer et maintenir une saine et franche amitié, donner à ses membres l'occasion de s'instruire et de se distraire agréablement, occuper leurs loisirs. Une séance générale est prévue par mois, d'autres séances, à effectif réduit, chaque semaine. Sous forme de lettre, les membres de l'Equipe reçoivent chaque mois un message contenant un mot d'ordre, des indications sur les activités de la société, des chants, etc. Pas de comité, pas de règlement, pas d'amendes. Tout repose sur l'enthousiasme et la bonne volonté réciproque.
Disons d'emblée que cette proposition eut un grand succès. Tous répondirent à mon appel et tous furent jusqu'à maintenant des membres fidèles, enthousiastes, dévoués. Les séances mensuelles, au cours desquelles furent données des causeries, quelquefois avec projections, furent très vivantes. On y apprit également des chants et des jeux amusants forcèrent les plus graves à sourire. Un chant, composé pour la circonstance, et dont les strophes évoquent le programme d'action de la société sert de prélude à chacune de ces séances. Un soir chaque semaine fut consacré à des travaux manuels, cartonnage, encadrements, travail sur bois. Un voisin complaisant mit à notre disposition son établi et ses outils. Nous avons ainsi passé dans « notre » atelier, de belles heures, à manier le rabot et la scie. Afin d'utiliser les loisirs de ces jeunes gens je leur ai proposé de faire des concours. Ce fut un grand succès. Tous présentèrent un travail fait avec soin, et tous furent récompensés par de beaux prix. A la fin de l'hiver une petite exposition réunit les travaux exécutés et attira de nombreux visiteurs. Et cette jeunesse entendit avec fierté les appréciations souvent flatteuses des parents et amis. Il y avait bien de quoi être fiers, puisqu'on admirait leurs « propres oeuvres ». Les messages mensuels ont largement contribué à la réussite de mon entreprise et ils ont eu une réelle influence. Ceux qui avaient momentanément quitte le village reçurent aussi ces messages qu'ils ont appréciés. Toute cette activité trouva son apothéose dans la participation à l'Exposition des travaux de loisirs organisée à Lausanne par Pro Juventute.
Il faut encore, pour être complet, dire qu'il s'est formé un bon esprit d'équipe. Une saine et cordiale camaraderie s'est créée et a régné au cours de toutes nos rencontres. Chacun était prêt à rendre service au voisin. Entre les membres de l'Equipe et moi-même une grande confiance est née et ce n'est pas sans émotion que j'ai recueilli, parfois, leurs confidences.
Mais il est temps de conclure. Cette expérience, quoique modeste, m'a permis de faire les constatations suivantes :
La jeunesse de nos villages désire qu'on s'occupe d'elle.
Elle est capable d'idéal et de dévouement, ne demande qu'à bien faire, mais il lui faut un chef, une volonté qui l'entraîne.
Elle est plus accessible à une culture manuelle qu'à une culture intellectuelle pour laquelle elle n'est pas préparée et qui ne lui plairait pas.
Je ne sais pas ce qu'il adviendra de l'Equipe de la Bonne Volonté, et dans ce domaine comme dans d'autres il est bon de compter avec les vents contraires, mais je sais que je chercherai à développer toujours plus le travail manuel. La plupart de nos jeunes feront avec joie un travail manuel, et il y a là un moyen sûr de retenir à soi les jeunes dont on veut s'occuper. On est beaucoup plus près d'eux spirituellement et moralement en rabotant sur le même établi qu'en discourant, un livre à la main. Par les travaux manuels, la jeunesse se rendra compte de ses possibilités, elle apprendra à faire bien, à faire beau, et tout naturellement ce travail de leurs mains conduira leur esprit et leur cour à faire bien, à faire beau. Envisagés sous cet angle, les travaux manuels deviendront un puissant levier de l'éducation populaire.
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