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Au dernier soir de l'An

Phil. 3 : 13,14.

On raconte qu'il existe un torrent dont l'eau verse l'oubli et une montagne aussi qui vous procure le même bienfait. Pourquoi les légendes et les contes de presque tous les peuples font-ils espérer un don si merveilleux? Ils trahissent cette ardente aspiration que nous connaissons tous: Oublier! Ah! pouvoir oublier ! Heureux celui qui oublie ! Passer l'éponge ! Effacer ! Toutes ces expressions témoignent de ce désir secret.

Nous sommes au dernier soir de l'an. L'auberge de l'Ours tout entière est illuminée : la salle à boire, celle de derrière, la cave et la salle de bal. On entend le bruit des verres. L'aubergiste met des tonneaux en perce, on entend retentir les coups de son marteau et lui-même est couvert de sueur. C'est un homme intelligent qui n'ignore pas les besoins de l'âme humaine. Il sait qu'aujourd'hui ils veulent oublier, ces hommes au dos voûté et aux mains durcies par le travail. Il sait qu'après une année de crise et de tracas comme celle qui finit, il faut boire pour oublier. Le joueur d'accordéon est installé sur l'estrade. Ses doigts effleurent les boutons nacrés de son instrument, il a fermé les yeux, regarde en lui-même et cherche le ton. Il cherche et réfléchit. Et le voilà qui caresse le soufflet de son instrument, comme s'il voulait lui dire: « Aujourd'hui c'est sérieux mon vieux. L'été catastrophique et l'hiver de crise, la grange vide et le prix du lait qui a baissé, la bourse plate et l'estomac creux, le coeur vide aussi… tout cela doit être oublié. »

Nous sommes au dernier soir de l'année. On entend sonner les cloches de Sylvestre. Les fenêtres de l'église, là-haut sur la colline, projettent une faible lueur dans la vallée. Des femmes et des vieillards, ici et là un homme, chaudement emmitouflés, gravissent les escaliers qui mènent au temple. Ils portent le poids de l'année qui s'en va, voilà pourquoi leur démarche est si lasse. Ils aimeraient aussi pouvoir oublier, là-haut. Oublier les sombres jours de pluie, les nuits d'insomnie remplies de soucis ; oublier l'inquiétude qui vous accompagne au champ et l'irritation qui vous suit à la maison. Si on pouvait oublier, ce soir, le dernier de l'année !

Le pasteur parle du poids du passé qui pèse si fort, ce soir, sur tant d'auditeurs. Par-dessus les bancs maigrement remplis, sa voix interroge : N'est-il aucun oubli possible? Et voici que du fond de l'église, comme un écho douloureux, une voix répète: Aucun oubli?

L'année qui s'en va a durci bien des mains, creuse bien des rides et fait blanchir bien des chevelures. Ces traces du passé, rien ne peut les faire disparaître. Ton âme en a aussi sa part. Des souvenirs y sont ensevelis, souvent d'injustices commises ou subies, qu'aucune puissance humaine n'effacera jamais. Des fautes dont tu t'es rendu coupable sont inscrites dans ton âme et elles demeurent là, devant tes yeux, chaque fois que tu regardes en arrière. Elles brillent comme des lettres de feu, d'un feu dévorant que nulle eau ne peut éteindre. Tu as beau te dire: Passez l'éponge ! Une autre main a écrit: Ne pas effacer ! Comme le faisait jadis le maître lorsqu'il voulait qu'un dessin ou un calcul demeurât un certain temps sur la planche noire.

Ainsi s'exprimait le pasteur, et ses auditeurs, douloureusement déçus, le regardaient. Il n'y a donc pas d'oubli, nous devons donc porter à nouveau notre fardeau dans l'année qui vient? Et tu en places d'autres sur nos épaules, au lieu de nous en décharger en face de la route escarpée que nous allons avoir à gravir ?

Mais maintenant le prédicateur poursuit son discours et se met à parler d'un homme qui a eu faim et froid, qui un jour a fait naufrage, qui a été battu de verges, emprisonné; qui a été un persécuteur du Christ, ne respirant que menaces et carnage, et qui, devenu vieux, après une carrière remplie de tourments, le corps et l'âme couverts d'innombrables cicatrices, s'écrie maintenant : « Oubliant ce qui est derrière moi, je cours vers ce qui est devant moi ! »

Ah si l'on pouvait connaître le secret de ce Paul qui est capable d'oublier ! Qui a donné au vieillard couvert de blessures et de cicatrices, de pouvoir ce qui nous est impossible, de pouvoir, ce que aussi haut que remontent nos souvenirs, les peuples n'ont jamais pu : Oublier?

Paul le sait, il existe une montagne de l'oubli. Non pas celle de Vénus, cette montagne de la jouissance avide à laquelle nos ancêtres païens ont cru. Paul connaît une montagne sur laquelle trois croix sont dressées.

Et Paul sait qu'il existe aussi un fleuve de l'oubli. Mais ce n'est pas le Léthé qu'ont imaginé les Grecs païens. Paul connaît le fleuve de la miséricorde divine qui descend de la montagne aux trois croix dans les Vallées et les abîmes de notre existence humaine.
Il ne l'a pas toujours connu. Il fut un temps où il a traîné pendant des années le fardeau de son passé, où lui non plus ne pouvait oublier ses mauvaises, et encore moins ses bonnes actions. Mais alors quelque chose de grand, d'inexprimable est entré dans sa vie. Ce fut comme une mort et une résurrection.

Il sait depuis lors qu'il y a un oubli pour nous les hommes, un oubli qui n'est pas de ce monde, mais dont la source est ailleurs. Un oubli qui ne vient pas de nous, mais qui nous est accordé. Et Paul sait qui, et qui seul, peut nous accorder d'oublier!

Au fond, l'aubergiste de l'Ours le sait aussi. Mais il met des tonneaux en perce et transpire abondamment. Il sait combien, le soir de Sylvestre, cherchent l'oubli ailleurs que là où ils le trouveraient.

Nous sommes au dernier soir de l'année, et nous songeons à l'avenir qui nous attend. Si nous pouvions le connaître! Nous aurons à supporter des peines et nous en causerons aussi. L'avenir ne sera pas meilleur que ne l'a été le passé. Nous sommes à sa porte, comme quelqu'un devant la porte d'une chambre où s'est passé un drame secret, et qui ne se hasarde pas à entrer et à regarder, de peur de ne pouvoir supporter ce spectacle.

Mais Celui qui, connaissant notre passé, rend possible l'impossible oubli, peut aussi à l'avenir accomplir l'impossible. Il est le même, hier, aujourd'hui, et éternellement. Il nous a délivré de la détresse de l'année qui s'achève et du souci de celle qui s'approche. Si nous ignorons tout de l'avenir, nous savons que la montagne aux trois croix et le fleuve de la vie demeurent là, devant nous.

Nous sommes au dernier soir de l'année. Les yeux fixés sur l'Eternel qui vit encore, nous franchissons le seuil, reconnaissants et pleins de confiance, en redisant : Mon âme, bénis l'Eternel, et que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom ! Mon âme, bénis l'Eternel et oublie le passé! Mais n'oublie pas tout le bien que Dieu t'a fait!









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