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Exaucement

Une femme vint un jour chez l'ermite. Voyant le vieillard en prières, et ne voulant pas le déranger, elle resta immobile devant la porte. Lorsqu'il eut terminé et qu'il parut à l'entrée, elle lui dit:

- Mon père, pourquoi pries-tu? Quoi qu'en disent les prêtres, il n'est pas vrai que Dieu exauce les prières des hommes.
- Femme, sais-tu que tu blasphèmes? fut la réponse du solitaire.
- Je sais ce que je dis, je ne blasphème pas, répondit la femme tranquillement. Durant vingt ans, j'ai demandé à Dieu une chose, toujours la même. Je me suis prosternée devant tous les autels à plusieurs lieues à la ronde, j'ai brûlé des cierges, j'ai fait des offrandes à la mère de Dieu. Cette unique prière s'élevait constamment de moi. coeur. Elle était ma première pensée le matin, et ma dernière le soir. Et, cependant, je ne suis pas exaucée. Je sais donc ce que je dis quand j'affirme que Dieu n'exauce pas nos prières.
- Non, tu ne le sais pas, répondit l'ermite. Ta prière n'était peut-être pas conforme à la volonté de Dieu.

Elle secoua la tête.

- Dieu ne voudrait-il pas que des époux s'aiment? demanda-t-elle.

Et elle raconta à l'ermite que, toute jeune fille, elle avait été unie à l'homme qu'elle aimait. Mais, après quelques années déjà, le coeur de son mari s'était détourné d'elle, et tout ce qu'elle avait dit et fait pour regagner son amour l'avait été en vain. Maintenant, ils n'étaient plus jeunes. Ils vivaient bien ensemble, mais un mur invisible les séparait, et il leur était même devenu impossible de sauver les apparences.

- Y a-t-il peine plus grande, dit-elle en terminant, que celle de vivre côte à côte, et année après année, avec celui que l'on aime plus que sa propre vie, mais avec lequel, en réalité, on vit en ennemi?

L'ermite la regarda avec compassion. Il comprenait l'intime chagrin et la grande ferveur de cette âme. Il n'aurait pas pu lui dire, comme le prêtre du village l'avait fait, que sa prière n'était pas assez ardente pour monter jusqu'au ciel. Il voyait aussi que, malgré les années qui avaient passé sur elle, et malgré sa longue souffrance, son amour était resté jeune et fort comme au début. Aussi, contrairement à ce qu'avait fait le prêtre du village voisin, n'essaya-t-il pas de sauver l'honneur de Dieu en lui faisant croire que son amour était de l'idolâtrie, et, comme tel, ne pouvait plaire à Dieu. L'ermite savait que les hommes ne sauraient trop aimer, et que le Dieu d'amour ne saurait condamner l'amour.

- Femme, tu ne sais ce que tu dis, c'est pourquoi Dieu ne te tiendra pas compte de ton blasphème. Mais tu es victime d'une grande erreur. Ta prière est exaucée, depuis très longtemps peut-être; mais tu ne l'as pas réalisé, et tu continues à demander ce que tu as déjà reçu.
- Je ne te comprends pas.
- Il ne suffit pas de savoir prier, continua l'ermite; il faut aussi savoir se rendre compte que notre prière a été exaucée. Va dans ta maison ; ne prie plus, mais accepte ce que Dieu t'a donné.

Il se retira dans sa grotte. Mais dans le regard de la femme brillait un rayon d'espérance. Et ce fut comme portée par des ailes qu'elle redescendit la pente rapide.


Huit jours plus tard, elle se trouvait de nouveau devant la grotte.

- Mon père, dit-elle joyeusement, Dieu exauce les prières des hommes. J'en ai fait l'expérience.

L'ermite approuva du geste. Ce qu'elle venait de dire constituait pour lui la plus absolue des certitudes. Et il semblait savoir d'avance ce qu'elle tenait encore à lui dire. Mais elle insista.

- Mon père, le même soir où je suis rentrée avec tant de hâte, j'ai couru dans la chambre de mon mari qui, pour la première fois depuis vingt ans, s'est levé pour venir à ma rencontre. Pourquoi n'a-t-il jamais eu ce geste auparavant?
- Parce que depuis vingt ans, tu ne lui avais plus jamais montré le même empressement que ce soir-là.
- Et, continua-t-elle, quand j'ai levé sur lui mon regard, j'ai aperçu dans le sien quelque chose de l'éclat de jadis, de celui qui y brillait le jour même où nous avons uni nos deux vies. Dis-moi: pourquoi durant toutes ces années, a-t-il cessé de briller?
- Parce que tu ne t'es plus attendue un seul jour à le voir apparaître, dit l'ermite.
- Et maintenant, nous causons ensemble comme dans les belles années de notre union. Les années qui ont suivi, si longues et si pénibles, nous apparaissent comme un mauvais rêve, et il nous semble qu'aujourd'hui seulement le jour s'est levé pour nous. Mon père, peux-tu m'expliquer comment, malgré toutes mes prières, une pareille malédiction a pu tomber sur nous et nous séparer durant vingt longues années?
- Ne le comprends-tu pas encore, ma fille? répondit l'ermite. Tu as demandé le bien, mais tu as cru au mal, et tu lui as tendu la main. Dieu lui-même ne peut nous sauver en dépit de nous-mêmes, ni nous accorder des biens, si nos mains sont toujours jointes en prière, mais jamais ouvertes pour recevoir ce que nous avons demandé.

La femme demeura longtemps pensive. Elle semblait revivre les années disparues.

- Quelle insensée j'ai été s'écria-t-elle enfin.

Et elle redescendit de nouveau la pente en toute hâte. Elle avait du temps perdu à regagner.









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