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Souvenirs d'une petite écolière

Je pose cet axiome, c'est qu'aucune maman, si tendre soit-elle, ne comprend à fond son enfant, parce qu'elle a perdu cette capacité uniquement enfantine d'être la proie de chagrins ou de joies sans limites, sans coercitif, qui possèdent. l'être entier encore dépourvu du sens des proportions. La maman sait, et elle dit, que ce chagrin passera; l'enfant éprouve au contraire que ce chagrin est éternel parce qu'il remplit tout l'aujourd'hui, et que demain n'existe pas. La maman sourit aimablement d'une joie qui fait bondir, crier et peut-être même pleurer sa petite fille ; qu'il faut peu de chose, pense-t-elle, pour rendre heureuse cette petite Oui, elle se souvient vaguement d'avoir été ainsi ; mais les grandes personnes dominent les situations, tandis que les enfants sont entièrement plongés, noyés, roulés dans la vague, au pied de la falaise d'expérience qu'ils n'escaladeront que plus tard.

J'ai eu, dans ces dix premières années de ma vie, des peurs à mourir - comme on dit, bien qu'on n'en meure pas et des joies incommensurables. Par exemple, pour dix figues reçues à la fois, sans avoir rien fait pour les mériter, tombant du ciel positivement…

Une de mes camarades, qui n'était même pas une amie chère, saisie d'une inspiration miraculeuse, m'avait dit en sortant de l'école : « Viens avec moi chez grand'maman; elle nous donne souvent quelque chose. »

Cette grand'maman tenait une boutique d'épicerie, caverne noire et profonde, pleine d'odeurs extraordinaires qui surexcitaient l'imagination. J'avais entendu maman dire: « La boutique de Mme Dubois n'a l'air de rien, mais c'est une mine d'or… » En tout cas, l'or ne s'y voyait pas ; était-ce son parfum qu'on respirait ?

On prétendait que la vieille dame était avare. Quelle calomnie ! N'ouvrit-elle pas pour nous un tiroir où elle puisa des figues à pleines mains ? Elle en donna une poignée à sa petite - elle, dans un cornet gris ; puis elle se tourna vers moi, qui, je vous le jure, ne m'attendais pas à l'aubaine, et elle me demanda, cette chère bonne vieille, toute sèche et menue et racornie, qui était, paraît-il, terrible aux mauvais payeurs, aux collecteurs, aux mendiants, - elle me demanda : « Aimes-tu aussi les figues ? » et elle en remplit un second cornet…
Je souviens d'avoir couru à la maison, d'avoir grimpé l'escalier dans un état de vraie exaltation, d'avoir crié : « Des figues, maman » puis de les avoir comptées sur la toile cirée de la table. Il y en avait dix ; non pas de ces misérables petites espèces de figues pointues et dures mais de belles figues larges et plates, blondes comme le miel, disques gonflés de succulence. Dix !… A Noël, nous en recevions deux sur notre assiette de friandises…

Je fus un peu folle le reste du jour, et j'allai au moins cinquante fois contempler mes dix figues groupées sur une grande soucoupe de porcelaine blanche, que j'avais posée sur une pile de serviettes, dans une armoire qu'on ouvrait difficilement, parce que la moitié d'un battant se trouvait derrière notre grand poêle, et maman s'en plaignait souvent.

Qu'importe après tout que j'aie été une petite fille pas riche, dans une existence très modeste, puisque mon immense capacité d'émotions heureuses se jetait sur les moindres causes de joie pour les dévorer, s'en repaître et en vivre ? Ce sont des incidents comme celui-là, de valeur nulle en eux-mêmes, mais prodigieux en impressions et vibrations imaginatives, qui ont marqué au fond de ma mémoire une trace ineffaçable.









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