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Le miracle des roses de Noël

Suzette revient de garder ses deux chèvres, la blanche et la noire, et toutes trois courent comme des petites folles en grimpant le sentier qui les ramène au Mas. Le temps est gris mais doux en cette veille de Noël. Et Suzette est folle de joie.

Chaque année, au hameau, on a l'habitude de se réunir dans un des mas pour passer ensemble la veillée de Noël et faire la « rabanelle ». Et cette année, c'est au Mas de Ribot, celui des parents de Suzette, de recevoir. Pour comble de bonheur, en gardant ses chèvres, dans le petit bois, Suzette a découvert quelques pâles fleurs auréolées d'un si joli nom: des roses de Noël! Comme Maman va être heureuse ! Depuis une semaine, elle est dans «ses nettoyages». Elle a lavé à grande eau tous les coins et recoins de la cuisine, les bancs de bois, les barreaux des chaises, astiqué les chaudrons de cuivre et les vieux chandeliers d'étain. Que les petites roses de Noël seront jolies dans le pot de grès au milieu de la grande table, sur la belle toile cirée à carreaux!

Pour arriver à Ribot, Suzette est obligée de passer devant une grande maison assez délabrée. Elle jette vers la fenêtre un regard inquisiteur et aperçoit le visage du grand vieillard qui l'inquiète toujours un peu. Il regarde les chèvres et l'enfant, et pour la première fois, depuis qu'elle le connaît, Suzette devine une douce mélancolie dans l'expression de son voisin.

« C'est sûrement parce que c'est Noël ! » pense Suzette. Elle a remarqué que le jour anniversaire de la naissance de Jésus, il y a dans tous les coeurs, même les plus fermés, un rayon de joie et de paix.

La vieille maison était restée longtemps close. Au mois de juin dernier, un vieux monsieur est venu l'habiter. Les gens du hameau ont essayé d'entrer en relation avec lui, mais il n'est vraiment pas sociable, il répond à peine et son air austère et froid a éloigné toutes les sympathies. On sait qu'il a eu beaucoup de malheurs. Il a perdu sa femme et une fillette, il y a quelques années, et la guerre l'a forcé à quitter la demeure normande où il vivait entouré de ses souvenirs.

Chaque fois que Suzette le rencontre, elle essaie un gentil bonjour, mais son sourire se fige sur ses lèvres devant le regard glacial du vieux monsieur. Suzette a dépassé la maison et tout à coup elle s'arrête; elle entend encore la réflexion de Maman, à midi, en servant la soupe: « ça me fait de la peine de penser que ce soir notre voisin ne sera pas de la veillée. » Mais personne n'avait relevé la réflexion, car personne, pas même grand-père, ne se sent le courage de transmettre une pareille invitation.

Abandonnant les petites chèvres qui trouveront sûrement quelques touffes d'herbe à brouter alentour, Suzette vient de prendre une grande décision; elle rassemble tout son courage et se dirige vers la vieille maison. Elle frappe un petit coup discret à la porte, le vieillard ouvre aussitôt avec surprise. Il n'est sûrement pas habitué aux visites. Et d'une voix bourrue il demande : « Que veux-tu, petite ? »
- « M. David, je suis venue vous dire que c'est ce soir la veillée de Noël ! »
- « Je le sais… C'est tout… »
Suzette, toute tremblante, bredouille :
- « …Oui, c'est tout.., mais… je voulais vous dire que c'est la veillée chez nous, que tous les voisins y viendront, et que… si vous voulez.., vous nous feriez bien plaisir de venir aussi. »

Pendant qu'elle parle, M. David a porté les yeux sur les délicates petites fleurs qui tremblent dans les mains de Suzette et son visage s'est adouci.

- « Où as-tu cueilli ce bouquet? Ce sont les fleurs que ma chère femme aimait tant. La veille de Noël, elle courait tous les fleuristes de notre ville pour avoir une belle botte de ces roses de Noël. »

Suzette comprend que son bouquet éveille de nombreux et chauds souvenirs et, spontanément, elle tend les fleurs au vieillard qui les prend avec un regard brillant de reconnaissance.

- « Merci, petite fille, et merci pour ta gentille invitation, si je ne suis pas importun, je viendrai bien volontiers. »

Suzette retourne vers la maison de ses parents et en entrant dans la grande cuisine où pétille déjà un joli feu de bois, elle ne peut presque plus parler tellement son coeur bat d'émotion et de joie contenue.

- « Maman, M. David sera des nôtres ce soir, je l'ai invité. »

Et Suzette jouit des regards étonnés qui se fixent sur elle. Les grands-parents demandent avec curiosité les détails de l'entrevue. Maman ne dit rien, mais son visage montre qu'elle est heureuse de la démarche de sa timide Suzette.

On dîne vite à la ferme ce soir, il faut que tout soit en ordre quand les invités arriveront. Maman s'active à ranger la vaisselle dans la « patouille». Suzette et Papa mettent en rond les chaises et les fauteuils de paille autour de la grande cheminée, et grand-père souffle avec ardeur le beau feu qui monte droit et clair dans l'âtre.
M. David arrive le premier, il a voulu être là de bonne heure, pour connaître un peu ceux qui l'invitent si gentiment; il ne parle pas beaucoup, mais on voit qu'il est très ému. Voici ceux de la Maisonnette, puis ceux du Mas Lauriol, enfin ceux de la Marcouline, chaque famille arrive avec son panier et sa lanterne que la maîtresse de maison souffle à leur arrivée et range sur l'étagère. Ils sont tous là, vingt-cinq personnes en tout : les grands-parents, les parents et les jeunes trois jeunes filles, deux jeunes gens et des petits enfants.

On ouvre les paniers, les uns ont apporté de magnifiques ronds de saucisse, que l'on grillera pendant la soirée, sur les braises rouges ; d'autres, des bouteilles aux gros bouchons solidement maintenus par du fil de fer. Et tout de suite, les rires et les plaisanteries fusent, les jeunes se taquinent, les enfants s'excitent et les vieux grondent avec indulgence.

- « Alors, et cette « brasucade », on commence?»

Chacun prend un couteau, on fait une entaille dans l'écorce brune des belles châtaignes de Lozère. On remplit deux énormes poêles trouées, puis les vieux arrangent le feu selon tout un rite. On a décidé que les jeunes filles commenceront à surveiller et à faire sauter les châtaignes. Chaque fois qu'elles le font, tous les garçons se précipitent pour voir combien il en est tombé dans la cendre. Elles s'appliquent de tout leur coeur pour en faire tomber le moins possible. On dit, en effet, en Cévennes, que chaque châtaigne tombée représente une année avant de pouvoir se marier. Elise est toute penaude, on l'a fait rire au moment où elle fait sauter les marrons et voilà que la moitié de la poêlée est dans les cendres.

« Ma pauvre Elise, tu vas te marier à quatre-vingts ans Est-ce que tu mettras une robe blanche? »

Les jeunes filles demandent grâce. C'est au tour, des garçons, toujours taquins, qui prétendent qu'elles devraient continuer: elles sont si mignonnes avec les belles couleurs que leur donne le feu. Mais il faut que chacun fasse la petite expérience qui dira dans combien d'années il doit se marier.

Une bonne odeur se répand dans la pièce et les connaisseurs affirment que les châtaignes sont prêtes. Il faut maintenant les couver pour qu'elles soient vraiment savoureuses. Alors, c'est le tour des plus petits. Les châtaignes brûlantes sont mises dans de vieux linges et chaque enfant doit s'asseoir dessus; ce sont de petits cris aigus, des sauts sur les chaises, chacun réclame son droit de couver, mais cède bientôt la place à son voisin. Et maintenant, nous allons « affacher ».

M. David suit avec beaucoup d'intérêt toutes ces opérations inconnues pour lui, mais si pleines de vie et aux noms si colorés : « rabanelle, brasucade, affachés », autant de mots savoureux qui disent bien tout le caractère de ce coin de Vaunage.

Maintenant, tout le monde est réuni autour de la grande table. On fait sauter les bouteilles de mousseux, ce délicieux jus sucré de raisin, jus naturel de ces beaux coins de vigne. On apprécie la carthagène vieille de quinze ans, qui coule comme du rubis dans les verres. Et les projets pour la journée du lendemain circulent autour de la table; on se donne rendez-vous pour le culte, il faudra faire cinq kilomètres à pied, les jeunes s'en réjouissent, mais les vieux pensent avec mélancolie qu'ils ne pourront pas les faire, aussi demandent-ils d'entendre quelques vieux cantiques de Noël, si chers à leur coeur, et leurs vieilles voix tremblantes s'harmonisent aux jeunes voix sûres et fraîches.

Bientôt, la soirée s'achève, on se sépare en emportant chacun une provision de joie, de cette joie chaude et bruyante des plaisanteries et du repas, et aussi de cette douce et paisible joie qui a rempli les coeurs aux chants des cantiques redisant la naissance de l'Enfant de Paix et de Lumière.

Au foyer solitaire, M. David vient de retrouver le petit bouquet des blanches roses de Noël. Les yeux remplis de larmes, le coeur plein de reconnaissance, il se remémore le message entendu à travers le cantique dont, à haute voix, il répète les vers:

Il est un jour où le foyer
Le plus désert et le plus sombre,
Tout à coup semble s'égayer
Et comme rayonner dans l'ombre.
O jour aimable et solennel,
C'est toi, Noël !









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