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L'imagination
L'imagination est une belle et précieuse faculté, mais elle est sujette à des écarts. Souvent elle grossit les objets d'une manière démesurée, elle ôte le calme à l'esprit, elle égare le jugement et, dans certains cas, prive l'homme de sa liberté intérieure. Il importe donc de se prémunir contre les excès auxquels elle peut entraîner.
I.- Pour prévenir les écarts de l'imagination, il est d'abord à souhaiter qu'on n'emploie pas pour la développer, des moyens artificiels ou violents, mais qu'on traite ce développement avec simplicité et naturel. Les forts excitants, comme les romans, les spectacles, une poésie pleine d'exaltation, ont bien plus d'inconvénients que d'avantages.
Des considérations d'un grand poids nous engagent à bannir la plupart des romans de la bibliothèque de l'enfance et de la jeunesse.
Un grand nombre de romans renferment manifestement des semences d'immoralité, et plusieurs sont de nature à favoriser les plus mauvaises passions. Quelques-uns, il est vrai, conservent les couleurs de l'honnêteté et semblent servir la cause de la vertu, mais il est rare que la vertu des romans soit celle qu'inspire le christianisme.
En faisant aimer l'extraordinaire certains romans dégoûtent les enfants d'une vie modeste, tranquille et laborieuse. L'existence, telle qu'elle est, leur paraît monotone, et pour la rendre plus piquante, ils sont tentés de se jeter dans des projets chimériques ou dans des entreprises coupables. Par une conséquence analogue, ceux qui se nourrissent de la peinture d'infortunes si extraordinaires, ne sont plus susceptibles d'être touchés par celles que renferme la vie commune. Ils épuisent toutes leurs larmes en faveur des héros du roman et ils n'en trouvent plus quand il s'agit de compatir aux misères du pauvre qui languit à leur porte.
Enfin les romans ôtent le goût des lectures sérieuses et solides. La vie pratique elle-même devient fatigante, et l'on cherche par tous les moyens à s'y soustraire, pour se réfugier dans le vague et la rêverie.
Les spectacles présentent des inconvénients du même genre. Ils sont en général fort loin d'être irréprochables sous le rapport du ton, des idées et des principes.
Il est d'ailleurs dans la nature des représentations théâtrales d'agir si vivement sur l'imagination, que, l'équilibre de l'homme intérieur doit être ébranlé. La magie des décorations et des costumes, l'éclat des lumières, le charme de de la musique, la déclamation fortement accentuée, les évènements plus ou moins extraordinaires qui font le sujet de la pièce, le jeu des physionomies, les vives sympathies qui se manifestent chez les spectateurs, tout tend à sortir l'âme humaine de son assiette et à l'impressionner trop fortement. L'expérience enfin prouve que l'effet du théâtre sur l'imagination est d'une nature fâcheuse et que sa fréquentation conduit souvent aux plus graves désordres.
Une poésie ardente, remarquable par un luxe d'images ou par une harmonie enivrante, produit les mêmes effets. L'âme se laisse bercer dans cette atmosphère pleine de séductions et elle y perd l'énergie dont elle a besoin pour résister au mal qui la presse.
Il.- Pour conjurer le danger qui résulterait d'un développement désordonné de l'imagination, il faut occuper sérieusement et fortement les autres facultés, la mémoire, la raison et surtout le sentiment religieux et moral, afin d'établir entre les forces intérieures une sorte d'équilibre ou une balance de pouvoirs. L'imagination, comme le microscope, grossit toutes choses; mais vient-on à analyser ? La raison dit: «N'est-ce pas cela ?» Et l'illusion s'évanouit.
Certaines images tendent à exercer une influence séductrice; mais le sentiment moral dévoile bientôt la présence de l'ennemi, et montre sous les fleurs charmantes l'oeil du serpent qui veille.
Si un enfant, entraîné par son imagination, énonce des idées exagérées ou évidemment fausses, demandez-lui de s'en rendre compte et de justifier sa manière de voir. S'il s'est trop avancé, il sera obligé de le reconnaître et il se tiendra sur ses gardes à l'avenir. Souvent un mot dit à propos calme l'imagination vagabonde d'un jeune homme, comme un seau d'eau jeté d'une main sûre, éteint un feu qui commençait et qui pouvait dégénérer en incendie. Toutefois, ne dégoûtez pas par des moqueries ceux qui ont cette faculté un peu vive; c'est une grande richesse qu'une belle imagination, montrez seulement la nécessité de la contenir, de peur qu'elle ne déborde comme un torrent et ne ravage l'existence. Rappelez souvent à la jeunesse que rien n'est beau que le vrai, que des rêves, quelque brillants qu'ils soient, doivent tôt ou tard disparaître devant la réaIité et laisser un sentiment de déception cruelle à tous ceux qui s'y seront follement abandonnés.
Certaines études, comme le calcul, l'analyse des mots et des idées, en général les sciences exactes et toutes celles qui réclament à chaque instant l'application du sens commun, sont particulièrement propres à servir de contre-poids à l'influence d'une imagination trop vive et à entretenir l'équilibre, sans lequel n'y a de santé ni pour le corps ni pour l'esprit. Maintenez donc l'harmonie entre l'imagination et les autres facultés, mais gardez-vous de détruire cette force. Elle existait déjà dans l'homme, à l'époque où Dieu vit que ce qu'il avait fait était bon.
(A suivre).
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