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Le Foyer « La Grande Aventure »

Un monde se détruit, des gens se haïssent, des nations se font la guerre et beaucoup de bonnes personnes hochent la tête en disant : c'est la fin.
La fin d'un monde peut-être, mais heureusement d'autres naissent. Témoin ce petit monde de jeunes filles qui s'est installé récemment à Lausanne. On dit, on affirme même, que les femmes ne s'entendent pas entre elles. Et pourtant elles vivent ensemble, ces 14 jeunes filles, partageant leurs joies, leurs peines, leurs responsabilités, leurs chambres et leurs armoires, ce qui n'est pas la moindre des choses.

Romandes et Suisses allemandes, étudiantes, ouvrières, institutrices, elles l'ont voulue et réalisée, leur communauté, où chacune a sa part de responsabilité à l'égard des autres, prête à donner, prête à recevoir; à donner une partie de son salaire, de son imagination, de ses dons, prête à recevoir aussi de l'aide sous toutes ses formes intellectuelle, financière, spirituelle. L'essentiel n'est donc pas que chacune s'en tire pour elle-même, mais qu'elle soit dans les meilleures conditions pour répondre à sa vocation. Il faut qu'elle réalise ses dons pour les mettre ensuite au service des autres.

Ainsi, il y a quelque temps, on offrait à l'une d'elles une place avec un joli salaire à date fixe. C'est tentant, c'est une sécurité par le temps qui court. Cette jeune fille n'est pas fortunée ; mais en y réfléchissant, elle sent que cette place ne lui permettra pas de donner le meilleur d'elle-même. Une autre voie s'ouvre à elle, plus pauvre matériellement, plus riche spirituellement et intellectuellement, plus utile au pays. Que faire? Seule elle n'aurait guère le choix : faire face chaque semaine au loyer d'une chambre, au montant d'une pension! Là, dans ce petit monde où l'on s'entr'aide, elle pourra répondre à sa vocation, ce qui lui permettra en même temps de rendre à ses camarades, sous une autre forme, ce qu'elles font sur le plan financier.

La communauté, on en parle beaucoup de nos jours. Elle n'est pas toujours facile à réaliser. On a peur de perdre sa liberté et toutes ces jeunes ont un peu tremblé lorsqu'elles ont pris la décision d'entrer dans cette « Grande Aventure » - c'est le nom qu'elles donnent à leur maison.

Comment cela a-t-il commencé? L'une d'elles a risqué le tout pour le tout; d'autres l'ont suivie. Celle qui la première s'est lancée dans la grande aventure avait, dès l'âge de 14 ans, travaillé en fabrique, puis en service domestique; elle sait ce que c'est d'être seule au monde et de lutter. Elle aussi s'est bien souvent demandé s'il vaut la peine de vivre uniquement pour gagner de quoi manger et dormir. Un jour, Dieu s'est révélé. Elle comprit ce qu'est un appel, une vocation: en dépit de sa vie difficile, elle devait aider tous ceux qu'elle pouvait, toutes ces jeunes filles seules qui, comme elle autrefois, vivaient sans comprendre le sens de la vie. Voyant qu'un nombre croissant de jeunes filles venaient à elle, leur amie sentit un jour qu'elle devait courir le risque d'ouvrir une maison et créer ainsi un foyer pour celles qu'elle désirait aider.

Avec les quelques centaines de francs qu'elle avait économisés, elle loua un appartement de sept pièces. Des amis la soutinrent de leur foi, de leurs prières, et, sans qu'elle eut besoin de rien demander, elle reçut lits, tables, chaises, linge, etc., tout ce qu'il fallait pour meubler ce nouvel intérieur. Maintenant une bande de jeunes filles l'anime de sa gaîté et de sa vie.

« Cherchez premièrement le Royaume de Dieu et tout vous sera donné par-dessus». Une fois de plus l'expérience s'est renouvelée et se renouvelle chaque jour. Que de cadeaux! Un jour, c'est une jeune fille qui donne 50 kilos de pommes de terre, salaire de 15 jours de travail à la campagne. Une autre fois, alors qu'il restait 2 fr. dans la bourse pour nourrir cette joyeuse bande, le téléphone sonne : c'est une dame qui offre des légumes de son jardin.

Le but de ces jeunes, c'est de vivre toujours plus une vie pleine, où l'on ose regarder toutes choses en face : le mariage, le célibat, le métier, les joies, les souffrances ; une vie où l'on ne craint pas l'avenir, parce qu'on le construit.









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