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Du mensonge
En vérité la pédagogie idéale ne devrait pas juger, mais comprendre, aider et guérir.
(Allendy).
Dire un mensonge signifie : tenir consciemment un propos contraire à la vérité dans le but de tromper quelqu'un. Si l'un ou l'autre de ces facteurs manque on ne peut plus parler de mensonge; il y a mensonge apparent ou pseudo-mensonge.
Qu'il s'agisse de vrai mensonge ou de pseudo-mensonge, si un enfant trahit la vérité, il est prudent de ne pas le juger en fonction de notre morale d'adulte, faute de quoi nous risquons fort d'aboutir à des conclusions simplistes et à des erreurs éducatives grossières.
Quelques réflexions au sujet de certaines difficultés que rencontrent même des adultes à s'astreindre à la véracité et à l'objectivité nous aideront peut-être à mieux comprendre les enfants qui «mentent ». Avez -
vous jamais écouté les dépositions de quelques témoins en justice? Il vous sera facile alors de reconnaître combien des adultes de toute bonne foi peuvent être victimes de leur imagination et d'une mémoire défectueuse. Et que penser de tous les mensonges que les plus honnêtes gens servent sans scrupule aux enfants? Histoire de méchant homme et de gendarme, fables sur la naissance des bébés - le chou, la cigogne, etc., - sans compter les nombreuses menaces de punition et promesses de récompense pas ou mal tenues.
Avant de gronder ou de punir un enfant qui ment, efforçons-nous de comprendre la cause de son erreur.
Les causes des mensonges d'enfant sont nombreuses et fort diverses. On peut distinguer parmi ces causes trois groupes fondamentaux:
1. L'enfant n'a pas encore une maturité intellectuelle et morale suffisante pour distinguer clairement et sûrement le vrai du faux et surtout il n'est pas capable de comprendre pourquoi il est nécessaire de dire la vérité.
2. L'enfant trahit la vérité plus ou moins consciemment et volontairement. Il est capable de discerner le vrai du faux. Son mensonge peut être une réaction contre une personne ou un milieu avec lequel il se trouve en conflit, ou la conséquence de certaines erreurs éducatives.
3. L'enfant souffre d'un retard mental ou de troubles particuliers qui relèvent davantage de la psychopathologie que de la psychologie courante. Aussi ne ferons-nous qu'effleurer ce troisième point.
1. Les belles recherches entreprises par Stern -psychologue allemand bien connu - et poursuivies par de nombreux auteurs ont bien mis en lumière les réelles difficultés de l'enfant de moins de 7-8 ans à s'astreindre à la véracité.
Pour bien comprendre ces difficultés il est nécessaire de considérer simultanément certaines caractéristiques de la mentalité enfantine et certains comportements de l'adulte à l'égard de l'enfant.
Il tombe sous le sens que l'on n'est pas en droit de parler de mensonge au sujet d'un petit enfant qui en est à ses premiers balbutiements et distingue encore mal le « oui » et le « non ». Mais les premières difficultés de langage étant surmontées, quelles sont les causes susceptibles d'entraîner les petits à altérer la vérité?
L'enfant peut faire de simples confusions qui tiennent à la fragilité de ses souvenirs: Stern cite le cas de sa fillette âgée de 6 ans : «Pour Pâques, Hilde avait reçu comme jouet un lapin que sa mère lui reprit. Elle le lui rendit 24 heures plus tard. Hilde prétendit alors fort et ferme que ce n'était pas du tout son lapin, que le sien était beaucoup plus grand et elle le réclama. Sa mère ne possédait aucun autre lapin et le lui expliqua. On ne réussit pas à convaincre la fillette et elle continua d'affirmer que son lapin était réellement beaucoup plus grand. Cette erreur peut s'expliquer en partie par le fait que les jours précédents Hilde eut souvent l'occasion de voir de grands lapins dans les vitrines des magasins. D'autre part elle avait reçu une année auparavant un lapin deux fois plus grand qu'elle se rappelait encore très bien et qu'elle confondait peut-être avec le nouveau. »
Fréquemment les petits semblent prendre leur désir pour des réalités Jeannette, fillette de 3 ans vient de jouer avec sa tante. Elle s'est donné beaucoup de peine pour gagner au jeu, mais elle a perdu et a même manifesté son désappointement d'une manière très vive. En sortant de la chambre de jeu, elle rencontre sa mère. Elle affirme aussitôt : « J'ai joué avec tante Aline, elle a perdu, moi j'ai gagné !»
Les activités du petit enfant s'extériorisent le plus souvent sous forme de jeu. Ses récits même sont fréquemment des jeux d'imagination. Le récit devient alors un moyen d'exprimer des représentations subjectives, une sorte de rêve éveillé. La fabulation chez un jeune enfant, loin d'être forcément inquiétante peut être un signe d'imagination créatrice.
L'adulte pose parfois des questions maladroites.
Ici il ignore à quel point les jeunes enfants sont suggestibles, là il provoque par son attitude une réaction de défense de la part de l'enfant.
A propos du mensonge par suggestion, Gilbert Robin cite le cas suivant : «Tu es bien sûr, mon chéri, dit une mère à son petit garçon seul avec elle dans une chambre la nuit, tu es bien sûr que personne n'a marché dans le jardin ? Elle répète sa question une seconde fois. Le petit garçon qui n'avait rien entendu affirme désormais que des bruits de pas insolites ont frappé son oreille ».
Cette jolie observation sur un garçon de 3 ans nous montre bien comment un enfant peut être amené à mentir par simple réaction de défense : « Aujourd'hui Bubi nous apporta un morceau de mortier et nous raconta mi-riant, mi-sérieux qu'il l'avait arraché au balcon. Mais surprenant sur nos visages une expression sévère, il se corrigea vite : « Non, non, c'est un petit oiseau qui l'a arraché ! »
Lorsque les parents considérant le mortier arraché, demandèrent amicalement : « Comment s'appelle donc le petit oiseau nuisible qui a fait tout ces dégâts? » L'enfant étudia d'abord longuement l'expression de leur visage et lorsqu'il n'y vit plus aucun signe de colère et de sévérité, il dit : »Oh ! c'était quand même Bubi !»
Une fillette en promenade avec son père donne à celui-ci des réponses inexactes : « Vois-tu cette tour derrière ce grand sapin ? demande le père ? « Oui, répond la fillette». En la questionnant le père s'aperçoit bien vite qu'en réalité elle n'a rien vu du tout et que sa réponse a été dictée par un grand désir de faire plaisir à son père.
(À suivre).
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