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Comment préparer pour les enfants la visite d'un musée d'art?

Vous avez probablement entendu dire que l'on perdait son temps à conduire des enfants dans un musée. Est-ce bien sûr?
Si, sans aucune préparation, vous les promenez à travers de longues galeries de tableaux, il y a en effet quelque chance qu'ils s'y ennuient et vous auriez tort de tenter l'expérience; au contraire, si vous avez une méthode d'initiation vous réussirez au delà de toute espérance.

On ne dit pas tout à trac, un beau soir à des garçons, ni même à des filles: « Demain, je vous conduirai au musée. » Qu'y verriez-vous et que comprendraient vos invités? Votre tentative serait d'avance vouée à l'échec. Vos enfants vous accompagneraient sans courtoisie, en rechignant, ils se courraient après, glisseraient sur les parquets, toucheraient à tout, s'égayeraient et vous réserveraient quelques désagréables petits ennuis.

Pendant les jours, ou les semaines qui précèdent cette sortie, dites plutôt : «J'ai l'intention de vous conduire au musée et de vous montrer quelques beaux tableaux d'un grand peintre hollandais: Rembrandt ». Votre auditoire devient attentif et curieux, surtout que vous vous êtes empressé d'ajouter qu'il a eu une vie dure, mouvementée, passionnante… et que la visite du musée sera courte.

Avant de parler du peintre, vous parlerez de la Hollande, le pays des tulipes, des moulins, des canaux, de la dentelle, des faïences, des fromages. Vous avez sous la main une carte qui donne la situation géographique.
A quelle époque vivait cet artiste? II y a longtemps au XVIIe siècle, comme Corneille, La Fontaine, Richelieu, Louis XIV.

Bien vite on passe aux parents de Rembrandt. On parle de sa mère, si belle, si digne, de son papa souvent costumé par le caprice de son fils; on parle aussi de son frère.

Et comment les connaissons-nous?
- Par les tableaux du peintre.
Le moment semble favorable pour présenter les portraits de ces trois personnages. Venons-en à Henriette, à Saskia, ses deux femmes, et à son fils Titus, qui veillait sur les intérêts de son père avec désintéressement.
Toute l'histoire de la famille avec une demi-douzaine de cartes postales !

Enfin, vous présentez le héros en personne et choisissez le plus splendide d'entre ses soixante portraits, celui où il a 28 ans, où il est coiffé d'un magnifique béret de velours, avec des cheveux bouffants, avec sa petite moustache conquérante et ses beaux yeux si francs et si malicieux.

Vous avez campé les principaux personnages. Continuez de créer l'ambiance en décrivant la maison, l'extérieur et l'intérieur, le mobilier, les costumes, les riches atours, les armures, les verreries, les bibelots hollandais : mais si possible avec des documents de notre temps qui feront la liaison entre ce qui existait alors et ce qui existe aujourd'hui, entre le passé et le présent.

Bien ingrat l'auditeur qui ne vous écouterait pas !
Tout ce qui est humain, vivant, palpitant, sensible, intéresse tellement !
Racontez maintenant la vie du peintre ; choisissez des anecdotes. Rembrandt, l'homme d'un seul livre: La Bible, source éternelle d'inspiration pour les artistes et les poètes, tant elle raconte de belles histoires! Rembrandt, l'homme d'un seul pays: La Hollande, et qui ne fit jamais d'autres voyages qu'entre Leyde et Amsterdam, soit une cinquantaine de kilomètres: Rembrandt, l'homme qui se peignait sans cesse parce qu'il ne trouvait pas de modèle assez complaisant pour poser à sa place; Rembrandt, l'homme d'une telle personnalité et d'un si ferme caractère qu'il refusait de peindre pour les gens qui ne lui plaisaient pas, même quand il se trouvait dans la plus noire misère.

Le métier de Rembrandt est très personnel, ses recherches aussi. Il peint avec des spatules, des couteaux, des pinceaux, aussi bien avec la brosse qu'avec le manche, avec des bouts de chiffon, avec son pouce, avec tout ce qui lui permet de mieux s'exprimer et toujours à la poursuite de l'idéal qu'il cherche sans fin.

Il a voulu aller plus loin que les autres artistes, il a voulu se dépasser. C'est en cela qu'il est un grand artiste et un grand génie.

Il a créé le clair-obscur.

- Qu'est-ce que c'est que ça?

Expliquons-le. Montrons avec des reproductions ces passages somptueux de l'ombre la plus chaude au plus magnifique éclaboussement de clarté, pour «valoriser » l'essentiel, ce que le peintre veut que l'on voie avant tout. Le reste n'est aucunement négligé. Regardez cette lumière ruisselante, si belle, si dense, qui éblouit vos yeux.

Or, ce peintre se sert uniquement de ce qui l'entoure, de ce qu'il regardait de sa fenêtre : ciel nuageux, moulins, bateaux, canaux, paysage, maisons, intérieurs, ouvriers, vieux Juifs, marchands, etc. Tout ce qui existe encore dans ce beau pays.

Tel est le génie, il transfigure tout ce qu'il touche, il l'embellit, lui donne un caractère durable. La beauté, c'est l'art ajouté à la nature.

Soulignons maintenant les peines et les joies de Rembrandt, sa fortune et son infortune, sa grandeur et sa misère, ses faiblesses et sa puissance, le tout dominé par une volonté de fer, quand il exerce son art qu'il perfectionne chaque jour et jusqu'au jour de sa mort.

Voilà le schéma d'une préparation de visite. Comprenez bien qu'on ne rend pas visite à un musée, mais à un artiste, comme on rend visite à un ami intelligent, aimable, cultivé, qui égrène ses souvenirs, raconte ses voyages, montre ses collections, son jardin, ses fruits, ses enfants.









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