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Le rôle éducatif de la musique
« Les gens n'aiment plus la musique » me disait, dernièrement, le directeur d'une de nos meilleures écoles de musique. Quelqu'un d'autre ajoutait : De nos jours, les gens aiment à entendre la musique et non plus à l'écouter, encore moins à en faire eux-mêmes. C'est bien trop difficile! »
A ces remarques, je répondrai par quelques observations personnelles, faites au cours de mon enseignement.
L'agitation et le bruit sont, pour tous ceux qui observent et réfléchissent, le grand mal du temps. La musique, hélas, contribue à ce bruit. Dès le matin, si vous vous avisez d'ouvrir votre fenêtre, deux ou trois radios viennent heurter désagréablement votre tympan. C'est une véritable salade russe de sons plus ou moins déformés, plus ou moins discordants, que les oreilles de nos enfants des villes sont contraintes d'enregistrer chaque jour, depuis l'âge le plus tendre.
Mais est-ce là vraiment de la musique ? N'est-elle pas plutôt caractérisée par cette remarque d'un enfant très jeune « La musique C'est quand les oiseaux chantent. »
L'enfant, plus proche de la nature, non encore déformé par la civilisation, est souvent un enseignement vivant pour nous. Tout ce que celui-ci avait entendu malgré lui, ne l'avait pas frappé, c'était l'habituel, mais il avait su, d'autre part, écouter la nature avec ravissement.
Apprendre à l'enfant à écouter, c'est lui ouvrir le monde des découvertes; c'est apporter à sa jeune vie, de la joie et de l'enthousiasme. De là à reproduire les sons, il n'y a qu'un pas, tout naturel. L'enfant se met à chanter. Il chante pour se tenir compagnie ; il chante comme il court, comme il saute, pour exprimer sa vitalité. N'est-ce pas un appoint important à l'éducation?
L'enfant grandit et il lui faut acquérir, peu à peu, les qualités qui en feront un homme, une femme. Toute mère, tout père, conscient de ses devoirs, en conviendra avec moi. L'école a sa part dans cette oeuvre, c'est vrai, mais on ne sait pas assez combien la musique, particulièrement l'étude d'un instrument, quel qu'il soit, peut développer des qualités essentielles : l'attention, la ténacité, la patience, la persévérance.
Lors d'une visite que je faisais un jour, à la mère d'un de mes élèves, un petit garçon de sept ans, celle-ci, une maîtresse d'école primaire très appréciée, s'écria : « Vous m'avez changé mon petit garçon. Maintenant, il rentre de l'école en chantant, de la joie dans les yeux et se hâte de retrouver son violon.» Cet enfant, au grand regret de sa mère, n'a jamais eu de réelles facilités pour l'étude. Il a subi là bien des échecs, dans lesquels la musique a été son refuge. Il n'est pas non plus parvenu à la virtuosité. Mais qu'importe, ce n'est pas ce qu'il demandait à la musique. C'était un rêveur, un méditatif et un sensible. Devenu homme, et obligé, pour vivre, d'occuper le poste d'un simple employé de bureau, il a trouvé, dans son art, une nourriture à son besoin d'idéal.
« Tout bien, vraiment spirituel, demande un effort de conquête » a dit un penseur. Cet effort ardu, très ardu même, pour lui, l'élève l'a soutenu. Il a senti, intuitivement, tout le bien spirituel qui en résulterait.
Vous me direz « Oui, tout cela est très bien, mais ne peut porter fruit que chez un enfant qui a du goût pour la musique. » C'est vrai. Cependant, si tous les enfants ne manifestent pas du goût pour la musique, une forte majorité y sont sensibles. Quel est celui qui reste insensible aux harmonies rythmées d'une fanfare? Pour ma part, je n'en connais point. Et quel est celui qui n'aime pas chanter? Je n'en connais point non plus.
Certains d'entre eux, ne parviennent pas à chanter juste. Il s'agit là d'une question délicate qui pourrait faire le sujet d'un autre entretien. Ce n'est, d'ailleurs, le plus souvent, qu'une difficulté passagère due à de mauvais exemples ou à des suggestions défaitistes. S'il y a souffrance, chez un enfant, de ne pouvoir chanter comme ses camarades, on peut être certain qu'il s'agit d'un être sensible à la musique.
Abordons, maintenant, la dernière question : « Est-il véritablement si difficile de faire de la musique, c'est-à-dire d'apprendre à jouer d'un instrument ? »
Il y a, bien entendu, instrument et instrument. Certains, (l'accordéon, le fifre, le tambour) étant exclusivement destinés à l'exécution de la musique populaire, nécessitent peu d'années de travail. Il en va tout autrement de l'étude du piano, du violon, du violoncelle. Ceux-ci demandent un effort soutenu. Mais les difficultés ne sont, néanmoins, pas si grandes qu'il faille renoncer à acquérir ce bien précieux qui fait dire à Henri Davenson, ajoutant ses expériences à celles de Plotin : « Mon travail est semblable à celui d'une âme éprise de progrès intérieur qui ne cesse de sculpter sa propre statue, et enlève tout ce qui est superflu, redresse tout ce qui est oblique, nettoie tout ce qui est sale pour le rendre brillant, jusqu'à ce que rayonne l'éclat divin de la perfection
». Et plus loin : « Peu à peu, de toutes ces demi-réussites, une résultante se dégage, un effet d'ensemble, dont je suis, pour finir, comme empli de bonheur.., . Et encore: « On ne mettra donc rien au-dessus de la musique qu'on fait soi-même avec ses mains».
Pour terminer, je puis même affirmer que ce n'est pas difficile de parvenir à ce résultat, pas plus difficile qu'autre chose. Tout dépend de l'attitude que l'on adopte en se plaçant devant l'effort à fournir. La matière n'est rien en soi. Dès lors, il appartient à l'esprit de dominer la matière et cette attitude est beaucoup plus proche de nous qu'on ne le croit généralement.
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