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Toutes les patries
Si j'avais à enseigner l'amour de la patrie à un groupe d'enfants, j'aimerais commencer par leur montrer une mappemonde et faire avec eux, du regard, la connaissance de la terre, qui contient tant de patries diverses. Je tâcherais de leur rendre concrets les noms de ces pays dont ils entendent si souvent parler aujourd'hui, puisque la guerre les met presque tous aux prises, tout autour de notre globe, et j'essayerais d'évoquer brièvement devant eux les existences si différentes des petits enfants de la terre, aux yeux bleus, aux yeux noirs, à la peau blanche, brune ou noire qui, comme eux, s'agitent, jouent ou travaillent, rient ou pleurent dans des contrées aussi variées qu'eux-mêmes et sous des cieux différents.
Je tâcherais de leur rendre sensibles les liens profonds qui unissent tous ces enfants des hommes, à cause de leur commune destinée, qui est de croître, d'aimer, de lutter pour vivre, puis de mourir; je leur dirais aussi qu'ils ne vivent pas au hasard mais groupés en grandes familles qu'on appelle nations
Enfin je leur montrerais sur la carte leur petite patrie, point minuscule au milieu de l'immensité terrestre, mais coin de terre qui leur appartient parce que Dieu les y a fait naître, et dont ils ont la charge.
Aussi, partis de l'ensemble, nous arriverions au cas particulier de notre patrie, et en étudiant de plus près celle-ci, nous ne perdrions jamais de vue que nous sommes une partie d'un tout, et que notre existence est intimement liée à celle de ce tout.
Car, même avec de jeunes enfants, je n'aime pas l'étude unilatérale d'un pays, d'une patrie, qui monte celle-ci comme un joyau unique en épingle de cravate - et l'image d'un collier (le collier des nations!) où chaque pierre précieuse est appelée à briller de son plus bel éclat pour ajouter à la beauté de l'ensemble, me paraît plus juste et plus féconde.
Cette idée n'empêchera pas le sentiment patriotique, au contraire, puisque nous prendrons conscience de la tâche qui nous est dévolue, en tant que nation, à cause des expériences particulières que notre pays a faites au cours des siècles. Et à ce moment se placera tout naturellement l'esquisse de notre histoire, des principes auxquels nous sommes attachés, des convictions qui se sont forgées à travers les épreuves et que des générations d'hommes et de femmes ont vaillamment défendues pour nous les transmettre intactes, afin que nous les transmettions à d'autres à notre tour.
Quittant ensuite les généralités, nous entrerons dans le détail des faits concrets et nous chercherons avec les enfants ce qui caractérise aujourd'hui leur vie et celle de leur pays :
Vie de famille encouragée et facilitée, possibilité pour vous de s'instruire, respect de la personne humaine, liberté de croire en Dieu, liberté civique et possibilité au peuple tout entier de faire entendre sa voix par le vote et les referendums, unité dans la diversité des langues et des races que nous rencontrons à l'intérieur du pays, qui est une expérience spécifiquement suisse, nous aidant à comprendre la mentalité des peuples qui nous entourent.
Tout cela constitue un patrimoine que nous avons à faire valoir, non par orgueil national, mais parce qu'il contient des vérités utiles à toute la terre.
C'est comme un jardin qui produirait des fleurs et des fruits particuliers, à cause de la nature de son sol, et le jardinier aurait raison d'en cultiver le plus abondamment possible afin d'en faire jouir le plus de gens possible.
On m'objectera peut-être qu'il est faux de parler de généralités aux enfants parce que, dit-on, ils ne peuvent comprendre que ce qu'ils voient et peuvent toucher. C'est vrai si l'éducateur ne compte pas avec l'étonnante imagination des enfants. Mais oublie-t-on que l'enfance est l'âge des contes de fée? Je les crois au contraire éminemment capables de se passionner pour quelque chose de beaucoup plus grand qu'eux-mêmes et en dehors de leurs possibilités sensorielles. Et d'ailleurs, l'éducation ne consiste-t-elle pas à entraîner l'enfant pour qu'il se dépasse sans cesse lui-même?
A celui qui veut faire aimer leur patrie aux jeunes dont il a la charge en partant du clocher de leur village, je proposerai donc le chemin inverse, afin que d'emblée soit éveillé chez ces jeunes un amour non exclusif mais tout imprégné du respect des autres patries, un amour qui sera d'autant plus fort qu'ils auront mieux compris ce que le monde est en droit d'attendre de leur patrie et d'eux-mêmes.
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