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L'Arbre qui chante, l'Oiseau qui parle et l'Eau d'or
Un roi de France mourut, laissant trois enfants déjà grands : deux garçons nommés Louis et René, et une fille appelée Marie. Ils vivaient avec la reine, leur mère, malade depuis longtemps. Tous les médecins de la Cour, puis les plus fameux de France et de l'étranger avaient été appelés pour essayer de guérir la reine, mais pas un n'avait réussi à la guérir.
Un jour, cependant, un étranger, passant par là, apprit que la reine se mourait d'une maladie incurable. Il demanda à la voir et lui dit : «Il n'y a qu'un moyen de vous guérir: c'est de vous procurer trois choses merveilleuses que possède un terrible magicien au pays du Vent-de-bise. Elles se nomment l'Arbre qui chante, l'Oiseau qui parle et l'Eau d'or. L'Arbre qui chante est un arbre merveilleux dont les feuilles rendent une musique divine ; l'Oiseau qui parle est un oiseau qui, nuit et jour, raconte toutes sortes de belles histoires; quant à l'Eau d'or, c'est une eau qui a le privilège de guérir toutes les maladies et de faire cesser tous les enchantements. Envoyez à la recherche de l'Arbre, de l'Oiseau et de l'Eau, et vous guérirez dès que vous les aurez en votre pouvoir. Mais je vous avertis qu'il est fort difficile de s'en emparer. »
La reine récompensa magnifiquement l'inconnu qui lui rendait un peu d'espoir, et s'occupa d'envoyer à la recherche des trois choses merveilleuses. Elle fit appeler les plus vaillants chevaliers du royaume; mais tous refusèrent d'entreprendre une pareille aventure.
« Puisqu'il en est ainsi, dit alors Louis, l'aîné des enfants de la reine, j'irai seul à la recherche de l'Arbre, de l'Oiseau et de l'Eau. Dès demain, je partirai. Si dans trois mois, je ne suis pas revenu, c'est qu'il me sera arrivé malheur. »
Le lendemain, monté sur le meilleur des trois chevaux de son père, le prince Louis partit pour le pays du Vent-de-bise. Il s'arrêtait pour la nuit dans les hôtelleries et s'assurait d'être dans le bon chemin.
Au bout de huit jours, il arriva dans une grande plaine déserte: pas d'arbres, pas de maisons, rien, si ce n'est de grands rochers alignés dans le lointain. Et, cependant, tout autour de lui, il entendait des voix qui riaient et qui disaient: « A quoi bon, prince Louis ? Tu ne reviendras pas de ton voyage. A quoi bon? » Impatienté, le prince lança son cheval au galop dans la direction des rochers ; mais les voix le suivaient toujours, cherchant à le décourager et redisant: « A quoi bon? A quoi bon? »
Tout à coup, il entendit derrière lui le galop d'un autre cheval. Il se retourna et aperçut un grand vieillard à barbe blanche.
« Que me voulez-vous, vieillard?
- Oh! peu de chose vous demander où vous allez, au grand galop, par cette plaine déserte.
- Ma mère, la reine de France, est malade, et je vais au pays du Vent-de-bise enlever à un cruel enchanteur trois choses qui doivent lui rendre la santé : l'Arbre qui chante, l'Oiseau qui parle et l'Eau d'or.
- Savez-vous, jeune homme, que votre entreprise est fort périlleuse ? Ces rochers, là-bas, sont des chevaliers qui, comme vous, s'en étaient allés à la recherche des trésors de l'enchanteur, et qu'il a changés en pierres. Vous m'intéressez, et je veux bien vous aider. Retenez ce conseil. Arrivé près des cavaliers de pierres, vous vous entendrez appeler, VOUS ne répondrez pas. On vous frappera, on vous criera des injures : vous ne détournerez même pas la tête. En suivant cette recommandation, vous arriverez sain et sauf auprès des trésors du magicien. »
Le prince Louis remercia le vieillard et reprit sa route. Il ne tarda pas à passer auprès des rochers.
« Prince Louis, prince Louis, où allez-vous ainsi? » disaient des centaines de voix.
Le jeune homme ne leur répondit pas.
« Prince Louis, prince Louis, où allez-vous ainsi ?» reprirent les voix d'un ton menaçant.
Il sentit l'impatience le gagner. Mais il se maîtrisa et ne dit rien encore. Plus loin, il entendit des cris de fureur, des injures ; puis on le frappa, on lui cracha au visage. Alors, se voyant ainsi insulter, il n'y put tenir plus longtemps; il se retourna sur son cheval, une parole de colère à la bouche… A l'instant, il se trouva changé en pierre, de même que sa monture.
Les trois mois s'écoulèrent, et le prince ne revint pas du pays du Vent-de-bise…
Bien que la reine essayât de le retenir, René, le second de ses fils, dit adieu à sa mère et à sa soeur Marie, monta sur le meilleur des deux chevaux restants, et partit à la recherche de Louis et des trois objets merveilleux.
Au bout de quinze jours, il arriva dans la grande plaine déserte, et, comme son frère, il entendit des voix s'élever autour de lui. « A quoi bon ? » disaient-elles; « A quoi bon, prince René? » Mais il passa outre et il trouva le vieillard qui lui recommanda de ne pas se détourner lorsqu'il serait au milieu des rochers. Arrivé là, il supporta d'abord les outrages dont on l'accablait, puis il n'y tint plus, se retourna, et se trouva, lui aussi, changé en pierre.
Au bout de trois mois, Marie voulut partir à son tour. En vain sa mère, à qui restait cette seule enfant, la supplia de n'en rien faire. Marie voulut partir. Elle prit le dernier cheval du feu roi et se dirigea vers le pays du Vent-de-bise. Elle s'arrêtait, la nuit, dans les fermes et couchait dans la grange ou l'étable. Elle mit trois semaines pour arriver à la grande plaine déserte.
« A quoi bon ton voyage, gentille princesse?» lui dirent les mêmes voix qui avaient parlé à ses frères.
Le vieillard la rejoignit et lui recommanda de ne point se retourner, quoi qu'il pût lui arriver. Alors Marie alla résolument vers les rochers. Elle s'entendit insulter par des êtres invisibles, qui même la frappèrent et lui crachèrent au visage. Marie les laissa dire et faire. Certes, elle aurait voulu crier à ses ennemis invisibles : « Quels sont donc ces lâches qui se mettent si nombreux pour frapper une femme?» Mais la pensée de sa mère, qu'il fallait guérir, lui donna la force de tout supporter. Sans une parole, sans un geste, elle poursuivit sa route, et bientôt elle eut dépassé les rochers, et arriva dans un bois. Là, elle ne tarda pas à revoir le vieillard déjà rencontré. Avec un aimable sourire, il lui indiqua où se trouvait l'Arbre qui chante, l'Oiseau qui parle et l'Eau d'or.
« Voici la fontaine à l'Eau d'or remplis-en ta gourde. Lorsque, revenant sur tes pas, tu arriveras auprès des rochers, jette une goutte sur chacun d'eux, et tu verras des choses extraordinaires. Pour l'Oiseau qui parle, enlève-le avec sa cage, qui justement est suspendue à l'Arbre qui chante. Coupe une seule branche de cet arbre, et tu la replanteras dans le jardin de ta mère.»
Marie se hâta de prendre le rameau, la cage et l'Eau d'or. Quand elle fut revenue parmi les rochers, elle jeta une goutte de son eau sur chacun d'eux, et les cavaliers, les seigneurs, les princes que le magicien avait changés en pierres reprirent leur forme première, ainsi que leurs chevaux. Louis et René, bénissant leur jeune soeur, s'empressèrent de la ramener auprès de leur mère.
Grâce à ce qu'elle avait rapporté, la reine ne tarda pas à être guérie. Les histoires du bel Oiseau charmèrent d'abord ses insomnies, les douces mélodies de l'Arbre, qui grandissait à vu d'oeil, la plongèrent ensuite dans un bienfaisant sommeil; enfin, par la vertu de l'Eau d'or, dont elle buvait chaque matin quelques gouttes, elle retrouva bientôt la plus parfaite santé.
Et c'est ainsi que grâce à la petite princesse Marie, la reine de France vécut encore, heureuse, pendant de longues années.
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