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Quelques réflexions sur l'adoption

Combien de gens sont étonnés d'apprendre que l'adoption n'est légalement possible en Suisse que depuis l'entrée en vigueur de notre Code civil en 1912 ! Avant cette date, seuls quelques cantons l'avaient inscrite dans leurs codes respectifs. (Zurich, Thurgovie, Soleure, Tessin et Neuchâtel.) Savoir si cette institution s'est acclimatée dans le canton de Vaud en l'espace d'une génération et si elle est plus riche en bienfaits que féconde en difficultés, telles étaient les questions auxquelles notre enquête devait tenter de répondre. Celle-ci est basée sur des recherches statistiques s'étendant des années 1914 1942. On compte, pour cette période, 516 adoptions légales dans le canton de Vaud, soit en moyenne 19 par an. Nous avons ensuite interviewé plus de 70 adoptants et adoptés ainsi qu'une trentaine de ceux que leur profession avait des chances de mettre en contact avec ces derniers directeurs et directrices d'oeuvres de l'enfance et d'établissements hospitaliers, notaires, avocats, médecins, instituteurs, spécialistes de l'enfance difficile, etc., etc.

Première remarque. - Ceux qui voient l'adoption du dehors en soulignent plus volontiers les difficultés que les joies. On comprend du reste sans peine les craintes et les hésitations de celui qui confie pour toujours un enfant, même à un couple des mieux intentionnés. Sa responsabilité est engagée.
Il tremble à la fois pour l'enfant et pour ses parents adoptifs.
Deuxième remarque. - Les adoptants et les adoptés sont les meilleurs défenseurs de l'adoption. Dans le canton de Vaud, sur les 516 adoptions légales, on ne compte que 6 révocations et, au cours de notre enquête, nous n'avons retenu que deux échecs véritables. Ajoutons que l'adoption légale n'est possible en Suisse que si l'adoptant est âgé de quarante ans, n'a pas de descendants légitimes et a au moins dix-huit ans de plus que l'adopté. Elle doit être permise par l'autorité compétente du domicile de l'adoptant.
Quelles sont les difficultés que rencontrent les parents adoptifs dans leur tâche, les problèmes qui se posent à eux au cours des années, les préoccupations inconnues des autres parents et qui sont les leurs? La question du contact éventuel avec la famille selon le sang de l'enfant est une de celles qui tourmentent le plus ceux qui songent à l'adoption. Dans presque tous les cas dont nous avons eu connaissance, lorsqu'il s'agissait d'enfants recueillis très jeunes par des parents décidés à les adopter légalement un jour, un acte de renonciation signé du père et de la mère de l'enfant avait été exigé (de la mère seulement pour un enfant illégitime). Les parents déclaraient par cet acte consentir à l'adoption de leur enfant. Un couple qui n'avait pu obtenir la signature d'une mère parce que son domicile était inconnu à l'époque, fut victime de « chantage » de la part de celle-ci. Elle réclamait son enfant à grands cris, prétendant qu'elle ne pourrait plus jamais en avoir d'autre. Elle voulait en réalité une forte somme d'argent! Une autre mère dut rendre son fils adoptif au bout de quelques années et nous racontait que « son départ fut pire qu'une mort» ! il est désirable qu'un tiers intervienne entre la famille naturelle et les futurs parents adoptifs afin que la première ignore toujours où est placé l'enfant. C'est ce qu'on appelle l' « adoption incognito » de plus en plus pratiquée de nos jours. Grâce à elle, les parents naturels ne seront pas tentés de venir réclamer l'enfant au moment où celui-ci se met à gagner sa vie et pourrait leur être utile. Mais ne serait-il pas plus sage de prendre plutôt un orphelin de père et de mère en vue d'adoption? Notre enquête nous a amenée à constater que les vrais orphelins sont rares. Ils sont presque toujours recueillis par un de leurs proches. Ce ne sont donc pas eux qui ont le plus besoin d'un foyer mais plutôt ces pauvres petits dont les parents n'étaient guère dignes de les avoir.
La question de l'hérédité préoccupe les parents adoptifs beaucoup moins qu'on ne pourrait le croire. Ils font preuve, dans ce domaine, d'un courage que certains taxeront de témérité. Mais, ayant observé autour d'eux combien souvent les enfants très choyés de milieux spécialement protégés causent de soucis à leurs parents, ils se disent que les lois de l'hérédité sont encore mal connues et qu'il n'y a pas de raisons pour que leur tentative tourne infailliblement à la catastrophe. Ils ont vu, sous leurs yeux, l'enfant placé dans de meilleures conditions d'hygiène et rationnellement nourri, se transformer au point qu'on ne reconnaît plus le chétif petit être qui leur fut confié? Pourquoi n'en serait-il pas de même au point de vue moral? Cependant, certains parents ont regretté de n'avoir pas pris leur enfant plus jeune en vue d'adoption. Quand celui-ci a plus de trois à quatre ans, il a déjà certaines des habitudes de son milieu et les comparaisons le troublent. Un garçonnet disait à sa mère adoptive : « Nous, on n'allait pas au tea-room, mais au café ! »
Plusieurs parents adoptifs ont remarqué que le milieu dans lequel ils vivent est plus sévère qu'eux-mêmes envers l'adopté. « Ce qui est défaut pour un enfant ordinaire devient vice chez celui-ci », me disait une mère adoptive. Une autre maman nous racontait qu'alors que sa toute petite fille s'ébattait dans la neige fraîchement tombée avec une joie exubérante, une voisine avait entrouvert la fenêtre pour dire: « On voit bien d'où elle sort! » Les adoptés ont aussi observé que les mots blessants, les remarques désobligeantes, venaient souvent de parents éloignés ou de connaissances de la famille. Y a-t-il jalousie inconsciente de ceux qui, n'ayant pas eu le courage de tenter eux-mêmes une expérience, ne seraient pas fâchés qu'elle ne fût pas probante? La malveillance est parfois plus profonde : quand elle vient, par exemple, de ceux qui avaient espéré hériter du couple sans enfant. Plusieurs mamans ont mis des années à préparer leur famille avant d'oser y introduire un adopté.
Quand on parle d'adoption, on pense tout d'abord au couple qui souffre de n'avoir pas d'enfant ou au petit être que ce couple va rendre heureux. On risque d'oublier celle pour qui l'adoption est une souffrance: la mère qui doit se séparer de son enfant.
Si, dans bien des cas, il est souhaitable qu'un enfant trouve un foyer plus normal pour s'y développer, il existe aussi des mères qui « portent leur maternité illégitime comme une couronne et non comme un joug » ! Il faut respecter les femmes qui élèvent avec dignité un enfant pour lequel elles ont consenti à des sacrifices de toutes les heures, sacrifices dont celui-ci n'a pas toujours mesuré la portée tant elle les faisaient discrètement et comme pour se faire pardonner l'erreur d'une naissance irrégulière. Il faut aider ces mères à se libérer du sentiment d'une faute dont la responsabilité était partagée et les seconder dans. leur tâche par tous les moyens. Ce ne sont pas les conditions matérielles difficiles et, à la longue, usantes, qui doivent pousser la mère à donner son enfant en adoption. Mais, si l'abandon est manifeste et si les circonstances sont tellement contraires qu'il vaut mieux éloigner l'enfant, alors l'adoption reprend toute sa raison d'être et toute sa grandeur. Car l'adoption est une expérience extraordinaire d'une haute portée morale et spirituelle. La légalité vient y ajouter un élément de sécurité dont plusieurs adoptés soulignent l'importance. «Pourquoi ne pas donner son nom devant la loi à l'enfant qu'on élève, nous écrit une adoptée. Pour son avenir, cela représente tant de choses sûres ! » C'est pourquoi il faudrait pouvoir diminuer les frais d'adoption qui sont trop élevés. La crainte seule des frais ne devrait pas retenir d'adopter légalement !
Dire tout l'amour qui entoure les enfants adoptifs est impossible ! Quand ils parlent d'eux, les yeux des pères et des mères brillent. Un papa est fier de ce que sa « fille ». lui ressemble. « C'est nous qui lui sommes reconnaissants de tout ce qu'il nous a donné! s'écrie une mère. -- Pas un jour, je dirai pas une heure, je n'ai regretté d'avoir pris chez moi cet enfant qui est ma joie !
J'ai dit que les vrais orphelins sont rares. On constate même en Suisse qu'il y a plus de parents qui cherchent à adopter que d'enfants susceptibles de l'être… Un petit réfugié de quatre ans, nous racontait-on, a passé dernièrement tout seul notre frontière et fut recueilli dans une famille charitable. Il demandait avec angoisse au médecin venu le soigner d'une grave pneumonie : « Est-ce que tu vas me rendre ma maman? Elle m'a mis dans le camion et elle est partie sans m'embrasser. Rends-moi ma maman ! Rends-moi ma maman!… Si la Suisse continue à être miraculeusement épargnée par la guerre, se trouvera-t-il, dans notre pays, des femmes qui entendront cet appel ? Recueillir et élever avec tendresse les malheureuses petites victimes de la folie humaine, n'est-ce pas là une des tâches que ses privilèges dicteront à la Suisse ?









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