Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Le sentiment de responsabilité chez l'enfant

Quelques expériences

Les lignes qui suivent sont empruntées à un travail présenté par Mme Renée Reverdin à l'Institut des Sciences de l'Education.

L'auteur commence par raconter comment sa mère, veuve de bonne heure et seule en pays étranger, fit appel à la collaboration de ses deux filles aînées :

« Je ne saurais dire l'émotion qui nous étreignit, ma soeur aînée et moi, lorsqu'elle nous demanda un jour de l'aider, de notre exemple et de nos conseils, à élever nos trois cadets. Nous étions à douze et treize ans l'insouciance même, de petites filles heureuses et choyées ne pensant qu'à jouer, et notre mère nous avait paru jusqu'alors si forte, si toute puissante. Mais, dès cette heure où nous la vîmes, les larmes aux yeux, nous demander notre appui, nous sentîmes se lever en nous une force inconnue de tendresse, de fierté et de volonté consciente. Elle avait fait naître en nous ce fameux sentiment de responsabilité, qui fait appel à notre dignité, notre jugement, à l'amour de notre prochain, et qui repose sur la confiance réciproque et sur le don de soi-même. »

Ensuite l'auteur parle d'une expérience qu'elle fit elle-même au cours d'une de ses premières activités sociales :

«A l'âge de 18 ans, une de nos amies et moi fûmes sollicitées de nous charger, chaque jeudi matin, d'un groupe de jeunes garçons de 8 à 15 ans, que nous devions promener ou occuper à des travaux manuels. Je suppose qu'en acceptant, nous ignorions combien le quartier de la Coulouvrenière était à cette époque mal habité par une population flottante, aux trois quarts étrangère et en tout cas fort subversive. Nous nous aperçumes vite que les enfants y étaient beaucoup plus indisciplinés, grossiers et batailleurs qu'ailleurs. Le pasteur de la paroisse vint nous prêter main forte durant les deux ou trois premières séances, et tout se passa à peu près normalement. Mais, sitôt livrées à nos propres forces, nous dûmes reconnaître que nous étions parfaitement incapables de faire régner l'ordre : les outils volaient à travers la pièce, les vilains mots aussi, les querelles éclataient à tout moment et le travail était impossible dans ces conditions.

Nous dûmes aussi renoncer à promener nos pupilles, crainte d'accidents, puisque nous ne pouvions nous en faire obéir. Il fallut sévir, à notre grand regret, et éliminer les plus mauvais éléments de notre groupe afin de pouvoir garder les autres. Leur congé fut signifié à trois des plus mauvaises têtes.

Mais, le jeudi suivant, nous trouvâmes notre local déjà occupé par nos meneurs congédiés et bien décidés à nous faire la vie plus dure que précédemment encore. Inutile de songer à sortir nous-mêmes ces grands garçons plus forts que nous de beaucoup. Bientôt le désordre atteignit à son paroxysme et il ne nous restait plus d'autre ressource que de reconnaître notre échec et d'aller quérir main forte lorsque ma camarade s'écria, exaspérée : « Il est inutile que nous continuions. C'est un homme ou même deux qu'il faudrait ici ! »

Ce mot «homme » fut une illumination pour moi. Avisant un jeune Bulgare de quatorze ans, particulièrement précoce et malfaisant, qui menait à ce moment une danse du scalp autour de nous: «Alexandre » criai-je, arrête, viens nous aider! Il nous faut un lieutenant, tu le vois! »

Je n'oublierai jamais la surprise de son visage, l'air de doute dont il s'approcha de nous, ni la satisfaction dont il rayonna lorsqu'il s'aperçut que nous lui confiions réellement cette mission importante : nous aider à faire régner l'ordre. En un instant, notre gaillard eut remis chaque indiscipliné à sa place, un peu rudement, il est vrai! Dès lors il se fit le défenseur assidu de la loi, se pliant le premier avec une condescendance voulue et amusante à toute règle, ne tolérant aucune infraction, et donnant l'exemple du travail.
Grâce à lui, durant deux ans, nous n'eûmes qu'à enseigner et surveiller. »

L'auteur étend plus tard ses expériences à son personnel domestique :

Lorsqu'une fois mariée, j'eus à employer du personnel féminin, je constatai vite que les jeunes filles auxquelles je laissais de l'initiative dans l'exécution de leur besogne, auxquelles je confiais des tâches parfois un peu difficiles ou délicates, à qui je témoignais de la confiance, travaillaient mieux et plus volontiers que celles dont il n'était demandé qu'une obéissance passive.

J'ai toujours essayé de garder des mauvaises influences et des tentations les jeunes filles que j'emmenais à l'étranger, plus par un constant appel à leur dignité, à leurs intérêts et aux conséquences de leurs actes que par des interdictions ou par des remontrances. Je n'ai pas toujours réussi, il faut l'avouer, et elles m'ont parfois causé bien des soucis et bien des déceptions. Mais cela m'a appris que le sentiment de responsabilité doit prendre racine dans l'enfance, grandir et se développer durant l'adolescence pour pouvoir devenir une force réelle chez l'adulte.»

Plus loin, nous voyons combien il est important de confier des responsabilités à des jeunes :

« Voici quelques mois, la cheftaine d'une fillette de douze ans me prévint que cette dernière était, quoique bonne et enthousiaste éclaireuse, trop portée a manquer de sérieux, à faire le « pitre » dans les séances, et à faire rire ses camarades.
J'interrogeai la coupable qui convint de ses torts, mais j'eus vite fait de découvrir la cause de cette attitude un peu trop légère, qui m' étonnait quelque peu. « Tu comprends, me dit l'enfant, je suis la plus jeune de ma patrouille, la plus petite aussi; alors on ne me donne jamais rien d'intéressant, ni de difficile à faire toute seule ; c'est toujours pour les grandes. Alors il me reste beaucoup de temps pour rire et pour faire rire les autres et cela dérange parfois notre cheftaine. »
En effet, je rendis la jeune cheftaine attentive au fait que l'absence de responsabilité chez cette très jeune éclaireuse était une occasion de désintérêt. Elle prit soin de lui confier des besognes difficiles et des responsabilités personnelles, et tout rentra dans l'ordre. »

Enfin l'auteur termine en relatant l'admirable travail accompli au Maroc par le Maréchal Lyautey, dont le principal mérite fut de savoir faire appel à la confiance et à la responsabilité de ses collaborateurs :

« Sitôt une tribu conquise, mais non encore soumise, le Maréchal Lyautey faisait appeler son chef vaincu et lui remettait personnellement ses armes. Puis il le recevait avec les honneurs dus à son rang et lui confiait, dans cet entretien de chef à chef, le soin de veiller à l'honneur de la France en maintenant l'ordre chez lui, dans sa région, où il lui laissait toute liberté de rendre la justice suivant les coutumes de son pays.
Il fut bien rarement trompé, paraît-il, et durant cette longue et atroce guerre actuelle, la fidélité marocaine a été, non seulement exemplaire, mais encore touchante.
Les collaborateurs français du Maréchal Lyautey furent nombreux et choisis suivant le même principe : à chaque homme qu'il reconnaissait capable, et il se trompait rarement, il remettait une tâche avec les moyens de l'accomplir : « Je ne veux pas vous surveiller, disait-il à l'intéressé ; cela me répugnerait. Ma confiance vous suffira, je pense.»
En effet, peu d'hommes ont été aussi bien servis et aussi aimés que lui. Actuellement encore, un marché entre indigène et européen se fait rarement par écrit. « Parole de Maréchal, cela suffit! » dit l'Arabe à l'Européen ébahi, s'il est fraîchement débarqué au pays. Ordinairement cela suffit, en effet. Et pourtant le grand enfant qu'est l'indigène marocain fait, dans la vie courante, peu de différence entre la propriété de son voisin et la sienne. Mais un pacte au nom du Maréchal est sacré! Il est synonyme de confiance réciproque et de responsabilité partagée. »









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève