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Adaptation conjugale
L'amour conjugal nous enjoint de porter notre bien-aimé comme une partie de nous-même, avec ses qualités, ses défauts, ses faiblesses. CHRISTIAN.
Deux enfants devant une machine à engrenage: « Crois-tu qu'il est calé le type qui a fait cela? Il a arrangé que cette roue ait un creux là où l'autre a une dent. - Oui, alors, tu vois, elle s'embrassent tout le temps. »
N'est-ce pas là le secret de toute vie conjugale heureuse? Réussir à présenter toujours une dent là où se trouve un creux. Si deux dents se rencontrent, gare à l'accrochage! Si deux creux s'opposent, il manquera certainement quelque chose au foyer.
Pour que cet engrenage, qu'est l'adaptation conjugale, fonctionne bien, il faut tout d'abord bien se connaître soi-même et cela n'est pas facile. La vie nous modifie continuellement et exige une perpétuelle étude de nous-mêmes. Ne sommes-nous pas différentes avant et après le mariage?
La présence d'un frère dans la famille rend la connaissance de l'autre sexe plus facile. Celle-ci est nécessaire pour aller avec son compagnon à la découverte de ce monde nouveau, la vie en commun, découverte, a-t-on dit, la plus importante qu'un être puisse faire (1).
Et c'est vrai! Le mari s'aperçoit bien vite que sa compagne est très différente de lui. La femme aime à être comprise, elle est intuitive; l'homme l'est beaucoup moins, il faut tout lui dire. La femme est plus sensible; elle donnera une importance très grande à des choses qui frappent à peine son compagnon. Absorbé par son travail professionnel, l'homme accorde à sa vie conjugale une autre valeur que celle que lui donne la femme. Pour celle-ci le foyer est le centre de la vie, l'amour, ce qui la possède tout entière.
Bien souvent, nous trouvons dans la littérature de ces phrases qui, en quelques mots, soulignent la différence des êtres. Depuis la spirituelle duchesse de Boigne « les hommes ne comprennent rien si on ne leur dit pas tout » jusqu'à Roger Martin du Gard « les femmes sont autres » ou à ce romancier français disant à son fils tout déchiré par un chagrin d'amour « Vois-tu, mon petit, les femmes ont besoin de mots de tendresse, il ne leur suffit pas que nous pourvoyions largement à leur existence », bien des auteurs ont dépeint la différence fondamentale des sexes.
A ces divergences essentielles, il faut ajouter celles provenant d'éducations différentes ; chacun a ses traditions de famille, ses goûts particuliers, ses habitudes. Il s'agit, dans les premières années de mariage, de s'adapter l'un à l'autre, de créer un nouveau foyer. Que de compréhension et de concessions mutuelles sont alors nécessaires ! Cela n'est possible qu'à l'aide d'un grand amour, non pas « celui que chantent les poètes, celui-ci ne dure généralement pas toute la vie, mais l'amour dont on vit tous les jours., celui-là ne passe pas. Il consiste dans le don et l'oubli de soi-même. Amour plus paisible qui ne se paye pas de grands mots, mais qui accepte le sacrifice de ses aises, de ses goûts, de certaines habitudes ». (2)
L'idéal est de former un nouvel être et non pas la somme des deux êtres conjoints. Cet idéal n'est pas atteint en vivant côte à côte ou à côté l'un de l'autre en se supportant avec des soupirs, mais c'est par des coups de lime successifs ou par des rembourrages savants que l'on modifiera la place des creux et des dents pour qu'ils s'engrènent au lieu de s'opposer.
S'adapter suppose que nous admettons que l'autre peut aussi avoir raison et que nous ne craignons pas de le reconnaître. Cela fait penser à ces belles-mères qui, parlant de leurs belles-filles, disaient: « Elles ont une autre recette que nous pour faire de la confiture d'oranges. Et chose curieuse, elles la tiennent aussi de leur mère comme nous. Et chose plus curieuse encore, leur confiture est aussi bonne que la nôtre! »
S'adapter suppose que l'autre peut aussi être fatigué et même plus fatigué que nous, et en même temps; que l'autre peut avoir des désirs ou des besoins autres que les nôtres et qu'il faut s'efforcer de les prévenir et de les comprendre. A la femme est demandée une adaptation toute particulière à la profession de son mari. Quel dévouement, quelle abnégation de soi-même sont exigés pour être bonne épouse de pasteur, de médecin, de cultivateur, de commis-voyageur et de tant d'autres!
Nous n'oublions pas la place qu'occupe le sentiment religieux dans l'harmonie du nouveau foyer. Un très grand amour, une compréhension et un tact constamment. en éveil sont nécessaires aux conjoints de religions différentes.
Les vaines discussions, les allusions répétées provoqueront des heurts, des blessures secrètes qui finiront par atteindre les parties les plus intimes de notre vie intérieure, de notre vie spirituelle.
Mais cet ajustement ne se fait pas en un jour. Il est le résultat de longs, de patients efforts, de recherches aimantes, de volonté de supposer toujours de bons mobiles aux actes même insignifiants. Il exige de l'exercice; il demande de savoir partager, mettre en commun ses intérêts, ses joies, ses plaisirs, ses lectures comme aussi ses peines, ses préoccupations, ses souffrances.
D'effort en effort, on se comprend mieux, on devine mieux les impressions de l'autre, on se trompe moins souvent. A force d'avoir trébuché ensemble, on sait mieux marcher, on est plus fort pour supporter les cahots du chemin. On peut redire alors la vieille parole :
« Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante dont l'éclat va croissant jusqu'au milieu du jour.»
(1) Kierkegaard.
(2) Pasteur P. Julliard.
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