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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable. Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOURLes innocents Un petit garçon français, hébergé à Genève, se promenait l'autre jour avec la darne qui s'occupe de lui. Soudain, désignant une rangée d'arbres, il s'écria: - Tiens, ces arbres, c'est comme ceux, chez nous, où on avait pendu des femmes. Toutes nues. Et puis on les a tuées. Je sais bien, je l'ai vu. Depuis cinq ans, des crimes d'une horreur inoubliable ont été perpétrés contre les hommes. Mais que dire des crimes contre les enfants? Des souffrances infligées à leurs corps et, pire encore, des attentats commis contre leurs âmes? Médecins et pédagogues répètent avec raison que les impressions du jeune âge sont ineffaçables. Demeurées présentes à l'esprit ou enfouies dans l'inconscient, elles commandent la formation du caractère, elles influenceront plus tard la destinée de l'adulte. Tels troubles physiologiques ou moraux n'ont pas d'autre origine. Et c'est pourquoi il est nécessaire d'épargner à l'enfant tout choc mental, de le préserver de la peur, de le persuader qu'on l'aime, de l'habituer à l'ordre et au calme. Ainsi seulement sa personnalité, instable et fragile encore, pourra se fixer, trouver son équilibre et peut-être son bonheur. Or, d'innombrables petits garçons et petites filles ont été arrachés aux conditions normales de l'existence, privés de leurs parents, rendus spectateurs de sanglantes ignominies. Au lieu d'être élevés dans le respect du bien et de la décence, dans la confiance en autrui, le monde leur est apparu comme le lieu de la férocité humaine, sinistrement paré aux couleurs du malheur et de la mort. Que deviendront-ils en grandissant, ces pauvres petits? Pourront-ils, je ne dis pas effacer mais surmonter de pareils souvenirs? Lutter contre les germes déposés en eux à leur insu, germes de violence, de cynisme de haine, lutter contre des obsessions morbides, de noires mélancolies, des défaillances nerveuses? La guerre, longtemps après qu'elle sera terminée, perpétuera ses conséquences dans leur être, à la manière d'une bombe à retardement. A côté de la réorganisation politique, sociale, économique du monde, il faudra envisager une entreprise immense d'apaisement et de consolation des enfants. Il y va de l'avenir de notre race. Sinon, combien d'entre eux sont promis à la révolte, à la névrose, au crime? C'est une chance insigne pour notre pays qu'il puisse aider à cette indispensable rééducation. On a justement célébré l'autre jour le vingt-cinquième anniversaire de l'Union de secours aux enfants, dont le rôle est si bienfaisant. L'oeuvre que poursuit la Croix-Rouge suisse-Secours aux enfants est également admirable. Et n'oublions pas les innombrables ménages, citadins ou campagnards, qui ont reçu à leur foyer et mêlé à leurs propres enfants tant de petits réfugiés. Mais personne ne pense qu'on en a assez fait. Puissent de nouveaux convois arriver bientôt en Suisse, partis de France, de Hollande, de Belgique, d'ailleurs encore. On les attend, ces enfants aux figures pâles et inquiètes, pour les vêtir et les nourrir, d'abord, puis pour les entourer de sollicitude, pour dissiper leurs cauchemars, pour les réconcilier, à force d'amour, avec la vie, avec eux-mêmes et les autres. Et afin que, plus tard, ils nous pardonnent. Parfois le regard d'une de ces innocentes victimes semble chargé d'une question douloureuse, d'un obscur et silencieux reproche qui perce le coeur. Car l'homme d'aujourd'hui a trahi l'enfant. On croit alors entendre l'antique parole qui a retenti aux origines de l'humanité, qui s'est répétée le long des âges pour éclater maintenant avec plus, d'insistance que jamais : «Caïn, qu'as-tu fait de ton frère? » |
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