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Belle journée!
« Belle journée ! Tous les oiseaux sont partis !
.
Telle est la phrase qui chante dans le coeur de cette maman lorsqu'elle s'approche, le matin, des lits défaits qui l'attendent. Il y en a trois, quatre ou cinq, que sais-je ? Ils sont en désordre, mais ils parlent de sommeil réparateur. Ils évoquent aussi les nonchalances du lever quotidien, les membres engourdis les yeux clignotants, le clair-obscur des gestes machinalement répétés. O désordre, vivant désordre ! Ici, sur un oreiller, des bas en accordéon; là, sur cette chaise, un pyjama rose qui semble se morfondre comme un nid tombé de l'arbre; ailleurs, des bretelles, une cravate, un mouchoir, pêle-mêle dans le fouillis des draps.
Mais une lumière va surgir au milieu du chaos. Reine de la maison déserte, reine paisible et souriante, maman pénètre dans la chambre et se dit à elle-même: « Belle journée? Tous mes oiseaux sont partis
Tous en bonne santé, tous au chantier de la vie
»
O désordre, vivant désordre ! O puissance de l'amour, qui transfigure toutes choses avant de les transformer!
***
A la même heure, peut-être dans l'appartement voisin, une autre mère devant les lits défaits tient un autre langage : « Toujours la même histoire, quelle corvée ! » Pantoufles traînantes, elle se met mollement à sa tâche, la tête encombrée de ses désirs insatisfaits, des reproches qu'elle adressera bientôt à son mari, de toutes les flèches amères dont elle corsera la conversation, cet après-midi, lorsque son amie viendra la voir.
Et dire que ces deux femmes sont exactement dans les mêmes conditions! Pas de chômage, ni chez l'une, ni chez l'autre; pas de maladie - mais l'une aime, l'autre n'aime pas; l'une rayonne, l'autre grogne ; l'une sait jouir de ce qu'elle a, l'autre ne sait que gémir sur ce qu'elle n'a pas.
Apprendre à compter ses privilèges, voilà bien la sagesse et la source d'un bonheur utile. Que si cependant il faut souffrir, et il le faut, souffrons aussi d'une souffrance utile : souffrons de ce que nous sommes; souffrons de la détresse d'autrui, de ces lits de misère et de ces champs de mort, hélas sur qui la lumière ne s'étend, le matin, que pour en révéler toute l'horreur.
Trêve à nos murmures! Ils sont une offense à la vraie douleur, à celle de nos frères comme à celle de Dieu.
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