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Au seuil de l'adolescence

Il est, au seuil de l'adolescence, une époque difficile pour les parents et les enfants : celle de la puberté. Pendant les années qui la précèdent, l'enfant trouve une sorte d'équilibre. Du petit être égocentrique qu'il était avant cinq ou six ans est sorti un enfant qui examine tout ce qui l'entoure, qui commence à s'intéresser à la vie sociale et à y prendre part dans la mesure de ses forces. Son caractère est de plus en plus harmonieux, ses qualités apparaissent. Les parents ont l'impression : «Notre enfant est bien éduqué, nous avons gagné la partie. » A cette époque, la santé de l'enfant est généralement bonne, sa vigueur physique s'affirme.
Puis, vers onze ou douze ans pour les filles, un peu plus tard pour les garçons, le tableau change. L'enfant devient instable, aussi bien du point de vue physique que de celui de son caractère. Parfois capable d'un effort, il est plus souvent vite fatigué, pâle et nerveux. Les parents s'inquiètent. Son caractère aussi se transforme : sa propre personne tend à reprendre une importance exagérée. Chacun doit s'occuper de lui, il cherche à attirer l'attention, soit par des pitreries, soit par des sottises. Par moment il est insupportable d'arrogance et de fatuité pour redevenir, quelques heures plus tard, un bébé aux exigences ridicules. Bref, on ne peut pas compter sur ses réactions, on ne sait plus par quel bout le prendre.

Cette attitude est très explicable. Au point de vue physique, il se fait en lui de grands changements: les glandes sexuelles, chez le garçon comme chez la fille, se préparent à devenir actives, et cette transformation ne va pas sans perturber pendant quelque temps l'équilibre de l'enfant. C'est l'origine d'une attitude fatiguée, souvent taxée par les parents d'attitude paresseuse. Il est nécessaire, pendant cette période, de suivre attentivement l'enfant, de le fortifier, de lui procurer des moments de repos ou de lui permettre de se délasser au moyen de jeux en plein air, qui sont excellents pour lui. Il doit éviter les veilles et se coucher de bonne heure très régulièrement, ce qui est parfois une dure épreuve. Ne commence-t-il pas à se croire un « grand ».

Cela est vrai, par moment il est un «grand», mais par moment seulement, et voilà l'une des causes de beaucoup de ses difficultés. L'époque de la puberté est comme une passerelle qui relierait l'enfance à l'adolescence. L'enfant est sur ce pont et, de temps en temps, passe d'un côté ou de l'autre de la rivière. Il sent en lui de nouvelles possibilités, des aspirations et des désirs imprévus. Sa sexualité naissante l'inquiète, et en même temps lui donne un sentiment de plénitude. Il devine de grandes joies possibles, mais pressent aussi des devoirs inconnus, des responsabilités qui, peut-être, seront lourdes. Leurs aînés n'ont-ils pas souvent de gros soucis? Leurs parents peuvent-ils encore se délasser? Ne sont-ils pas fréquemment écrasés par les difficultés de la vie ? Vaut-il vraiment la peine de devenir adulte ? La vie d'enfant insouciante, sans responsabilité, toute faite de jeux et de douceur, était bien belle. Pourra-t-il encore se réfugier auprès de sa mère et trouver auprès d'elle le remède à toutes ses misères, la solution de ses problèmes? Son père se chargera-t-il encore de son fardeau s'il est trop lourd? L'enfant se pose toutes ces questions inconsciemment et il sent très bien que, pour devenir adulte, c'est-à-dire indépendant et autonome, il doit sacrifier beaucoup d'habitudes très chères de son enfance.

Cela est dur et ne va pas sans retours en arrière, d'où ses sautes d'humeur et l'instabilité de son attitude. Il essaie de passer le pont, mais il n'a pas la force de rester longtemps dans les vastes terres de l'adulte et, par moment, il se réfugie de nouveau dans le doux enclos de son enfance.

La vie sexuelle qui s'éveille en lui l'inquiète aussi.
Il ne comprend souvent pas ce qui se passe en lui à ce moment. Parfois mal renseigné par des camarades, il est plein de crainte ou de désirs prématurés.
La tentation de la masturbation devient très forte. Voilà pourquoi l'enfant commence à se préoccuper essentiellement de lui-même et a souvent tendance à régresser au point de vue social.
Les parents, par une attitude appropriée, peuvent être d'une grande aide pendant cette période difficile. Ils doivent avant tout s'armer de patience et de fermeté. Ils montreront à l'enfant de la compréhension. Ils lui expliqueront que le but de leurs exigences et de leur désir de discipline est de l'aider à surmonter ses difficultés. Ils l'éclaireront calmement sur les transformations physiques et psychiques qui se passent en lui. Ils doivent lui parler de la question sexuelle plus en détail et avec plus de précisions qu'ils ne l'auront fait, vers quatre ou cinq ans, lors des premières initiations, et cela si possible avant le début de la transformation pubertaire. Qu'ils le fassent tranquillement, sans fausse pudeur ni gêne. Les enfants ont une telle reconnaissance aux parents qui leur ont toujours parlé eux-mêmes de l'existence questions. La fillette doit savoir à l'avance l’existence et le rôle de la menstruation et le garçon celui du liquide séminal. Si non, à l'apparition des premières règles ou des premières pollutions nocturnes, l'enfant peut se croire malade.

Si les parents ont habitué graduellement leurs enfants à vivre indépendants et autonomes, s'ils s'efforcent de ne pas les traiter trop longtemps en bébé qu'on surveille et qu'on lave, si, de tout temps, ils leur ont donné des responsabilités compatibles avec leur âge, ceux-ci regarderont tranquillement et paisiblement l'avenir et ses difficultés.

Quelle aide et quel encouragement apportent les mamans qui se réjouissent de voir leurs enfants grandir et le leur expriment avec tendresse, au lieu de dire « Comme je regrette le temps où mes enfants étaient tout petits », ou bien « Si seulement je pouvais toujours les garder comme ils sont maintenant».

Les pères aussi sont bienfaisants quand ils réussissent à poser les soucis de leur vie professionnelle pour s'intéresser et intéresser leurs enfants à toutes sortes de questions sociales, scientifiques, artistiques, si simplement que ce soit.
De cette façon, l'enfant se rend compte que les joies que l'avenir lui réserve, l'intérêt de sa vie future priment les quelques sacrifices qu'il fait. Il est rassuré. Ses parents l'aimeront encore, différemment, mais tout aussi profondément. Ils continueront à l'entourer peut-être de plus loin, mais avec tout autant de sollicitude et c'est avec toujours plus de sérénité et de confiance en l'avenir que, délibérément, l'enfant traversera définitivement la passerelle de l'époque de la puberté.









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