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Châtiments corporels Réflexions d'un maître

Quand m'arrive-t-il d'avoir recours aux châtiments corporels? - Lorsque j'ai fait sans résultats plusieurs observations ; quand les autres punitions n'ont plus d'effet. - Pourquoi est-ce que je corrige un enfant? Parce que je suis au bout de mes moyens; j'obtiens l'obéissance par la force, par la contrainte physique. La correction corporelle correspond donc à une déficience ! Mais toutes les punitions trahissent quelque déficience, témoignent de l'indigence de mes capacités d'éducateur !…

Ce n'est pas du dehors et par des moyens artificiels qu'on insuffle la discipline à un enfant… L'élève qui a reçu une correction s'améliorera sans doute, dans le cas le plus favorable, pour ne pas renouveler connaissance avec la férule. Mais dès qu'il aura heureusement échappé au rayon d'action de son éducateur, il retombera pour le moins dans son ancienne faute - je dis pour le moins: car l'attitude vindicative qu'il a adoptée, la rébellion où il se complaît feront facilement de lui un indiscipliné de la pire espèce - ou peut-être une âme rampante et sournoise.

Quels fruits portent les châtiments corporels, c'est ce qui résulte des confidences contenues dans les compositions d'élèves suivantes. J'ai invité les élèves à me décrire leurs impressions, lorsqu'il leur était arrivé d'être battus. « Vous pouvez être sincères, ajoutai-je. Je ne trahirai personne ! » La composition ne fut pas autrement préparée.

Voici quelques exemples pris parmi une cinquantaine d'autres :

1. On ne me bat que quand je fais quelque grosse bêtise. Alors je sens venir ça. J'en ai chaud. Je n'ai rien envie de faire. Quand le père rentre, je le regarde méchamment et au fond de moi-même je le maudis.
Le père gronde et s'emporte. Au bout d'un certain temps, il m'empoigne et me donne une râclée. Je crie aussi fort que je puis. Quand je crie trop fort il s'arrête. Les cris lui donnent sur les nerfs. Mais après je ne l'aime plus. (Garçon de 11 ans.)

2. Pendant un certain temps je cassais presque tous les jours de la vaisselle. Papa dit «La prochaine fois, tu seras battue. » Le lendemain, en faisant la vaisselle, je cassai un pot à lait. La peur me prit, je ramassai vivement les morceaux et les jetai. Mon père arriva, son ceinturon à la main. De peur je laissai échapper une tasse qui se cassa aussi. Il me prit et je reçus une fameuse correction. Quand ensuite il sortit je lui montrai le poing et je rageais, rageais… (Fille de 11 ans.)

3. Je suis battu presque tous les jours. J'ai une belle-mère qui s'en charge. Elles sont toutes méchantes. Je suis sûr de mon affaire, si par exemple je joue avec ses enfants. Son petit garçon veut toujours me donner des coups de pied. Alors je lui dis: «Il ne faut pas donner des coups de pied. ». Alors il va trouver sa mère et le répète, et je suis battu. Je suis furieux, je montre le poing à ma belle-mère et, en dedans, je lui dis des injures ! Elle ment aussi. Quand je lui demande si je pourrais avoir une pomme, elle me dit : «Il n'y en a plus. » Et je sais bien qu'il y en a. (Garçon de 11 ans.)

4. Un jour, je fus battu. De colère je manquai l'école pendant deux jours. Aux gens, je disais qu'il n'y avait pas de classe. Ils demandèrent à ma mère si c'était vrai. Il fallut bien le dire. Alors je fus encore corrigé et on m'envoya coucher. D'abord je pleurai, puis je fermai la porte et passai toute la nuit à rire, à crier et à chanter. Ils n'ont pas pu fermer l'oeil. (Garçon.).

5. Quand j'étais encore petit, je pus un jour chiper des allumettes. Je pris du foin, m'en allai dans la grange et l'allumai. Alors ma mère arriva et me battit. Lorsqu'elle fut partie, de colère je rallumai mon feu et me sauvai. (Garçon.)

6. J'avais cassé une vitre. Mon père me donna les verges. Je ne dis rien, sans quoi j'en aurais reçu davantage. Dans la rue je vis un garçon et lui jetai une pierre. Il saignait. Je me moquais de lui et lui criai « Hein je vise juste » Cela fit passer ma colère. Mais bientôt la moitié des gens du village furent là et je me dépêchai de me sauver. (Garçon.)

7. Un jour que j'avais pris du sucre, ma mère s'en aperçut et me donna une tape. Je lui en voulais de tout mon cour et me disais : « Rosa, elle ne la touche jamais » Et je donnai une bonne tape à Rosa. (Fille.)

8. Ma mère m'a battue parce que Ernstli ôtait toujours ses pantoufles et que je ne les lui remettais pas. J'avais au coeur une grande haine pour ma mère. J'eus un mal de tête si violent que je vomis. Et je me disais : C'est la faute de ma mère ; si je mourais, ce serait bien fait pour elle. Mais je n'ai rien dit. (Fille.)


Résistance passive, secrète ou déclarée, colère, fureur, haine, soif de vengeance, sadisme d'un côté, dissimulation, hypocrisie, attitudes sournoises et rampantes, peurs morbides, idées de mort et masochisme de l'autre, telles sont les tristes et inévitables suites des châtiments corporels. Telle est la preuve que fournissent, sous une forme plus ou moins évidente, mes cinquante petites compositions.

Mes élèves sortent d'un milieu familial parfois très bon, parfois très mauvais, comme il est naturel dans la banlieue d'une ville avec une population mi-paysanne, mi-.industrielle. Il me semble impossible et ce serait du pharisaïsme de croire qu'ailleurs les enfants sont d'un naturel meilleur. La moindre connaissance des enfants permet d'affirmer que la situation révélée par les confidences de mes élèves est normale.

Comment voudrait-on amener des enfants dont l'éducation familiale repose sur les châtiments corporels, à mettre vraiment en acte le grand principe « tu honoreras ton père et ta mère » et a en avoir une conscience profonde. Ce ne sera qu'une phrase, vide de sens réel et qu'ils répéteront comme des perroquets.

Au cours de leurs petites compositions, mes élèves ont généralement rendu compte du caractère de leurs sentiments et de leurs relations à l'égard de leurs parents, quand ceux-ci les battaient. Un tact naturel et sans doute aussi une certaine lâcheté les ont généralement empêchés de dire ce qu'ils pensaient des châtiments corporels à l'école. Le résultat ne serait sans doute pas sensiblement différent.

En corrigeant nos élèves, nous nous imaginons contraindre l'ange à se révéler chez l'enfant. Mais nous ne nourrissons que la bête.









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