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Le tact
Qu'est-ce que le tact? Larousse nous donne de ce mot la définition suivante : «Sentiment délicat de la mesure des nuances, des convenances ». Le tact est avant tout une qualité de coeur. Un être sensible sent chez les autres les points délicats qu'il faut effleurer et non point toucher brutalement.
Au cours de mon travail social, tant d'êtres m'ont confié leurs difficultés et j'ai réalisé combien le manque de tact accroît la souffrance de ceux qui ont une peine. Leur fardeau est lourd déjà ; il suffit parfois de quelques remarques cruelles pour qu'il devienne insupportable.
Le tact est une forme d'amour du prochain. Aimer et comprendre est un idéal magnifique auquel nous devons tendre de toutes nos forces. Entraînons-nous au tact et nous ferons ainsi un pas dans cette voie.
J'aimerais faire défiler devant vos yeux quelques exemples vécus. Les êtres les plus sensibles sont certainement les malades. Essayons de les comprendre, montrons-nous affectueux, sachons les écouter. Un problème plus délicat encore est celui des infirmes, ces êtres diminués qui ne seront jamais Complètement « comme les autres ». Ils ont horreur de la pitié qu'ils inspirent. Ils veulent qu'on les traite sur pied d'égalité et cela leur demande une énergie considérable. Je pense à ce jeune bossu qui n'osait plus se promener avec ses parents le dimanche; les passants se retournaient et faisaient des remarques à son passage. Je revois encore cet enfant né avec un bras, et de ce fait objet de curiosité. Des gens s'arrêtaient devant son pousse-pousse pour questionner la mère. J'ai vu dernièrement une fillette de six ans, opérée de strabisme et si soulagée d'être enfin semblable aux autres ! Tant de petits camarades s'étaient moqués d'elle.
Pensons aussi à la souffrance des parents qui ont un enfant maladif, arriéré ou anormal. Il faut parfois subir un véritable interrogatoire. Je connais des mères qui n'ont plus le courage d'aller dans un jardin public de peur de ces comparaisons. Parce que leur enfant est chétif, un peu retardé, elles n'osent plus dire son âge. Ah! si nous pouvions nous abstenir de comparer toujours, et savoir une fois pour toutes que chaque enfant est différent et qu'il porte en lui des possibilités différentes.
Ceux qu'il faut aborder avec infiniment de tact, ce sont les couples sans enfant. Certes nombre d'entre eux n'en désirent pas. Ils préfèrent « l'égoïsme à deux ». Mais, attention ! J'en connais qui prennent à cet égard un air détaché uniquement pour dissimuler leur peine. Comme c'est dur d'accepter que ce joli nid douillet reste vide. On se réjouissait tant d'entendre le gazouillis des petits, de les aimer, de les choyer. Les années passent, le médecin essaie un traitement après l'autre, mais sans résultat. Pendant ce temps, les amies ont des bébés. Il faut tricoter pour elles, admirer leur nouveau-né, se réjouir avec elles. Ces jeunes mères sont souvent si cruelles, elles étalent leur bonheur comme un riche qui ferait un banquet devant un pauvre. Les couples sans enfants entendent sans cesse des remarques de ce genre : « Qu'attendez-vous pour avoir de la famille? » « Dépêchez-vous, il faut avoir des enfants quand on est jeune. » D'autres questionnent avec insistance sur les causes de la stérilité, et recommandent toutes sortes de remèdes. Tout ce qui touche la vie intime est si intéressant pour les indiscrets dépourvus de tact.
Une autre catégorie, souvent incomprise, est celle des célibataires. Une jeune fille a coiffé sainte Catherine, elle est «bien » sympathique, charmante même, pourquoi n'est-elle pas mariée? On lui donne des conseils: «II faut vous dépêcher, ce n'est pas drôle pour une femme de. rester seule. » La jeune fille vient peut-être de faire une triste expérience sentimentale. Elle est encore bouleversée par un récent chagrin et toutes ces questions de gens bien intentionnés retournent le couteau dans la plaie.
On pourrait allonger indéfiniment la liste des exemples. Partout on rencontre des êtres qui souffrent, moralement surtout. Ils avancent dans la vie meurtris, déchirés. Ils aimeraient tant sentir la compréhension et l'amour des autres. Un mot gentil, une attention délicate sont un baume sur la plaie. A la place d'un contact bienfaisant avec autrui, ils sont heurtés sans cesse par des questions maladroites. On augmente ainsi leur fardeau au lieu de l'alléger.
Le tact est-il inné ou acquis ? Les êtres sensibles sont plus accessibles que les autres aux sentiments délicats. Le tact est une qualité de coeur et il doit être inculqué par l'éducation. Nos enfants sont naturellement cruels, moqueurs. II faut leur faire comprendre que le petit camarade boiteux, celui qui bégaie a besoin d'être entouré plus que les autres. Ils doivent savoir qu'il ne veut pas de la pitié, mais de l'affection. Notre responsabilité de parents est grande. Entraînons-nous à élever le niveau des conversations, ne cherchons pas à nous immiscer dans la vie privée des autres. Ceux qui ont des privilèges ne doivent pas les étaler sous les yeux des moins favorisés et, de plus, celui qui a du tact s'abstiendra de questionner.
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