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Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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«Charry » Vie d'une communauté de jeunesse

«Charrys » est le titre d'un livre dont l'auteur, .J. Pougatch, israélite lui-même, a organisé et dirigé de nombreux camps de jeunes gens juifs. Dans cet ouvrage, il s'adresse à de jeunes apprentis-chefs. Son ton est didactique. Dans son introduction, il s'en excuse en expliquant pourquoi il était contraint de l'adopter. «Je parlais, de vive voix ou par écrit, à des gars de vingt ans en chair et en os, assis devant moi, qui me faisaient part de leurs difficultés quotidiennes et qui attendaient de moi non un récit romancé, non des théories abstraites, mais des indications pratiques, des règles de vie commune tirées de mon expérience. Aujourd'hui encore, ces chefs en herbe, connus et inconnus de nous, sont légion. A eux je m'adresse en pensée. »

Pour eux, j'estime que l'expérience du chantier de Charry vaut d'être racontée. Et n'étant ni un romancier ni un théoricien, mais simplement un homme qui s'est découvert la vocation d'éducateur et qui l'a mise en pratique, je m'exprime comme je peux, comme je crois devoir le faire pour rendre ces pages aussi utiles que possible. Ce qui m'est dévolu, c'est de tirer, si l'on veut, la « morale » de notre vie commune, c'est de livrer au public mon propre travail journalier au sein de cette collectivité paysanne.»

Nous pensons intéresser nos lecteurs en publiant quelques extraits de cet ouvrage que nous tenons à leur disposition.


Si un aîné se plaint que la vache ait été mal attachée ou la mangeoire mal remplie, c'est parfois parce que lui-même n'a pas assez bien montré aux autres comment le faire. Puisque vous vous plaignez, emmenez un apprenti avec vous à qui vous montrerez, patiemment, tous les jours, comment procéder! A la réunion, parlez à tous vos camarades de la vache, du cheval, du potager; essayez de les intéresser à leur sort comme moi j'essaye de les intéresser aux Prophètes. Cela sera peut-être un peu plus difficile que de seulement vous plaindre; mais vous aurez atteint un double but: vos bêtes et votre terre seront mieux soignées et vous aurez communiqué à vos camarades votre propre joie du travail.

Il y aura autant de satisfaction pour l'instructeur ou l'aîné à expliquer à chaque compagnon ce qu'on attend de lui, que pour ce dernier à le comprendre et le réaliser.

Prenons par exemple la tâche apparemment la plus facile et la plus bête de toutes : la garde des troupeaux. La seule chose intelligente qu'on puisse faire, semble-t-il, pendant les longues heures passées dans la prairie, est de lire un bon livre. Aussi confie-t-on cette corvée au plus jeune des garçons ou encore à une « fille », ce qui est évidemment dégradant au possible… Mais si l'on apprend au berger à regarder de plus près ses vaches et ses moutons, il y trouvera un intérêt grandissant (j'en parle en connaissance de cause, les ayant gardés maintes fois…). Il s'apercevra que les bêtes préfèrent un coin à un autre, qu'elles ont leurs sympathies et leurs phobies, qu'elles se différencient les unes des autres, qu'elles ont leurs bons et leurs mauvais jours, que les vaches en passant leur langue dans l'herbe avant de brouter, font ainsi de la place à quelques poulets fidèles qui viennent y picorer. La tâche principale du berger ne sera plus seulement de veiller à ce que les bêtes n'aillent pas faire d'incursion dans le maïs ou les topinambours, dans la vigne du voisin ou dans la forêt, mais encore de bien les faire manger et boire, de repérer l'herbe savoureuse, de constater ses effets sur l'embonpoint, le lait ou les excréments, et last not least de reconnaître et de signaler à qui de droit quand la vache sera en chaleur ! Enfin, le berger acquerra pour son travail une réelle estime, quand il s'apercevra que garder les vaches, c'est garder les cultures, autrement dit: protéger le labeur et le bien de tous.

Prenons maintenant le travail noble par excellence, celui dont tout le monde raffole: le labour. On peut labourer machinalement, bêtement, et on peut labourer avec art. Tout le monde sait qu'un sillon droit, bien tracé, ayant la largeur et la profondeur voulues, est l'orgueil du laboureur. Quand un gars apprend a faire de tels sillons et qu'il rentre le soir de son travail, qu'importe sa fatigue! Regardez-le! Il exhale le contentement et l'exprime par la bonne humeur, par une indulgence royale pour la cuisinière qui a laissé « brûloter» la soupe, par une faconde inaccoutumée, par l'intarissable narration de films vus il y a trois ans, et dont les détails saugrenus lui reviennent flots justement aujourd'hui…

Voilà pour le laboureur. Mais il en est de même Pour la cuisinière, cette « parente pauvre » du groupe. Que de fois ai-je vu sortir des casseroles un visage suintant la sueur et la satisfaction! Pourquoi ? Parce que son déjeuner de midi a réussi, parce que la réunion de la veille a bien marché, parce qu'elle est contente, quoi !…

Et lorsque, au cours de la même journée, vous avez fait ces constatations au champ, au potager, au bois où résonnent les coups de hache des bûcherons, alors vous êtes bien obligé de reconnaître que toutes les vieilles balivernes sur la joie du travail ont du bon…

Pour maintenir cette joie, il faut être maître de son travail, le faire à fond, en avoir la responsabilité.

Oui, c'est une école, une rude école que de vivre en commun. Reste à savoir si nous voulons y apprendre quelque chose, en sortir victorieux ou déçus. Il importe de se rendre compte, dès le début, que malgré toutes les théories des hommes et toutes leurs expériences, ils doivent se grouper quelquefois au cours de la vie. Et pas toujours dans des conditions idéales. Ferons-nous chaque fois de ces rassemblements voulus ou imposés une mare boueuse ? Voyons un peu comment, dans cette mare collective, barboter sans déplaisir…

Pour commencer, inévitablement, il y aura dans votre entourage deux sortes de gens: les uns vous attireront, les autres vous inspireront l'envie de fuir. Il en sera de même de tous les détails de votre vie en commun: certaines choses vous plairont, d'autres vous donneront peut-être la nausée. Comment y faire face? Simplement en retenant ce qui est bon et en contribuant avec les autres compagnons à éliminer ce qui est mauvais. En commençant, bien entendu, par soi-même… Ce qui est bougrement embêtant! Inouï, combien les défauts des autres vous agaceront, alors que vous resterez, vous, innocent comme une colombe ! Quand on vous démontrera que vous manifestez les mêmes travers que votre voisin et provoquez les mêmes agacements, vous en serez profondément indigné…

Lorsqu'on vit en commun, certains défauts qui paraissaient minces et prêtaient à rire, prennent une ampleur imprévue. Par exemple l'orgueil. Vous ne vous imaginez pas les ravages que l'orgueil peut faire dans une collectivité, même s'il est accompagné de compétence et de zèle.
L'orgueil se traduit parfois en refus d'accepter des initiatives venant d'autrui, même les plus utiles; en habitude obstinée de n'agir qu'à sa guise, fût-ce arbitrairement; en un ton de supériorité vis-à-vis des autres; en révolte instinctive et farouche contre tout ce qui pourrait insinuer que l'individu en question n'a pas raison sur tous les points et ne connaît pas lui-même, sans aide aucune, tout au monde…

La sotte susceptibilité, comme son frère l'orgueil, tend à nous renfermer en nous-mêmes, à nous détacher des autres hommes et à nous désintéresser de leurs activités. Dans une collectivité, elle mène aux plus nuisibles défaillances.

L'indulgence envers ses propres fautes et l'indignation exagérée en face de celles d'autrui; les exigences accablantes vis-à-vis du voisin et les négligences qu'on se pardonne à soi-même; l'habitude inconsciente de passer l'éponge sur ses propres gaffes, et de mettre abondamment et bruyamment en lumière celles des autres, tout cela fait partie du même fâcheux égoïsme dont l'éducation collective doit nous déshabituer. Obtenons plus d'indulgence envers les compagnons et plus de clairvoyance envers nous-mêmes !

Vous sortez de votre dortoir, vous passez par la remise, vous entrez dans l'étable. Chacun de ces locaux a une porte au moins. Puisque vous avez ouvert la porte, fermez-la derrière vous, je vous en supplie… Chaque jour, depuis bientôt vingt mois, je ferme les portes que vous avez laissées ouvertes. Comme tout nouveau copain a besoin de six mois à peu près pour prendre cette si simple habitude, je me suis déjà résigné à fermer vos portes jusqu'à la fin de mes jours. Pourtant, il ne s'agit pas là d'un caprice, mais d'une chose dont l'utilité pour tous est démontrée du matin au soir! Quand la porte du petit endroit reste ouverte, tout le monde en est incommodé (mais on recommence quand même…). Quand la porte du cellier est entr'ouverte, le nouveau compagnon qui ne connaît pas encore vos moeurs, est tenté de venir s'y approvisionner en raisin pour ses besoins strictement personnels ; à moins que ce soit la chatte qui vienne y faire un tour et, pour peu qu'on ait laissé entr'ouvert également le portillon du garde-manger, la petite ration de viande que vous avez péniblement obtenue contre les précieux tickets, y passera tout entière…

Vous sortez de la remise dont le portail est lourd, et vous le tirez derrière vous d'un coup sec, pressé que vous êtes d'aller au travail. Ce portail, à son tour, reste entr'ouvert. Une poule s'y glisse, bientôt rejointe par neuf autres. Cela fait un Minian, que Dieu me pardonne! Ce Minian (groupe de juifs réunis pour une prière commune) commence ses dévotions par le tas de pommes de terre que vous avez mises là et que vous avez consciencieusement chaulées pour les protéger des rats. Les rats n'y toucheront pas, mais les poules en feront leurs délices… A l'étable, enfin, deux grandes portes se font face. Laissez-les ouvertes toutes les deux et vous aurez un courant d'air qui risque de refroidir le veau! Je ne parle déjà pas de la cuisine où portes et fenêtres se saluent constamment, à preuve les carreaux cassés.









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