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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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RETOURLes disputes d'enfants L'autre jour, je croisais en chemin un groupe de jeunes garçons qui discutaient avec animation. L'un d'eux en avait provoqué un autre et un débat était ouvert: les enfants faisaient cercle autour des deux garçons qui allaient se battre et se réjouissaient d'assister à ce spectacle. Ainsi en est-il chaque jour dans les cours d'écoles de garçons. La nature semble favoriser les occasions de malentendus : menaces, défis, moqueries, tout sert de prétexte pour en venir aux mains. On ne se bat pas par désir de faire mal, mais simplement pour satisfaire un besoin inné, que Monsieur Bovet a appelé l'instinct combatif*. Les manifestations de l'instinct combatif se retrouvent chez tous les peuples et chez toutes les espèces, et correspondent à un certain stade de l'évolution de l'être. Si nous regardons deux jeunes chats, nous verrons que, des heures durant, ils jouent à se battre, se jettent l'un sur l'autre, culbutent, se griffent les oreilles ou se mordent la queue: tous les moyens sont bons pour aiguiser leurs grilles et leurs dents. Leurs batailles sont un jeu, mais aussi un pré-exercice en vue de leur adaptation à la vie. Chez l'animal adulte, il est en effet deux fonctions essentielles: la nutrition et la reproduction. Pour l'une comme pour l'autre, que ce soit pour chasser la souris ou l'oiseau qui lui servira de nourriture, ou pour vaincre la femelle, il lui faut savoir se battre afin de sortir vainqueur de la lutte. Les jeunes animaux s'y préparent donc de bonne heure, poussés par leur instinct, et aussi par l'exemple de l'adulte. La louve ou la chatte, par exemple, donnera à ses petits le goût de la lutte en commençant par se battre avec eux. Chez l'homme de nos jours, l'instinct combatif est moins puissant qu'autrefois, car il ne répond plus à une nécessité vitale aussi impérieuse. Il a subi des altérations, mais il n'en réapparaît pas moins sous sa forme la plus primitive, dans les guerres. Or l'enfant n'est pas indifférent aux exemples de l'adulte. La guerre joue un grand rôle sur l'imagination des enfants et offre à leurs jeux un symbolisme qui les attire : les garçons jouent à la guerre, les filles aux infirmières. Dans un petit village de Savoie, les enfants, durant cette dernière guerre, jouaient au « maquis »: d'un côté il y avait les maquisards, de l'autre les miliciens. Ils introduisaient dans leur jeu les incidents qui se passaient chaque jour sous leurs yeux, ce qui le rendait plein de passions. Aussi, lorsqu'un jour il y eut des perquisitions dans l'école, chaque enfant sut ce qu'il avait à faire et aucun ne dénonça quoi que ce soit à l'ennemi. Ce cas parmi tant d'autres montre que, dans une époque comme la nôtre, où l'homme à régressé à un stade de barbarie, l'instinct combatif de l'enfant lui est souvent directement utile dans la lutte pour la vie. Beaucoup de parents se désespèrent en voyant leurs enfants se disputer et aimeraient trouver un remède à leurs batailles. Nous venons de voir qu'il s'agit là d'un besoin inné de l'enfant comme de l'adulte, et aussi impérieux chez le premier que n'importe quel autre jeu. Notre devoir n'est donc pas de le faire disparaître, mais de chercher à le canaliser et à le sublimer dans des jeux réglés offrant à l'enfant un idéal quelconque. Il y a tout d'abord les sports, qui lui permettront de déployer son énergie et satisferont son goût des compétitions. Mieux vaut que le garçon ou le jeune homme use ses semelles sur le cuir d'un ballon que dans le visage ou le pantalon d'un camarade! Que l'enfant apprenne aussi de bonne heure à se mesurer avec la nature. On lui donnera le goût des longues marches dans la campagne ou la montagne. Il apprendra à ne craindre ni le vent, ni la pluie et trouvera dans la joie d'une escalade de quoi satisfaire son goût du risque et sa soif de liberté. On peut aussi chercher à combiner le besoin de lutte de l'enfant avec des tendances sociales ou morales. C'est à ce but que répondent les mouvements de jeunesse. Baden-Powell, dans son programme du Scoutisme adapté à l'âge batailleur, a subordonné toutes les tendances à cet instinct de lutte ennobli l'enfant est un guerrier qui doit se préparer à la lutte. Par la vie en plein air, il fortifiera son corps et son esprit et apprendra à s'adapter aux différentes situations qui pourront s'offrir à lui dans la vie. Par ailleurs, le scoutisme cherche à développer chez le jeune garçon des tendances altruistes et chevaleresques, afin de faire de lui un homme utile à la société. Ce programme répond à un réel besoin de l'enfant et nous ne saurions trop le conseiller, aussi bien pour les filles que pour les garçons, à l'âge où ils ont une telle soif d'activité. Ils trouveront dans le scoutisme l'occasion de jouer à un grand jeu qui n'est autre qu'une préparation à la vie. *Pierre Bovet: L'instinct combatif |
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