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Conte de Noël: La bûche

- Eh! Tinot, où vas-tu par ce froid de bise ? Les loups sont au bois, hurlant de faim.
- Que les mauvaises langues restent au logis, et tout ira bien !
- Toujours d'humeur méchante, Tinot ? Et en ce jour de nativité, encore? Tu vas quérir une bûche au bois, sans doute?
- Quelqu'un y trouverait-il à redire?
- Point assurément, Tinot, mais ne sais-tu pas que quiconque allume une bûche de Noël, doit oublier toutes ses rancunes pendant tout le temps qu'elle brûle ?… Prends-en une toute petite, Tinot !
- Je la prendrai grosse comme un arbre si je veux!
- Alors, n'invite pas à ta soirée la boulangère qui a voulu arracher le chignon de ta femme, ni le charbonnier qui a menacé de te jeter dans son four, la tête la première, ni le charcutier qui t'a comparé à la plus belle tête de son étal, ni le notaire qui t'a proclamé voleur, ni…
- Ça va, ça va, not'voisin! Allez mesurer vos aunes de drap et mettez-y le compte, surtout!

Et Tinot partit pour la forêt, sa hache sur l'épaule. C'était la veille de Noël, et le ciel était lourd de neige qui menaçait de tomber.

Comment Tinot put-il rapporter chez lui cette énorme bûche, l'histoire ne le dit pas. Sans doute quelque voisin lui prêta-t-il son cheval, car, malgré son mauvais caractère, on estimait encore Tinot, le forgeron. Et comment on introduisit la bûche dans l'âtre de la grande cuisine, c'est encore un mystère inexpliqué. Peut-être un ange qui n'a pas dit son nom, lui apporta-t-il quelque aide discrète. Malgré son mauvais caractère Tinot le forgeron n'était pas un impie. Une chose est certaine, lorsque la nuit fut tombée, et que fut commencée la soirée où l'on est joyeux - comment ne serait-on pas joyeux la nuit où le Sauveur est né! - la flamme commença de danser dans l'âtre en la maison de Tinot le forgeron. Et la Tinote était là, et trois petits Tinotins. Or, la grand'mère qui tendait vers la flamme ses mains tremblotantes, répéta pour la centième fois : «Mes enfants, rappelez-vous que tant que flambe la bûche, les flammes de la rancune et de la haine doivent s'éteindre au coeur, car c'est la nuit où le Seigneur est né » !

Cependant, Tinot avait dit à Pauvre Pierre, son apprenti - il était un peu innocent, Pauvre Pierre, et c'est pour cela qu'on le disait Pauvre: - Mon garçon, tu vas aller chez nos amis, pour qu'ils viennent faire soirée avec nous. Tu leur diras : la bûche est allumée, venez, et soyez joyeux, car l'enfant vient de naître. Mais tu n'iras pas, tu entends bien, ni chez la boulangère qu'a crêpé le chignon à ma femme, ni chez le charbonnier qu'a voulu me mettre la tête en son four, ni chez le charcutier qu'a dit que j'étais la plus belle tête de sa collection, ni chez le notaire qu'a dit que j'étais un fieffé voleur!

Pauvre Pierre donc partit, armé de sa lanterne, et commença par redire trois fois ce qu'il lui fallait faire et dire, afin d'être bien sûr que c'était bien entré dans sa tête, l'innocent. Mais quand il fut au bout de la rue, Pauvre Pierre, il n'avait plus rien dans la tête qu'un grand mélange de choses dont il ne savait plus la tête ni la queue. Et quand il fut arrivé au bout du village, il était certain d'une chose, Pauvre Pierre l'innocent, c'est qu'il lui fallait inviter, de la part du forgeron Tinot, la boulangère et le charbonnier, le charcutier et le notaire. Le ciel était brillant d'étoiles et Pauvre Pierre crut entendre les anges chanter pour la grande joie des hommes de bonne volonté. Et il disait, Pauvre Pierre l'innocent: pour un homme de bon vouloir c'est mon maître, Tinot le forgeron, qui invite à la bûche la boulangère qu'a crêpé le chignon à sa femme, et le charbonnier qu'a voulu le jeter dans son four, tête premier et le charcutier qu'a la parole méchante et mentense, vu que le Tinot à une tête comme pas un, et le notaire qu'a mis en doute son honnêteté! On n'a pas idée!

Il alla frapper chez la boulangère et lui dit: - Not’maître Tinot vous invite pour la soirée; la bûche est allumée, et on fêtera Jésus qui vient de naître.
Et la boulangère faillit tomber dans le pétrin, tant était grand son étonnement.

- C'est quasi un miracle, et moi qu'ai dit à sa femme… Eh ! Pauvre Pierre, es-tu bien sûr que tu ne t'es pas trompé?
Mais déjà Pauvre Pierre était parti, courant aussi vite que ses jambes pouvaient le porter, vers la cabane du charbonnier, qui est tout près du bois.

- Eh, charbonnier, not'maître Tinot vous invite pour la soirée; la bûche est allumée, et on fêtera Jésus qui vient de naître.
Le charbonnier faillit tomber dans ses bûchettes, tant était grand son ébahissement.

- C'est pas mon Dieu possible, dit-il. Et moi qui lui ait dit… Eh, Pauvre Pierre, es-tu bien sûr que tu ne t'es pas trompé ?
Mais déjà Pauvre Pierre était parti, courant comme s'il avait le loup à ses trousses; il était si près du bois ! Il alla tout droit chez le charcutier, qui rangeait les andouilles dans le grand placard.

- Eh, charcutier, not'maître Tinot vous invite pour la soirée; la bûche est allumée, et on fêtera Jésus qui vient de naître !
Le charcutier faillit s'asseoir parmi ses andouilles, tant était grand son éberluement.
C'est pire que cerises à Noël, dit-il. Et moi qui lui ai dit… Eh, Pauvre Pierre, es-tu bien sûr que tu ne t'es pas trompé ?

Mais déjà Pauvre Pierre était loin, courant ce qu'il savait. Il n'était pas grand ami du charcutier qu'était fort coléreux. Il arriva devant la maison du notaire qui est la plus belle du village.

- Eh, M'sieur le notaire, not'maître Tinot vous invite pour la soirée. La bûche est allumée et on fêtera Jésus qui vient de naître !
Le notaire faillit tomber raide parmi sa paperasserie, tant fut grand son saisissement. Il fut un quart d'heure à retrouver ses lunettes qui étaient tombées entre deux contrats de mariage.

- C'est pas possible, dit-il enfin. Et moi qui lui ai dit… Eh, Pauvre Pierre, es-tu bien sûr que tu ne t'es pas trompé ?
Il y avait belle lurette que Pauvre Pierre était parti à grandes enjambées, sa lanterne ballant au bout du bras.


Cependant Tinot, la Tinote et les trois Tinotins, tout rouges de la bûche qui jetait vers eux ses grandes flammes, tout en craquant en belle et joyeuse chanson, avaient placé des bancs tout autour de l'âtre. Et Tinot disait à sa femme :
- Nous allons avoir belle joie avec tous nos amis, surtout que…
- Surtout que quoi, Tinot?
- Rien, dit Tinot qui n'avait dit à personne que pour éviter les rencontres importunes auprès de la bûche miséricordieuse, il avait conjuré le destin. Il n'y aura ici que des gens que nous aimons, et ce sera grand plaisir, pour un soir comme celui-ci.
- N'oubliez pas, dit la grand'mère pour la cent et dixième fois…
- Taisez-vous, mère-grand ; on le sait bien ce que vous allez dire encore !

Le chien ayant aboyé, Tinot dit :
- C'est mon compère le charron ! On le mettra tout près de l'âtre, car il a des douleurs.

C'était la boulangère. Tinot, la Tinote et les Tinottfls se raidirent de surprise.
- Ah ! mes bons amis, quelle surprise vous m'avez faite en m'invitant. Tenez, voyez quelle belle galette je vous apporte ! On s'embrasse? Sans rancune, hein ! pour les vieilles histoires!

Le chien aboya sur ces entrefaites.

C'est mon compère Antoine, le bûcheron, dit Tinot, qu'est si accomodant pour les fagots.
C'était le charbonnier.
- Ah! mes bons amis, quel plaisir vous m'avez fait en m'invitant ! Tiens, Tinot, voici un sac de braises pour ta forge, tu m'en diras des nouvelles !

Tinot, la Tinote et les Tinotins étaient fort étonnés, se demandant par quel miracle étourdissant le monde s'était soudain mis tout à l'envers.

- Et sans rancune, Tinot, pour les vieilles histoires, hein ? C'est oublié !
Le chien aboya sur ces entrefaites.

- Ce doit être, dit Tinot, le Merlu qui va braconner sur les terres de l'abbé.
C'était le charcutier, les bras chargés de boudins et de jambons.
- Eh, quels gens charmants vous êtes, de m'inviter! Vive Noël, vive la bûche! Et surtout, on oublie tout, hein, Tinot! Voilà de quoi banqueter et attendre l'heure de minuit !

Le chien ayant aboyé, Tinot n'osa pas faire de supposition. « Pourvu, se dit-il que ce ne soit pas lui.»

C'était lui.

Ah ! mes chers amis, dit le notaire de sa belle voix joviale, quelle bonne surprise, et quel bon cour. Tenez. j'apporte là de ces bouteilles de vin, vous m'en direz des nouvelles. Et puis, Tinot, que je vous dise, c'est moi qui me suis trompé l'autre jour, c'est vous qui aviez raison. Je viens de revoir ça. Sans rancune, hein?

Là-dessus, le chien n'aboya pas, mais Pauvre Pierre apparut, avec son grand sourire.

- Bon Noël, not'maître, bon Noël, not'maîtresse que Notre Seigneur qui vient de naître mette de la joie dans le coeur à tertous. Bon Noël, la boulangère…

- Bon Noël, Pauvre Pierre ! dit le charcutier. Viens ici, assieds-toi et mange ! Et écoute la bûche qui craque et qui chante, et qui brûle toutes nos misères !









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