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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
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De la vie familiale à la vie sociale

Pour l'enfant, la vie familiale se déroule dans le cercle étroit où se retrouvent papa, maman, les frères, les soeurs ; c'est celle qui se vit à la « maison».
Le petit enfant ne connaît que cette vie. Se mouvant dans son cadre familier, entouré de l'amour et de l'attention que lui donnent les grands, à moins qu'il ne dorme ou ne mange, il joue. Vue de loin, de très loin, cette vie a l'air d'être parfaitement inutile et remplie de choses futiles. Et cependant si l'on y regarde de plus près, elle est utile et même indispensable à l'enfant.

L'atmosphère de calme et d'harmonie qu'elle devrait toujours apporter est nécessaire au tout petit car c'est à ce moment que commence le développement de son corps, de son intelligence, de son affectivité.
Cette vie lui est utile parce qu'elle lui permet de jouer et c'est en jouant qu'il fait ses premières expériences et apprend à connaître le monde extérieur. L'amour, la compréhension dont il a besoin d'être entouré lui sont nécessaires pour adoucir toutes les difficultés qu'il rencontre, car c'est tous les jours, à chaque instant, qu'il doit apprendre quelque chose de nouveau, et ce sont autant de difficultés à surmonter. Je ne pense pas seulement à des activités comme dessiner, écrire, découper, coller, se vêtir, mais à des comportements, à ce qu'il faut faire et ne pas faire, à ce que l'on ose dire et pas dire.

La vie familiale sous-entend aussi la protection que l'enfant demande, l'aide que nous lui offrons pour le guider, l'éveil des sentiments moraux et enfin l'intimité qui naît de la vie en commun d'êtres s'aimant.

La vie sociale est celle que tout individu est appelé à vivre, du moins sous nos latitudes. Elle est faite du contact, des rapports des individus les uns avec les autres. Ces rapports sont établis par un certain nombre de conventions, de coutumes, de moeurs, par la morale enfin.

L'homme est donc appelé à vivre en société. Est-il naturellement préparé à cela?
Non, loin de là ; l'enfant est un être égocentrique, c'est-à-dire qu'il a conscience de sa seule existence. Le monde extérieur existe bien pour lui, mais il en est le centre, il ramène tout à lui. Nanette, qui a 3 ans, à qui l'on montrait les abeilles butinant les fleurs pour préparer du bon miel, précisa : « du miel pour. Nanette ». Or ce n'est pas tout à fait ce qui convient pour la vie en société. Beaucoup d'adultes, hélas, restent égocentriques toute leur vie, mais normalement, l'enfant sort peu à peu de cet égocentrisme. Il y est aidé par le développement de son intelligence, par son langage qui lui permet d'entrer en contact avec ses semblables, par ses jeux, c'est-à-dire ses propres expériences, et par l'éducation qu'il reçoit.

Cette évolution se fait très graduellement. Ainsi, par exemple, le langage qui semble bien être le vrai moyen d'échanger sa pensée avec celle d'autrui, ne sert au début à l'enfant qu'à exprimer sa pensée. Observez un enfant en train de dessiner, par exemple : tout en gribouillant il parle tout seul, par jeu, pour lui, il n'a pas besoin d'interlocuteur. Par la suite seulement, désirant poser des questions et obtenir des réponses, il ébauche une conversation, son langage se socialise.

L'enfant ne saisit même pas d'emblée que pour se comprendre, il faut parler la même langue. C'est ainsi qu'une petite fille de 4 ans s'exprimait « Tu sais, j'ai brodé ton lit. » On lui faisait remarquer : On ne dit pas broder, mais border le lit; si tu dis brodé, personne ne comprendra ce que tu veux dire. » - « ça ne fait rien, moi j'aime mieux dire brodé. »
L'enfant ne compte pas tellement avec l'opinion d'autrui ; son univers s'arrête à ses pensées et n'englobe pas encore celles des autres.

Dans ses jeux, on peut suivre la même évolution. Quand il a épuisé les combinaisons qu'offrent les cubes et les plots, son imagination naissante est mise à contribution : n'importe quoi peut servir de jouet, la planche à repasser est une piste pour auto, deux fauteuils de jardin renversés placés bout à bout forment une auto, un avion. Puis vient le moment où il commence à jouer avec un petit frère, un cousin, un voisin, un ami, alors on organise le jeu, on discute, on décide que l'on jouera de telle façon «Toi, tu seras le papa, moi, je serai la maman et puis, Eric c'est le petit enfant; et puis on joue qu'on fait un voyage en auto et puis qu'il arrive un accident. » Voici l'ébauche d'un jeu qui se socialise, chacun a un rôle à jouer.

Mais il y a encore les jeux dit « sociaux », ce sont tous ceux qui font fureur chez nos jeunes écoliers. Tous les îlets, qu'ils soient perchants, cachants, courants, les jeux du carré, de billes, « aux gendarmes et aux voleurs », « 2 c'est assez, 3 c'est trop », tous se jouent d'après une règle bien établie, transmise de bouche à bouche, admise sans discussion. Pour accepter cette règle venant de l'extérieur, notre écolier est déjà un être socialisé.

Mais c'est l'éducation qui jouera le plus grand rôle dans la préparation du passage de la vie familiale à la vie sociale. D'ailleurs n'est-ce pas là son but ? Faire de l'enfant, petit être primitif, un individu évolué, adapté à une vie en société.

Au fond c'est au sein même de la famille que commence la vie sociale de l'enfant. Il y trouve le premier contact avec autrui, ses parents; un frère, une soeur l'obligeront parfois non sans douleur à tenir compte de leur présence et l'aideront à sortir de son égocentrisme. Mais pour que ce contact soit «social », que de choses à apprendre se rattachant à la politesse, au savoir-vivre, à la morale ? Pensez seulement aux s'il-vous-plaît qu'il faut prononcer pour avoir une chose, aux merci, une fois la chose reçue, aux bonjour et au revoir qu'il faut dire quand on rencontre une personne et qu'on la quitte.

Rappelez-vous la patience qu'il faut pour l'apprendre à l'enfant (je ne dis pas pour qu'il le comprenne, car cela est encore plus difficile, et d'ailleurs il n'y a rien à comprendre ici). Si votre enfant vous demande : « Pourquoi est-ce qu'il faut toujours dire bonjour quand grand'maman vient?» Que répondrez-vous? « Parce que c'est poli, parce qu'on doit le dire… »
Tout ces petits riens auxquels nous ne pensons plus, tellement ils sont devenus des réflexes chez l'adulte, demandent un certain temps pour être acquis par l'enfant, surtout par celui qui se refuse à admettre une chose dont il ne comprend pas la raison. Et cela existe, les enfants raisonneurs!

Tout ce conformisme du comportement est parfois très compliqué à expliquer à l'enfant car celui-ci saisit très bien ce qu'il peut y avoir de paradoxal dans deux situations. C'est ainsi qu'un petit garçon de 5 ans demandait : « Pourquoi est-ce que les petits garçons doivent enlever leur chapeau en disant bonjour et pas les petites filles? » Ce même enfant disait à sa maman : «Pourquoi les soldats peuvent tuer les autres soldats puisque tu m'as dit l'autre jour que c'était défendu de faire mourir les gens?» Chacune de nous sait que parfois il est bien embarrassant de répondre aux questions et pourtant il faut donner une réponse.

Comme il y a la politesse des manières, il y a celle du langage. Il y a des choses que l'on ose dire, d'autres pas, il y a même des mots que l'on n'ose pas prononcer. Si votre enfant. vous rapporte toute fraîche de l'école une expression ben savoureuse, vous vous écriez « ne dis pas cela, c'est très vilain ! » - «Mais pourquoi est-ce que c'est vilain ?» Pour nous c'est très simple, c'est un mot ou une expression bannis par la Société et ses bons usages. C'est le code social qui décrète que c'est un « vilain mot», même si nous, nous le trouvons très expressif!

L'éducation des sentiments moraux chez l'enfant se fait encore plus lentement, car elle fait appel à son intelligence et à son affectivité. C'est très simple de dire : il ne faut pas envier ce que les autres possèdent. Même chez les adultes, l'envie est encore cause de bien des conflits.

Il faut respecter la propriété d'autrui. « Sa » propriété, l'enfant la connaît très vite, mais celle d'autrui, c'est plus difficile. Savoir tenir une promesse, un engagement, avoir le courage de ses actes, apprendre à prêter, savoir donner, partager, renoncer sans compensation, et tous ces mots honnêteté, franchise, vérité, amour-propre, honneur; que de grandes idées à éveiller chez l'enfant!

Il faut aussi s'efforcer de lui inculquer la valeur du travail et l'estime de tous ceux qui travaillent. Il apprécie mieux toutes choses quand il comprend que c'est papa (et parfois aussi maman) qui travaille pour pouvoir acheter aliments, vêtements, jouets. Et si vous avez sous votre toit des employés ou des aides, il faut que les rapports de l'enfant avec ceux-ci soient imprégnés de respect. Si l'enfant porte en lui ce respect, il ne sera pas rebuté devant un travailleur de métier malpropre ou un ouvrier aux mains sales et calleuses.

Vers 5 ou 6 ans, le moment de l'entrée à l'école arrive. L'enfant quitte pour la première fois, seul, le toit familial et est livré à la vie sociale. Bien des parents ne franchissent pas cette étape sans un petit serrement de cour: leur enfant leur échappe, et ils aimeraient faire encore beaucoup pour éviter épreuves et déception. Mais que ces parents s'imprègnent bien de cette idée: Ils peuvent préparer, aider, mais ils ne peuvent rien faire à la place de l'enfant; celui-ci doit faire lui-même ses expériences. Celles-ci sont parfois cuisantes, ils sont alors là pour consoler et expliquer.

Cela me rappelle l'histoire de Michel, bonhomme de 4 ans, qui s'en allait tout seul pour la première fois, faire une commission, bien fier et confiant. Un mauvais gamin, caché, le surprit et lui appliqua sans autre une forte gifle. Michel revint en pleurs à la maison. Il souffrait plus du désarroi dans lequel il se trouvait que du coup reçu. Il ne comprenait pas pourquoi on lui avait fait du mal alors que lui n'avait rien fait.

Les premières années d'école ont plus d'importance pour ce qu'elles apportent à ce début de vie sociale, que les connaissances réellement acquises. C'est pourquoi l'on demande tant de qualités aux pédagogues auxquels sont confiés les tout petits.
Le frottement journalier de tous ces enfants doit limer, arrondir, assouplir toutes les aspérités de leur caractère encore malléable et qui rendraient difficiles les contacts sociaux.
C'est à l'école que l'enfant apprend le mieux que sa liberté finit là où commence celle des autres, c'est dur au début. Ses petits camarades ont aussi une volonté, des désirs. Il y en a qui sont gais, taquins, gentils, serviables, mais il y a aussi les méchants, les batailleurs les brusques, les querelleurs, les menteurs. Il faut donc apprendre à se défendre, à se méfier.
Ce sont des enfants, ce n'est pas très joli, mais ayons la franchise de reconnaître que c'est en petit le tableau de notre société, c'est pourquoi l'école prépare si bien à la vie sociale.

Tout ceci doit nous faire mieux nous pénétrer de tout ce que nos enfants ont à apprendre et toute l'importance de notre attitude à avoir pour leur favoriser un passage harmonieux de la vie familiale avec son cercle restreint, son intimité, son amour, sa protection, à la vie sociale avec toutes ses exigences tant conformistes que morales.









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