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Aimer la vie
Un des plus beaux cadeaux que nous puissions faire à nos enfants est de leur apprendre à connaître la Vie et à l'aimer dans toutes ses manifestations.
Ici, isolée dans ce coin montagnard où le minimum d'artificiel, le minimum de laideur, le minimum de méchanceté humaine trouve sa place, je sens mieux toute la puissance et toute la beauté de la Vie telle que Dieu l'a voulue, telle que Dieu l'a exprimée. Et c'est cette vie nue, simple, dépouillée, semblable depuis l'origine des choses, que je voudrais retrouver dans toute sa saveur et faire connaître aux enfants qui m'entourent.
Cette vie n'est pas seulement une chose concrète, ce n'est pas seulement cette forêt qui se balance en craquant sous le grand vent des sommets, ce ruisseau qui court en bruissant sous son long tunnel de glace, cette terre brune qui transparaît sous la neige aux endroits trop raides que le vent a dévêtus ; ce n'est pas simplement l'ombre bleutée d'un contour neigeux ou ce rocher solide et tranquille qui regarde la vallée profonde depuis des milliers d'années ; c'est l'harmonie subtile et vivante qui se dégage de toutes ces choses et qui les rend Une dans leur source et dans leur fin, c'est la plénitude de leur vie simple, qui nourrit et recouvre notre pauvre dislocation humaine et l'aide à se refondre.
Je pense qu'il est bon d'étudier les sciences et de parcourir le temps et l'espace avec l'histoire et la géographie, mais je crois qu'il est aussi nécessaire pour nos enfants qu'ils écoutent la musique qui chante dans la nature et découvrent la beauté de la perfection qui resplendit dans les plus petites des oeuvres du Créateur: un flocon de neige, un brin de mousse, une aiguille dorée de mélèze, une petite branche nue au geste vainqueur.
A force de plonger le nez dans les livres et de nous nourrir des idées des autres, à force d'étudier les sentiments humains si souvent déviés de leur pureté initiale, nous sommes devenus difficilement perméables à cette beauté simple, à cette mélodie ténue et fine. C'est une perte, un appauvrissement qu'il nous faut réparer, et en recommençant la vie avec chacun de nos enfants, nous allons essayer de faire mieux avec eux, afin que rien ne soit perdu de la splendeur qui nous est offerte.
Un peu de silence, des yeux bien ouverts, une âme attentive, voilà le bagage que nous emporterons avec nous dans l'exploration que nous allons tenter.
Nous partirons en nous donnant la main, dans notre jardin peut-être, ou sur la route commune que limitent les jardins des autres, vers les grands arbres du parc ou les prairies qui cernent la ville.
Marchons à pas tranquilles et écoutons la vie •qui palpite tout autour: Oh! quelle jolie feuille de ronce cuivrée que le vent d'automne a oubliée quelle délicate mare où se reflète le ciel dans cette ornière du chemin ! quelle joie de vivre dans le vol fantaisiste de cet insecte ! quelle forme étrange et magnifique prend ce nuage blanc que chasse la brise. Eh ! mais on dirait que la Vie s'offre à ma vie dans cette grosse motte de terre retournée où déjà des germes naissants se frayaient un chemin vers la lumière ; c'est une force concrète qu'il me semble presque pouvoir saisir à pleines mains, à plein coeur, pour me vivifier, me renouveler.
Et cette haie fine dont chaque branchette prépare déjà, silencieusement, le formidable éclatement du printemps, et les chatons du noisetier sauvage, et les « pives » aux formes parfaites qui se tiennent debout sur les branches des mélèzes, comme des bougies éteintes d'un arbre de Noël, ou pendent, alourdies de résine, sous les épines sombre des sapins. Chaque chose a sa vie propre, sa personnalité, sa vocation, sa destinée ; nous nous en emplissons les yeux, flous pénétrons en elles parce que nous les aimons et notre vie s'amplifie de la leur tout en se simplifiant.
Et ce soir, de retour à la maison, nous jouerons, filon enfant et moi, à revivre en fermant les yeux tous les souvenirs, toutes les impressions recueillies dans notre promenade. Les objets familiers du logis, les murs, les plafonds, toutes les choses quotidiennes seront bientôt associées à ces souvenirs qui accourront à notre appel, et notre petit univers sera ainsi élargi et embelli, car par delà le logis clos, nous demeurerons en communion avec cette grande force perpétuellement à l'ouvre dans le moindre brin d'herbe comme dans la ronde des astres au firmament.
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