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Les enfants de parents divorcés
Le développement harmonieux et normal de l'enfant ne peut s'accomplir que dans un foyer dirigé par un père et une mère vivant de façon permanente et légale en communion de corps et d'esprit.
Pour tous les enfants, tout divorce est une catastrophe. Je pèse mes mots, et j'affirme que cette règle n'a, pour être parfaite, qu'un seul défaut : C'est qu'elle n'a pas d'exceptions
Mais je dois tout de suite ajouter que ce serait, dans certaines conditions, une plus grande catastrophe encore pour les enfants de continuer à vivre dans tel foyer où la mésentente devient intolérable que de subir les conséquences du divorce de leurs parents. Entre deux catastrophes, le divorce est parfois la moins catastrophique. Il n'en demeure pas moins l'effondrement du seul édifice dans lequel un enfant puisse grandir et s'épanouir normalement. Et aucun arrangement, aucun aménagement subtil et ingénieux du droit de visite ne peuvent apporter à cette catastrophe un remède efficace. Si j'insiste là-dessus, c'est que j'ai l'impression que magistrats, avocats et parties ont tendance à minimiser, je dirais même refouler cet aspect-là des conséquences d'un divorce. Et j'emploie le terme « refouler » dans son sens psychanalytique, qui veut dire : chasser dans l'inconscient des pensées dont la présence dans notre vie consciente nous serait intolérable. En effet je crois que si les intéressés se rendaient compte du problème véritablement insoluble qu'un divorce pose par rapport aux enfants, ni les parties, ni leurs avocats, ni les juges n'en dormiraient plus. On se rassure trop facilement en pensant que l'enfant se débrouillera, qu'il sera beaucoup plus heureux loin de ses parents, loin de son père alcoolique, loin de sa mère qui le néglige pour un amant, et l'on finit par se persuader que le divorce profitera à l'enfant. Je suis le premier à reconnaître que c'est juste dans certains cas , mais d'une façon générale, les enfants demeurent les grandes victimes de tout naufrage conjugal. « Si seulement papa et maman pouvaient revivre ensemble » ! C'est le cri que nous autres psychologues d'enfants entendons si souvent, mais que vous, Messieurs les juges, Messieurs les avocats, n'avez malheureusement que trop rarement l'occasion d'entendre. Et je suis frappé de constater combien d'enfants acceptent qu'une certaine mésentente règne entre leurs parents, mais frémissent à l'idée qu'il pourrait en résulter un divorce. Certes, je le répète, l'enfant ne peut se développer harmonieusement que dans un ménage uni ; mais il arrive plus souvent qu'on ne le croit que le climat d'un ménage relativement désuni, mais encore existant, lui convienne malgré tout mieux que celui des ruines d'un ménage détruit.
Tout le soin qu'on apporte à fixer, à nuancer, à différencier l'attribution des enfants n'apporte généralement qu'un bien faible lénitif à la catastrophe. Ces attributions sont d'ailleurs opérées bien souvent selon des critères psychologiques pour le moins discutables. Ainsi, dans les cas où il n'existe pas de torts manifestes de part ou d'autre, il est souvent d'usage d'attribuer les filles à la mère et les garçons au père. Ce principe satisfait peut-être à la loi de symétrie, mais il n'est pas nécessairement juste du point de vue psychologique. Dans d'autres cas, on croit fendre la broche en décidant que jusqu'à tel âge l'enfant sera attribué à la mère, ensuite au père. Cette solution, elle non plus, n'est point satisfaisante. Trop souvent l'enfant vivra dans la terreur de voir approcher le terme où il devra aller chez l'autre époux, terreur entretenue par telle des parties à qui l'enfant a été attribué en premier lieu.
Lorsqu'on parle des dommages causés par divorce aux enfants on objecte parfois « Mais enfin, il y a des enfants orphelins de père ou de mère qui vont très bien et se développent normalement ». Ce raisonnement ne vaut que peu de chose. Tout d'abord parce qu'en règle générale, et toutes choses égales d'ailleurs, les orphelins auront toujours un peu plus de peine à se développer que les enfants ayant gardé leurs deux parents. Ensuite et surtout, parce que l'orphelin est généralement élevé dans le souvenir respectueux et affectueux du parent décédé. Bien souvent même, la figure du défunt prendra dans la mort un prestige qu'elle n'aurait peut-être point conservé dans la vie. Chez l'enfant de divorcés, les conditions sont bien différentes : la partie à laquelle l'enfant n'est pas attribué prend une figure de coupable, et polarise sur elle bien souvent toute la rancune, le mécontentement, la haine de celui des conjoints auprès de qui se trouve l'enfant. Rares sont les enfants de divorcés qui ne sont point violemment traumatisés par ce sentiment extraordinairement pénible d'être tiraillés dans leurs affections entre deux pôles contraires, dont l'un est chargé de culpabilité. Cela est beaucoup plus traumatisant, je le répète, que le décès prématuré de l'un ou même des deux parents.
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