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Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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La mère du Dr César Roux

Ce sont les femmes qui élèvent les enfants ; si toutes les mères prenaient conscience de leurs magnifiques possibilités et des devoirs que celles-ci commandent, le monde serait meilleur et connaîtrait bientôt la vraie richesse.
Grâce à Dieu, il existe de ces femmes-là. La mère du professeur César Roux - notre Roux - en était une.
Femme d'élite dans sa simplicité et sa dignité, elle a enrichi son pays par les fils et les filles qu'elle lui a donnés.

Benjamin Roux et sa jeune femme s'établirent dans la maison d'école. Ils y vécurent vingt ans et eurent onze enfants, six filles et cinq fils ; onze enfants à nourrir avec un traitement de sept cents francs par an ! On croit rêver.*
Et l'on est pénétré d'admiration pour une femme qui, pendant vingt ans a pourvu aux besoins multiples de treize personnes avec des ressources aussi modiques. Que d'ordre, de travail, de savoir-faire, de courage, de don de soi cela suppose Madame Roux était une de ces Vaudoises, - vraie réserve du pays, - qui prévoit, répare, soutient, encourage, construit…

Benjamin Roux appelait sa femme Ma Sapience.
Elle était sage, en effet, d'une sagesse aimable et gaie.
Profondément unis par l'amour, mari et femme étaient unis aussi dans l'idée qu'ils se faisaient de l'éducation : amener les enfants à accomplir volontairement le devoir, c'est-à-dire ce qui est dû à Dieu et au prochain.
A cet enseignement, la mère ajoutait le sourire. Toute son attitude disait que devoir et bonheur sont une seule et même chose.

Grâce à son don d'observation et à son intuition féminine, elle savait et elle sentait ce qu'elle pouvait exiger de chacun de ses enfants et elle l'exigeait. Elle connaissait leurs dons particuliers et aussi leurs tendances, bonnes ou mauvaises. L'un ou l'autre avaient-ils commis une faute, elle le prenait à part et le confessait avec fermeté et amour. « Tu m'as fait beaucoup de peine », lui disait-elle. Ce chagrin de la mère était pour l'enfant la plus dure des punitions. D'autre part, sa vraie récompense était une marque d'approbation.
« Faire plaisir à une mère adorée », n'est-ce pas là ce que César Roux souhaitera à chacun de ses étudiants, lorsqu'il prendra congé d'eux au moment de sa retraite ?

Chérie de chacun de ses enfants, certes, Madame Roux l'était ; non point qu'elle les gâtât, qu'elle eût peur de leur déplaire ou qu'elle éloignât toutes les pierres de leur chemin. Elle ne leur cachait pas la réalité de leur situation, et les associait au contraire à sa vie laborieuse.

Dès que leur âge le permettait, elle leur faisait partager ses difficultés comme ses joies, elle les chargeait de certaines responsabilités.
Cet esprit d'entr’aide, créé par la mère dans sa famille, elle le pratiquait au village. Etait-on inquiet de l'état d'un malade, avait-on une peine quelconque, on savait que Madame Roux aurait le temps d'écouter les confidences, et que son cour et sa main étaient toujours ouverts.

L'exemple, donné par les parents, façonnait le cour et la conscience des enfants. On sait comment César Roux, plus tard, s'en inspirera.

César, le huitième enfant, avait dix-neuf ans à la mort de son père. Grâce à l'aide et à la générosité de son frère aîné, il put faire des études de médecine. Il partit pour Berne où il travailla avec acharnement. Il s'établit par la suite à Lausanne, où il fut nommé bientôt chef de clinique à l'hôpital, puis professeur à l'université. En 1903, il recevait la bourgeoisie d'honneur de Lausanne. «Quelle joie pour ma mère !» se dit-il. Et, ayant pris la plume pour remercier le Conseil communal, il terminait sa lettre par ces mots : « Permettez-moi, Messieurs, d'associer à l'expression de ma reconnaissance, non seulement ma femme et mes enfants, mais toute ma nombreuse famille, et particulièrement ma vénérée mère, pour qui votre décision a été un rayon de bonheur jeté sur le quatre-vingtième anniversaire de sa naissance. »

Les autres enfants, eux aussi, associaient leur mère à leur vie, l'accompagnaient tendrement par la pensée. C'est ainsi qu'un jour, Louis envoyait à Madame Roux une coupure de la Gazette où se lisaient ces mots bien connus de Loti :

« Ma mère, je voudrais la saluer avec des mots faits pour elle et comme il n'en existe pas, des mots qui à eux seuls feraient couler des larmes bienfaisantes, auraient je ne sais quelle douceur de consolation et de pardon ».

Et Louis écrivait en marge : « Pierre Loti seul sait écrire ainsi, mais sa mère n'est pas la seule qui ait inspiré de tels sentiments à ses enfants. Moi, j'en connais une. »

La vue de Madame Roux baissait depuis longtemps ; elle avait, hélas, la cataracte sur les deux yeux. Son fils cherchait à la persuader de se laisser opérer. « On ne te transportera pas à l'Asile des Aveugles ; on t'opérera chez toi, dans ton lit ; crois-moi, dis oui ». Mais la vieille dame secouait la tête. « Non, mon garçon, non ; je vois d'où vient la lumière, cela me suffit ».
Cette demi-cécité ne l'assombrissait pas. Entourée d'affection par les siens, la vie lui était douce et bonne, et avec Marceline, la garde, elle chantait encore ces chansons de chez nous qu'elle avait jadis chantées avec ses enfants .

…Et voici la grande guerre. En 1915, quand après avoir consacré ses vacances universitaires aux grands blessés de l'hôpital militaire de Besançon, César Roux revint à Lausanne, il trouva sa mère malade d'une pneumonie, déjà presque inconsciente. A la voix de son fils, cependant, elle semble tressaillir.
- Mère, me reconnais-tu ?
- Si, je te reconnais! mon garçon !
Et ce fut la séparation suprême. Elle s'en alla, bénie de ses enfants, petits-enfants, de tous leurs amis, de tous ceux à qui elle avait fait du bien.

Son oeuvre l'a suivie. A son exemple, ses enfants ont servi les autres, ils ont donc servi leur pays, sept d'entre eux dans l'enseignement, plusieurs dans des charges publiques. Ces précieuses semences de bonté, d'honnêteté, de désintéressement déposées dès leur plus tendre enfance dans leur conscience et leur coeur, à leur tour, ils les ont répandues, les ont fait fructifier.

La richesse réelle, durable est dans des hommes comme César Roux qui ont servi le pays d'un coeur honnête et bon.
Mais elle est tout d'abord dans le coeur des mères.

« Si j'ai quelque mérite, disait César Roux, je le dois à ma mère ».


* Nous sommes en 1844 !









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