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Comment apprendre à l'enfant à aimer?
Les lignes qui suivent sont empruntées à la riche étude du Dr G. Richard (1), de Neuchâtel, que publie la "Revue Suisse d'Hygiène".
La source de tout amour est : la mère. C'est elle qui le donne en premier ; c'est elle qui le verse sans compter au petit être qui vient de se séparer de son corps et qui gît impuissant à côté d'elle. Il a besoin de sa chaleur, de son lait, de ses soins vigilants, mais bientôt aussi de son amour. Savons-nous quel âge ce petit, tout dépendance, ressent l'amour de sa maman? Sitôt qu'il perçoit, pensons-nous, et la chaleur du sein et la douceur du lait. Nourriture surajoutée, la tendresse devient bientôt breuvage indispensable .
L'amour est donc indispensable à tout enfant. Ceux qui en sont privés en souffrent non seulement dans leur coeur, mais dans leur corps et dans leur équilibre nerveux: et ce sont les névrosés avec leurs symptômes variés (mouilleurs de lit, onanisme, vols, fugues, troubles de la digestion ou du sommeil) ; ce sont les caractères difficiles, les réactions d'opposition; ce sont les enfants qui cherchent à s'imposer à leur entourage par tous les moyens, fut-ce par les plus désagréables.
L'enfant a donc un besoin irrésistible d'amour, il l'attend de sa mère, il l'attend de son père. Il a besoin que cet amour soit exprimé et ne reste pas un sentiment sans manifestations extérieures. Qu'il soit exprimé non seulement par des paroles, mais par toute l'attitude de ses parents, par tout leur être par le ton de leur voix, par l'expression de leur visage, par la joie de leur rire, par la spontanéité de leurs gestes. Qu'un père ou une mère affirment à leur enfant « Tu sais bien que je t'aime» et estiment superflu de manifester extérieurement leur affection, c'est presque nier du geste ce que l'on donne, en pensée, c'est empêcher l'enfant de croire tout fait à leur tendresse, c'est l'empêcher de la ressentir d'une façon vitale, c'est enfin paralyser la spontanéité de cet enfant. Or nos enfants ont besoin de manifester leur amour comme leurs ressentiments ils en ont besoin pour entrer en contact vivant avec autrui et pour se sentir autorisés à avoir une vie affective intense.
Il est hors de doute que la plupart des parents donnent cet amour nécessaire à leur enfant. pourvu qu'ils en aient le temps et les forces. Le temps passé à aimer est du temps gagné. Chaque fois que des parents n'ont pas le temps d'aimer, ils en perdent ; chaque fois qu'ils savent en perdre pour cela, ils en gagnent. Et si nous voulons que la jeune génération soit non seulement heureuse, mais saine, il faut que les parents aient le temps et les foi-ces d'aimer ; il ne faut pas que la mère, trop fatiguée par son travail d'usine et rentrant tard soit « absente » auprès de son enfant ; il ne faut pas que le père, accaparé par sa profession ou par la politique, ne puisse se donner qu'avec parcimonie à ses enfants. Non. Les parents ne donneront jamais trop d'amour à leurs enfants
à condition que ce soit avec discernement.
Car il y a des parents qui le donnent sans discernement. Cela veut dire : le donner sans limites, sans conditions, selon l'unique bon plaisir de leur enfant. Or ce bon plaisir ne tient pas compte des possibilités et des limites des autres : il ne tient compte que du besoin primitif et illimité de l'être naturel. C'est bien une des tâches importantes de l'éducation d'apprendre à l'enfant à tenir compte de ces autres. En le faisant, elle le prépare aux renoncements inévitables et nécessaires dont sera semé son chemin : on ne peut progresser, on ne peut atteindre un but qu'en renonçant à d'autres buts, on ne peut posséder certains biens qu'en renonçant à d'autres biens, certains plaisirs qu'en renonçant à d'autres plaisirs. Le père et la mère qui aiment leur enfant en tenant compte de ces réalités-là, c'est-à-dire qui aiment davantage son bonheur que sa satisfaction immédiate et totale sauront l'aimer comme il le faut, c'est-à-dire de toute leur tendresse, mais en lui apprenant - à l'aide de cette tendresse l'art difficile du renoncement. Adapter l'enfant à .la réalité, c'est le, plus grand service que nous puissions lui rendre.
Un motif particulier de donner trop d'amour à un enfant, c'est celui qui consiste à vouloir inconsciemment le retenir auprès de soi, à vouloir le garder. Il y a malheureusement, on le sait, des parents qui aiment leurs enfants comme leur bien propre, leur trésor privé. Sans doute le petit est le trésor de sa mère ; et il n'y a pas de mal à ce que nous jouissions de ces cadeaux uniques que nous fait la vie nos enfants. Mais si nous voulons les préparer à la vie, nous devons, nous le savons, les donner à la vie ou plutôt à leur destinée. On ne peut mettre assez en garde la mère qui, sous le couvert d'une. sollicitude chaude et apparemment généreuse, retient son petit « par amour » auprès d'elle, qui lui dit de la bouche : « Va, deviens homme, libère-toi » et qui, du geste et de la voix, le retient comme son bien le plus précieux dans le nid de son amour; ce nid qui, à ses yeux, est ce qu'il y a de mieux au monde !
Trop d'amour est aussi mauvais que pas assez ! Qui saura donner la juste mesure ?
Celui qui a le plus de chance de la donner est l'homme qui aura reçu lui-même, dans son enfance, ce dont il avait besoin, mais qui aura appris en même temps à limiter ses besoins à la mesure de la réalité possible
Sans doute il n'y a pas seulement notre enfance et nos parents qui nous préparent; les camarades, l'école, le milieu où nous vivons nous marquent de leur empreinte ; plus tard le mariage a une influence bonne ou mauvaise sur notre développement
La réussite ou la non réussite de notre vie personnelle a une énorme influence sur ce que nous serons à l'égard de nos enfants
La réussite de notre bonheur est indispensable au bonheur et à la santé de nos enfants, et ceci non seulement au point de vue de la tendresse qu'au point de vue sexuel, ces deux points de vue ne pouvant pas être séparés l'un de l'autre. Au fond il n'y a qu'une recette pour apprendre à l'enfant à aimer, c'est de savoir aimer soi-même
Que celui qui veut éduquer ses enfants s'éduque lui-même; le plus gros atout dans toute éducation, c'est la capacité des parents de reprendre leur éducation personnelle à l'occasion des difficultés qu'ils rencontrent dans celle de leurs enfants.
L'enfant saura aimer s'il a été aimé normalement et avec discernement, et il ne sera normalement aimé que par un père et une mère qui s'aiment normalement.
(1) Du même auteur : La jalousie, cet obstacle méconnu. - Conflits conjugaux. - L'éducation sexuelle de nos enfants. - Je suis un enfant de parents divorcés. (Ces ouvrages sont à la disposition de nos lecteurs).
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