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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Enfantines

Les enfants habitent un univers à part: l'éducation consiste à les en sortir pour les faire entrer dans celui des grandes personnes. Mais ils se méfient, battent froid quand on leur propose de participer à leurs jeux, se taisent à notre approche s'ils sont en train de se raconter une histoire. L'adulte est l'étranger, l'ennemi peut-être. De là leurs mots de passe, leurs langages fabriqués, et même les fous rires qui leur servent à brouiller la piste. Entre eux et nous s'étend une frontière invisible, une espèce de no man's land. Si on les oblige à la franchir, ils n'ont de cesse qu'ils se soient repliés sur leur monde secret.

Quand nous pensons à notre propre enfance, n'éprouvons-nous pas la nostalgie d'une région mystérieuse où seuls nous avions accès et dont l'âge nous a exilés !
En revanche l'autre monde, celui des grandes personnes, paraît aux enfants incompréhensible et redoutable. Il y règne un brouhaha de paroles, il s'y produit des événements qui les laissent totalement indifférents. Les lois en sont aussi bizarres qu'irritantes. « Dis bonjour.» « Va te laver les mains. ». Ils ne suivent même pas les règles de notre vie mentale : par exemple la notion de temps est inconcevable pour eux, car ils ont trop peu vécu pour se représenter la durée. D'ailleurs ils ne savent pas lire l'heure aux pendules.

Ils ne se reconnaissent pas non plus dans l'étendue physique. J'avais grand plaisir, il y a bien des années, à me promener avec deux petits garçons. Si je leur demandais ensuite où nous avions été ils ne pouvaient me répondre. Les rues, les jardins publics, autant de décors irréels. Ils se retrouvaient avec étonnement dans des lieux familiers sans comprendre comment ils y étaient parvenus. Un jour qu'ils avaient été emmenés par leur mère, je les rencontrai, la bouche ouverte, les yeux distraits: ils furent stupéfaits de me découvrir soudain parmi tant d'anonymes passants, et semblable pour eux à une apparition. Stupéfaits aussi de me retrouver à la maison, rentré avant eux. Etais-je multiple ?

Dans l'univers des enfants la notion d'identité n'a pas cours. C'est un univers changeant, indéterminé, qu'ils modifient et réinventent sans cesse par le jeu et par le rêve. Cette mobilité des apparences, qui leur fournit un perpétuel divertissement, leur sert aussi d'alibi. Paul a été désobéissant et on l'a grondé. Alors il déclare que c'est un méchant Paul qui a commis la sottise mais que lui est le bon Paul. Il stigmatise le Paul coupable, il le charge de propres péchés et ainsi, s'étant dédoublé, s'innocente lui-même.

Les choses, aux yeux des enfants, pourraient toujours se passer autrement. D'où l'emploi fréquent de la conjonction e « si » afin de faire foisonner les hypothèses. On leur raconte une histoire, elle est belle, mais une variation le serait également, peut être davantage. « Si… » Si c'était différent. Tout est possible.
Malgré son absence de rigueur, de conformité à l'objet, leur pensée est logique. Mais d'une logique qui ne cadre pas avec la nôtre et aux conclusions de laquelle il est difficile de répondre. Un enfant que je connais bien et à qui on avait appris que la Méditerranée n'avait pas de marées, demeura songeur puis demanda :
- Alors, est-elle toujours à marée basse ou à marée haute ?

On me racontait l'autre jour qu'une petite tille qui venait de découvrir l'existence des cannibales s'informa si, avant de manger leurs victimes, ils les pelaient.
L'horreur d'un tel repas ne la touchait guère car la mort n'existe pas dans le monde des enfants, du moins comme fait tragique. Sans doute il leur arrive d'en entendre parler. Mais en termes adoucis, rassurants. Cesser de vivre, c'est aller là-haut, « là où il y a des avions » . Cela les intéresse comme un mystère, cela tient du conte auquel on ne croit qu'à moitié, de la féerie. L'un des deux petits garçons dont j'ai parlé, m'entendant raconter qu'une dame venait de mourir, m'interrompit, saisi de curiosité
- Dis donc, est-elle montée au ciel tout droit ou en zig-zag?

Je demeurai coi.

Robert DE TRAZ.









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