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Enfants gâtés
Pour beaucoup de pères et de mères les enfants ne sont que des hochets, des joujoux, qu'on aime en proportion du plaisir qu'ils vous procurent, ces parents-là sacrifient journellement l'avenir auquel ils ne songent guère, au présent dans lequel ils ne recherchent que leur propre satisfaction.
Le résultat de cet égoïsme imprévoyant ce sont des enfants gâtés.
Après plusieurs années d'attente impatiente, M. et Mme de A. ont eu la joie d'avoir un garçon. Pour le futur héritier rien n'est trop beau, ni trop bon: on le gâte.
Dans la famille B., une fille a fait son apparition après plusieurs garçons. D'accord avec père et mère ceux-ci gâtent à l'envi la pauvre enfant jusqu'au jour où, fatigués de ses exigences, ils la qualifieront d'insupportable.
Madame C. n'a qu'un fils. La crainte de le perdre la tourmente sans cesse: le moindre rhume, la moindre chute l'agitent et l'inquiètent. Semblable à la poule qui n'a qu'un poussin et le croit perdu sitôt qu'elle cesse de le voir et de l'entendre, elle ne pense qu'à son fils, ne vit que pour son fils et par son fils. Mère indulgente et faible elle se verra peut-être abandonnée par son fils et passera ses vieux jours dans l'isolement, la honte et les regrets.
Madame D., au contraire, a eu bon nombre d'enfants. Mais les premières caresses d'un bébé ont tant de charme, son premier sourire est si précieux, qu'à chaque nouveau venu Mme D. oubliait et le premier sourire et la première caresse des aînés pour ne plus voir que le bébé qui réclamait ses soins assidus et lui paraissait plus tendre, plus aimable que son prédécesseur. A mesure qu'il montrait plus d'intelligence, elle devenait plus injuste avec les aînés.
«Cède à ton petit frère, à ta petite soeur; il faut être complaisant», disait-elle à celui qui ne voulait pas se laisser arracher les cheveux, ravir un fruit, un joujou.
Dès lors le dernier né en qui les autres enfants avaient espéré trouver un camarade de jeu, devient pour eux un maître impérieux, un tyran, qui non content de les blesser à tout moment, grâce à la maladresse et l'inattention de la mère, leur enlève encore des caresses autrefois toutes réservées pour eux. De là, la jalousie, suite des préférences. Et dans cette nombreuse famille les enfants sont ainsi gâtés les uns après les autres et deviennent tous victimes d'une tendresse irréfléchie.
Madame E. a aussi plusieurs enfants, mais un seul a pu être nourri par elle; et, sans qu'elle s'en rende compte elle a pour lui des préférences injustes. En retour des soins qui lui ont été prodigués par sa mère et des peines qu'il lui a coûtées, cet enfant a pour elle de plus douces caresses, il est plus confiant, plus empressé. Et Mme E. lui témoigne involontairement plus de patience et d'affection qu'aux autres, elle le gâte.
Monsieur et Madame F. ont deux enfants. L'un particulièrement joli et intelligent fait l'orgueil de sa mère et il ne tarde pas à croire que la préférence dont il est l'objet vient de ses vertus. Cette partialité est douloureusement ressentie par celui qui en est la victime.
Mais par un sentiment de justice et de compassion, M. F., qui ne partage pas la prévention favorable pour le favori, a imaginé de dédommager celui que sa femme négligeait et qui lui paraît mériter encore mieux la préférence. Et maintenant voilà deux enfants gâtés par les caresses ou par les refus puisqu'ils sont flattés ou rebutés tour à tour, selon qu'ils ont à faire à l'un ou à l'autre de leurs parents. Ils deviennent jaloux, méchants. La rivalité s'établit entre eux, et la haine est le résultat de la maladresse de leurs parents. Ceux-ci en gémiront les premiers, car ces enfants, seront pour eux un sujet continuel de chagrin et de discorde.
Enfin dans la famille G. les enfants aimés d'un égal amour traités avec justice et bon sens deviendraient tout à fait charmants s'ils n'étaient gâtés par les étrangers et les parents chez lesquels père et mère les laissent passer plus ou moins de temps.
Ces personnes n'ayant chez elles un de ces enfants que pour peu d'heures ou de jours, veulent s'en amuser. Elles s'inquiètent peu de son éducation; la crainte d'altérer sa gaîté et de s'occasionner de l'ennui les empèche de réprimer les saillies de malice, les boutades que papa ou maman ne passeraient pas.
Pour s'attirer les bonnes grâces de l'enfant, elles le flattent, font valoir ses moindres talents, le comblent d'amabilités. Et lui, gâté par eux, ne trouve plus le foyer paternel aussi agréable qu'auparavant. A son tour il se montre moins facile, moins complaisant, plus entêté. Son éducation devient, pour sa famille, une oeuvre pénible.
Pères et mères, songez à la responsabilité qui pèse sur vous et, si vous aimez véritablemont vos enfants, ne négligez pas la première éducation. En respirant le parfum de la fleur qui renferme vos espérances, ne la froissez pas.
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