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Une vie victorieuse Message de Pâques
Quand je l'ai connue, c'était déjà une très vieille femme. Elle était menue et toute ridée, mais sous ses sourcils en broussailles son regard était demeuré étonnamment jeune et vif, et une expression malicieuse et spirituelle éclairait très souvent son vieux visage.
Cependant sa vie s'était passée tout entière sous le signe du péché des hommes et de ses conséquences.
Fille naturelle d'une femme qui avait honte d'elle, elle avait été placée très jeune comme petite bonne chez des maîtres variés, si bien que son instruction avait été complètement négligée. C'est à dix-neuf ans qu'elle avait appris à lire toute seule, le soir, dans sa mansarde de pauvre servante, à la lueur d'une bougie. Puis elle s'était mariée et de son mari, un malheureux alcoolique, elle avait eu plusieurs enfants, mais la plupart étaient morts en bas âge de méningite tuberculeuse, à cause des excès du père ; elle était demeurée veuve de bonne heure, son dernier fils avait été tué pendant la première guerre mondiale, et à 8o ans, quand je l'ai connue, elle n'avait plus comme famille que deux petits-enfants.
Elle habitait une chaumière dans la campagne française et achevait là sa vie dépouillée. Mais quelle joie, quelle sérénité émanaient d'elle! II y avait en elle quelque chose d'indomptable et d'indompté, et le secret de sa fermeté d'âme était dans sa foi.
Seule dans sa petite chaumière, trop éloignée d'une église pour pouvoir se rendre au culte, elle faisait son « office », comme elle disait, chaque dimanche, avec une fidélité inébranlable.
Quand on venait la voir, on la trouvait avenante et accueillante dans la pauvre unique pièce de sa demeure ; au milieu de cette pièce, il y avait une table sur laquelle se trouvaient la Bible, à la place d'honneur, et un livre de cantiques, car elle chantait durant ses «offices», comme on chante à l'église, et je pensais que sa voix chevrotante devait être entendue dans les cieux mieux que celle d'un brillant soliste d'une de nos cathédrales.
Une fois elle nous parla de sa douloureuse vie, puis elle ajouta : « Malgré cela, Dieu ne m'a jamais abandonnée. » Cela signifiait toutes les détresses qu'elle avait connues, toutes les turpitudes humaines qu'elle avait bues jusqu'à la lie.
D'autres auraient dit « à cause de cela, je ne crois plus en Dieu », mais elle disait : «malgré cela, Dieu ne m'a jamais abandonnée », car elle avait accepté sans murmure le poids de sa vie misérable comme étant la part que Dieu lui attribuait dans le grand désordre du monde, et elle était simplement reconnaissante que cette misère ne lui ait pas voilé la face du Père qu'elle adorait.
Un jour, on nous téléphona de son hameau qu'elle était malade et nous vînmes la chercher en auto. C'est un très léger fardeau que la voiture transporta à l'hôpital de la ville voisine.
Elle mourut quelques jours plus tard, sans peur ni défaillance, ayant gardé presque jusqu'à la fin son esprit pétillant et sa lucidité.
Son souvenir demeure extraordinairement vivant dans ma mémoire. Elle était de ceux dont la foi soulève la pierre de tous les sépulcres que l'iniquité des hommes creuse dans les vies humaines, et sa vie, en dépit de tout, avait résonné comme un chant de victoire, à la gloire du Ressuscité.
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