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Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Nos Foyers

- Jean, ramasse tous ces jouets que tu as dispersés par tout sur le plancher !

Le ton de la mère dénote fatigue et énervement. Elle travaille fiévreusement à un vêtement d'enfant qu'elle a décrété devoir être fini avant souper. Quant à Jean, il achève avec soin la construction d'une église, dont le clocher lui donne du souci. L'ordre de sa mère lui importe évidemment moins que la réussite de son oeuvre.

- Jean, ne m'as-tu pas entendue ? Ramasse tous ces jouets ! Veux-tu m'obéir où non ?

Cette fois le ton est plein de menace et la mère qui ne supporte pas que personne l'empêche de terminer son travail ne remarque pas que son petit Jean accomplit aussi, en bâtissant son église, un véritable travail et résoud, en posant d'aplomb son clocher, un problème d'équilibre pour le moins aussi compliqué et non moins intéressant qu'une pose de poignets à une blouse.

Mais le ton menaçant a produit à peu près l'effet désiré sinon désirable. L'enfant lâche son dernier morceau de bois et l'impatience le gagnant aussi:

- Tu aurais bien pu attendre jusqu'à ce que mon clocher fût fini, murmure-t-il. Maintenant, tant pis pour tout ça !

Et d'un coup de son petit pied il en fait un monceau informe, puis se tourne avec dépit vers les soldats de plomb épars autour de lui.

- Quelle impertinence de parler ainsi à sa mère si seulement papa t'entendait!

- Papa ne gronde très fort que quand on l'a mis de mauvaise humeur!

Jean a six ans. Il a une grande soeur, Marthe qui en a dix. Puis il y a au cimetière une tombe fleurie, où fut déposé le petit frère né entre les deux, enfin un bébé de trois ans qui dort dans son berceau.

En ce moment Marthe arrive en courant, les yeux brillants, les cheveux en désordre et un grand accroc à sa robe de percale rose.

- Maman, puis-je aller avec Emma dans le bois pour chercher des fougères ? Et puis nous aurions besoin de fleurs pour, nos plates-bandes ?

Elle a prononcé cette dernière phrase sur un autre ton car elle a rencontré le regard courroucé de sa mère.

- Certainement non ! Tu ne sortiras pas dans cet état et avec cette affreuse déchirure. Va tout de suite dans ta chambre et n'en reviens pas avant d'être parfaitement en ordre.

Toute la joie de la fillette a disparu pour faire place à un sombre désappointement. Elle se dirige vers le jardin.

- Marthe ! m'as-tu comprise. C'est dans ta chambre que je t'envoie et tu n'en prends pas le chemin!

- Ne faut-il pas que je dise à Emma que je ne peux pas venir?

La mère ne se méprend pas sur le ton provoquant de l'enfant, surtout lorsque celle-ci ajoute: «Tu fais tout ce que tu peux pour me gâter mes plaisirs !»

- En voilà une malhonnête ! monte tout de suite. Je raconterai ta conduite à ton père dès qu'il arrivera.

Marthe sort, mais dit encore assez haut, tout en montant l'escalier:

- Cela m'est bien égal qu'elle le dise à papa. Il finit aussi par ne plus faire attention à ce qu'elle dit. J'ai bien vu ça hier, quand elle lui a reproché d'être allé à la pêche au lieu de planter les haricots.

Marthe et Jean voient, entendent, observent et tirent leurs conclusions. Sans s'en douter ils imitent aussi même ce qu'ils blâment et dont ils souffrent. Bien étonnée et offusquée serait leur mère si on lui disait qu'elle enseigne à ses enfants un langage grossier, le mépris de la politesse et des égards. Cependant rien n'est plus vrai. Marthe, Jean et même déjà Robert voient les gestes de leur mère, entendent et comprennent les inflexions de sa voix; l'expression de son visage se reflète sur les leurs et toutes ces choses sont des enseignements trop vite appris et peut-être jamais oubliés !

Plus âgés n'emporteront-ils pas avec eux cette atmosphère du foyer et ne traiteront-ils pas supérieurs et camarades comme ils sont traités eux-mêmes, sans égards et sans politesse ? Et pourtant leur mère vous dira avec conviction: «Ils ne pourront jamais me reprocher de m'être épargnée. La première levée, la dernière couchée, je me tuerais plutôt à la peine que de laisser le ménage et les enfants aller tout de travers comme ça arrive si souvent !»

Et ce témoignage qu'elle se rend à elle-même est vrai. Malheureusement elle n'a pas encore compris qu'être bien logés, bien nourris, bien vêtus n'est pas pour ses enfants synonyme de bien élevés, et que le titre de bonne ménagère, dont elle veut à tout prix être digne ne remplace pas pour son mari celui de bonne épouse qu'il voudrait, mais ne peut pas lui décerner. Elle n'a pas encore compris que le surmenage dont se ressent si
péniblement son caractère lui est imposé moins par les circonstances et son amour pour les siens que par la recherche de sa propre satisfaction. Inconsciemment sans doute, mais très certainement, elle veut arriver à être contente d'elle-même, à n'avoir rien à se reprocher quant à l'emploi de son temps. Et elle ne voit pas que dans la
poursuite de cette satisfaction, elle ne rend heureux personne autour d'elle. Ses renoncements et ses sacrifices ne sont pas appréciés. N'étant point inspirés par le coeur ils n'inspirent à leur tour ni amour ni respect.

(A suivre).









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