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J'interroge ma fille adoptive

Il y a vingt ans, j'adoptais mon premier enfant. Par la suite, nous en trouvâmes quatre autres pour lui servir de frères et de soeur. Avant de m'asseoir à mon bureau pour écrire cet article, j'ai consulté ma fille aînée, presque majeure, sur ce qu'il convenait de dire aux gens qui souhaiteraient, eux aussi, adopter des enfants.

- Tout d'abord, me dit-elle, je ne trouve pas que n'importe qui doive adopter un enfant. Non que je songe à l'argent: richesse ou pauvreté n'ont rien à voir avec la question.

Et nous voilà discutant des conditions nécessaires pour devenir père et mère adoptifs.

- Je crois, poursuivit ma fille, que les parents ne doivent pas être trop jeunes. De très jeunes gens ne pensent guère qu'à se donner du bon temps. Ils ne se soucieraient peut-être pas suffisamment de l'enfant.
- Mais de très jeunes couples, dis-je, ont bien souvent des enfants à eux.
- Ceux-là peuvent s'en occuper par pur instinct animal. A l'égard d'un enfant adoptif, il faut éprouver quelque chose de plus, fit observer ma fille. Bien entendu, les parents ne doivent pas non plus être trop âgés, autrement ils ne pourraient pas supporter le vacarme que font de jeunes enfants. Seuls les gens qui les aiment vraiment devraient être autorisés à en adopter.

Elle venait d'exprimer là une vérité que je sens moi-même profondément. Bien des parents aiment leurs propres bébés, mais ils n'aiment pas tous les bébés. Seuls ceux qui s'attachent aux enfants en général remplissent les conditions requises .

… Et puis les bébés grandissent. Ces bambins couverts de taches de rousseur, enragés, insupportables vous amuseront-ils toujours? Leurs méfaits accumulés vous feront-ils encore rire ? Saurez-vous les chérir tout en restant clairvoyants ? Si vous aimez foncièrement les enfants et si votre système nerveux les supporte, alors seulement vous pourrez en adopter.

Il ne faut pas s'en tenir à un seul enfant, déclara encore ma fille, très nettement. Des frères et soeurs avec qui partager l'affection et la vie de tous les jours sont aussi nécessaires à l'enfant adoptif que son père et sa mère. Cela donne à son existence plus de sécurité morale.

Je posai encore une question à ma fille.
- Ai-je bien fait de te dire, depuis le début, que nous t'avons eue par adoption?
Ce n'était encore qu'un bébé quand elle fit son entrée chez nous. Mais, dès qu'elle fut assez grande pour qu'on lui racontât des histoires en la mettant au lit, je lui contai la merveilleuse histoire de notre rencontre - et comment je l'avais découverte et pourquoi je l'avais choisie de préférence à tous les autres bébés que j'aurais pu avoir. Cette histoire fut maintes et maintes fois répétée, plusieurs années durant.
Et voilà qu'un soir - elle avait alors sept ans comme je reprenais une fois de plus ce récit, elle se mit à bâiller.
- Je connais tout ça par coeur, me dit-elle. Raconte-moi donc quelque chose de nouveau.
Je me sentis le coeur plus léger. C'était bien maintenant une vieille histoire acceptée et classée. On pouvait sans crainte la laisser glisser dans l'oubli. Nous étions sûres l'une de l'autre.

Maintenant qu'elle a vingt ans, ma fille me dit d'un air pensif:
- Je suis contente, vois-tu, que tu me l'aies dit avant même que je puisse m'en souvenir. J'ai toujours admis comme une chose naturelle, que les gens pouvaient avoir des enfants, soit par la naissance, soit par l'adoption. Voilà tout. Si je n'avais pas su cela de tout temps, peut-être aurais-je eu un choc en apprenant la vérité.

Mais si tu ne l'avais jamais découverte? lui demandai-je.
- Il y aurait toujours eu quelqu'un pour me le dire. J'aime mieux l'avoir su de toi, maman.

En effet, je ne craignis plus rien pour elle à partir de cette soirée de sa huitième année. Deux ans plus tard, j'allai la voir un été à un camp de vacances. Elle accourut vers moi, tout essoufflée.
- Oh! maman, je suis si contente que tu sois venue! Voudrais-tu parler un peu à une de mes petites amies? J'ai tant de chagrin pour elle. Figure-toi qu'elle est adoptée.
Je m'efforçai de ne pas sourire.
- Mais ma chérie, dis-je, tu sais bien que ça ne fait rien du tout.
- Oh! mais c'est qu'elle est vraiment adoptée, repartit ma petite fille avec le plus grand sérieux. Tu comprends, elle n'a pas de maman. Elle vit avec sa tante !
Ce fut pour moi un instant de bonheur profond. Mon enfant ne se sentait pas adoptée. Elle avait une mère à elle.

La plus jeune de nos filles me demanda un soir, comme je la bordais dans son lit :
- Dis, maman, est-ce que nous tous, frères et soeurs, nous sommes nés de dames différentes?
- Oui, dis-je d'un ton négligent.
- Mais ça n'a pas d'importance, reprit-elle, parce que toi, tu es notre maman à tous.
- Ça n'a aucune importance, en effet, approuvai-je.
Quelques minutes après, elle dormait à poings fermés…

Il y a une seule règle à suivre quand on vous pose des questions y répondre honnêtement. Plus l'enfant est jeune, plus la réponse doit être brève et le ton indifférent. Aux approches de l'adolescence, il convient de donner des explications plus complètes. Il faut dire à l'enfant que s'il désire faire des recherches sur ses antécédents, il en a le droit. Habituellement, si les rapports familiaux sont ce qu'ils doivent être et si la découverte de l'adoption n'a pas causé de choc, l'enfant n'éprouve aucunement l'envie de rechercher des parents qui sont pour lui des inconnus.

Je crois fermement qu'adopter un enfant dès le bas âge - aussi près de la naissance que possible est le plus sûr fondement de bonheur pour l'avenir. Pour les parents, comme pour les enfants, il est bon de partager les expériences de la petite enfance.

Le lien affectif entre parents et enfants peut-il être aussi étroit dans l'adoption quo dans la parenté naturelle ? Certes; il peut être même plus étroit. Le seul fait que les parents choisissent leur enfant adoptif, et le désirent à l'avance, assure d'emblée à leurs rapports une base favorable. Et bien souvent, par la suite, l'affection réciproque, entretenue par le sentiment de responsabilité des parents et la confiance de l'enfant, arrive à tisser un lien encore plus chaud et plus réel que le lien du sang lui-même.

Si le choix des parents adoptifs s'est porté sur un enfant plus âgé, le bon sens les guidera dans l'établissement de leurs premiers rapports. Il ne faut témoigner d'aucune jalousie envers les anciennes attaches de l'enfant. Les nouveaux parents doivent les accepter telles que l'enfant les considère et lui permettre d'en parler librement. Vouloir lui interdire certains souvenirs c'est, au contraire, les graver plus profondément dans sa mémoire.
Des enfants plus âgés auront aussi des habitudes établies qui ne cadreront peut-être pas avec celles du nouveau foyer. Ici la patience est de rigueur.

L'enfant ne prendra de nouvelles habitudes que lorsqu'il le souhaitera lui-même. Ce qu'il faut, avant tout, c'est qu'il se sente en sécurité dans son nouveau foyer; c'est qu'il soit sûr d'être désiré, sûr d'être aimé. Alors, de lui-même, il souhaitera devenir partie intégrante de la famille et se dépouillera de ses anciennes habitudes.

- Avons-nous dit tout ce qu'il y avait à dire? demandai-je alors à ma fille.
- Encore un point, dit-elle. Le passé d'un enfant adoptif est une chose qui devrait rester entre l'enfant et ses parents. Il faut laisser à l'enfant la possibilité de repartir sur de nouvelles bases.
Elle a raison. Il est quelquefois nécessaire, dans l'intérêt même de l'enfant, de préciser ses origines pour engager, par exemple, un éducateur à plus de patience et de compréhension. Mais ces propos devraient rester strictement confidentiels.
- Bien entendu, poursuivit ma fille, il n'y a pas que les parents. Il y a aussi le reste de la famille.

La nôtre est nombreuse. Ma fille pensait à sa grand-mère, à tous ses oncles et ses tantes, et à ses cousins. Nous avons eu la chance que tous accueillissent chaleureusement nos enfants d'adoption. Mais ce n'est pas toujours le cas. Il faut donc que les parents insistent pour que leurs enfants adoptifs soient traités par tous comme des membres de la famille.
- Je crois que c'est tout, maman, dit ma fille en conclusion.
Mais son père, qui s'était joint à nous, avait une question à poser.
- Encore un mot, dit-il. Adopterais-tu toi-même un enfant?
C'était là une question judicieuse. Notre fille y répondit avec une véhémence réconfortante.
- Bien sûr que je le ferais! Si je n'ai pas plusieurs enfants à moi, j'en adopterai autant que je serai en mesure d'en élever.

Après cela, je crois qu'il n'y a vraiment rien à ajouter.


Il existe en Suisse plusieurs Bureaux d'adoption: à Genève, Cours des Bastions 10 ; à Lausanne, Service social de justice, rue Louis Curtat 6; à Neuchâtel ; enfin à Rapperswil où, depuis 20 ans déjà, une institution collabore activement avec les oeuvres publiques et privées de protection de l'enfance. Réd.









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